Exclusif. Bernard Belletante (Kedge) : "Je préfère développer les écoles que les manager"

Marie-Anne Nourry Publié le
Exclusif. Bernard Belletante (Kedge) : "Je préfère développer les écoles que les manager"
Bernard Belletante // DR // © 
La rumeur qui enflait depuis plus d'un mois a été confirmée aujourd'hui, mercredi 29 janvier 2014 : Bernard Belletante va quitter la direction générale de Kedge le 31 mars. Dans une interview exclusive à EducPros, le chef d'orchestre de la fusion entre Euromed et BEM livre sa propre analyse.

Le 28 janvier 2014, Meridien Mag annonce que vous avez été "débarqué" de Kedge. Est-ce vrai ?

Si j'étais débarqué, je partirais avec un chèque. Ce n'est pas le cas. Mon départ est une décision que nous avons prise il y a longtemps avec François Pierson, le président du conseil d'administration de Kedge. Il était convenu que j'orchestre la fusion entre BEM et Euromed. Si la gouvernance de Kedge avait décidé de mettre dès le début un troisième homme à la tête de la nouvelle école, cela m'aurait paru logique.

Pourtant, des divergences de vues stratégiques avec les CCI de Bordeaux et Marseille sont évoquées…

La fusion, c'est tout sauf un long fleuve tranquille. Ceux qui en ont fait le savent. Il peut effectivement y avoir des discussions avec des actionnaires. Toutefois, on n'a pas manqué d'argent pour agrandir les locaux de Kedge ou pour développer l'activité sur la Chine. S'il y avait eu un conflit majeur avec les actionnaires, on n'aurait pas lancé ces projets-là.

Alors pourquoi démissionner seulement six mois après la fusion entre BEM et Euromed ?

Le bateau a été mis à l'eau et je ne suis pas prêt à déployer toute l'énergie nécessaire dans le management de l'école. Ce n'est pas la partie qui me plaît le plus, je suis un développeur. C'est ce que j'ai fait toute ma vie. Cela fait 12 ans que je m'implique dans ce qui a été l'ESC Marseille, Euromed puis Kedge. 12 ans d'un investissement permanent avec très peu de week-ends. Aujourd'hui, l'école a besoin de management et c'est bien de voir arriver à sa tête une nouvelle personne qui ne soit ni d'Euromed ni de BEM pour redonner du tonus au projet.

En outre, la vie professionnelle fonctionne de mon point de vue par cycles. J'en ai effectué deux de six ans à Marseille, un premier en tant que directeur adjoint, un second comme directeur général. Je suis entré dans la répétition et j'aspire à de nouveaux horizons.

Une rumeur circule selon laquelle vous allez prendre les commandes de l'EM Lyon, qui n'a toujours pas recruté de directeur depuis le départ de Philippe Courtier en juin 2013. La confirmez-vous ?

C'est ce que tout le monde raconte mais je n'en ai pas encore discuté avec l'EM Lyon. Je ne peux donc répondre ni oui, ni non. Je ne cherche pas forcément un poste de directeur général, plutôt un grand projet à l'international, sur trois ou quatre ans. J'ai 60 ans et je ne sais pas encore ce que veut dire le mot retraite. Si ma santé suit, j'ai cinq à dix ans d'activité professionnelle devant moi. J'envisage aussi de développer un projet entrepreneurial dans le domaine de l'éducation. Il y a des choses  intéressantes à faire en termes d'innovation et de design thinking.

La fusion de l'EM Lyon avec Kedge n'est pas au programme

Philip McLaughlin et François Pierson vont assurer l'intérim. Selon vous, de quel profil de directeur Kedge a-t-elle besoin ?

Ce n'est pas moi qui vais recruter mon successeur mais ce que je peux dire, c'est qu'on ne peut pas diriger une école aujourd'hui sans avoir un profil international. Il faut être capable de faire du fundraising à haut niveau, de vendre une marque. Pour une école comme Kedge, présente sur tous les segments de formation, il importe également d'être suffisamment novateur pour développer des nouvelles pédagogies.

Que pensez-vous de la dernière rumeur qui circule selon laquelle l'EM Lyon va fusionner avec Kedge ?

J'ai éclaté de rire la première fois que je l'ai entendue, je n'ai pas réussi à trouver son origine. Une fusion comme celle de Néoma ou celle de Kedge, c'est complexe. On l'a bien vu avec Skema. Les stratégies de BEM et d'Euromed n'étaient pas trop éloignées mais celle de l'EM Lyon est différente. Ce n'est donc pas au programme.

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CCI-école de management : des relations pas toujours simples
"Une fois encore l'actualité, le départ annoncé de Bernard Belletante, directeur de Kedge, nous rappelle qu'une institution ne doit pas faire de l'ombre à sa tutelle." C'est ainsi que Bruno Dufour débute sur son blog EducPros un billet nourri de son expérience de dirigeant et d'observateur du monde de l'enseignement supérieur.
L'occasion d'élargir la réflexion à la situation des écoles consulaires et aux relations parfois compliquées qu'elles entretiennent avec leurs tutelles.

"15 années de pratique des AG de CCI m'ont appris que la plupart des élus des chambres ne sont pas très favorables aux écoles de management, qui sont souvent vécues comme la "danseuse de la chambre'", analyse-t-il.
Et d'insister : "un directeur d'école doit alors être particulièrement attentif à ne pas fâcher le corps de sa tutelle. S'il devient prééminent dans les média, sa tutelle, et notamment son Président, pourrait en prendre ombrage".

D'où l'intérêt, explique-t-il, "d'expliquer à sa tutelle la contribution de l'école à son environnement", par exemple par le biais du BSIS (Business School Impact Survey) .

Et de plaider, in fine, pour "un nouveau statut pour ces écoles, comme le proposent depuis quelques mois les instances consulaires".
Marie-Anne Nourry | Publié le