Formation des avocats : la rénovation est en marche à l'EFB

Propos recueillis par Marie-Anne Nourry Publié le
Formation des avocats : la rénovation est en marche à l'EFB
Rentrée solenelle à l'EFB Paris le 9 janvier 2014 © Tristan Montalbot // © 
Moins de cours théoriques, plus d'international. L'École de formation du barreau de Paris a fait peau neuve à la rentrée 2014, sous la houlette de la nouvelle équipe dirigeante. Entretien croisé avec Laurent Martinet, vice-bâtonnier élu en janvier 2014 et président de l'EFB, et Jean-Louis Scaringella, le nouveau directeur de l'établissement.

Laurent Martinet, vous avez marqué le début de votre mandat de vice-bâtonnier par une transformation en profondeur de l'École de formation du barreau de Paris. Pourquoi ce changement de cap ?

Laurent Martinet. Quand j'étais en campagne, l'idée que la formation des avocats n'était pas adaptée aux attentes de la profession revenait régulièrement à mes oreilles. Avec le bâtonnier Pierre-Olivier Sur, nous avons donc demandé à des jeunes avocats de rédiger un livre blanc sur leur vision de la profession. Ceux-ci ont soumis l'idée de mettre en place un numerus clausus qui me semble être révélateur d'une crainte. Le bâtonnier et moi-même sommes contre l'idée de limiter le nombre d'avocats car nous ne voulons pas renvoyer l'image d'une profession qui se referme sur elle-même. Mais pour mieux préparer les futurs avocats à l'entrée dans la vie active, nous avons décidé de transformer la formation.

Nous avons alors mis en place un conseil scientifique composé des professeurs d'université Louis Vogel et David Capitant, du magistrat Jean-Claude Magendi, d'Anne-Sophie Lelay, directrice juridique de Renault, et de Bernard Ramanantsoa, directeur du groupe HEC, pour réfléchir à ce que devait être l'EFB.

Vous dites vouloir faire de l'EFB "l'école de l'application du droit". Qu'entendez-vous par là ?

Jean-Louis Scaringella. Notre école se situe à l'aval du droit. Les étudiants qui arrivent chez nous ont déjà étudié le droit, et notre rôle consiste à leur enseigner comment s'en servir pour défendre les clients. Jusqu'à présent, la formation était redondante avec l'université car il y avait des cours de droit pour combler les déficits des élèves. Nous avons décidé de ne plus les combler et de vérifier plus fortement encore leur niveau à l'entrée [le taux de réussite s'élève aujourd'hui à 45%, ndlr]. En cas de déficience, nous orienterons les élèves vers des lectures et du e-learning.

Laurent Martinet. En outre, nous voulons proposer une formation plus adaptée au marché, qui tient compte des nouveaux métiers et du fait que la moitié d'une promotion se retrouve au bout de cinq ans en entreprise. En plus des enseignements obligatoires, nous avons mis en place un ensemble d'électifs, parmi lesquels celui qui a reçu le plus d'adhérents est l'enseignement sur les besoins juridiques des entreprises d'Anne-Sophie Lelay. Preuve que nous ne nous sommes pas fourvoyés !

Laurent Martinet et Jean-Louis Scaringella © EFB

Laurent Martinet et Jean-Louis Scaringella © EFB

Votre deuxième objectif était d'ouvrir l'école à l'international, notamment en proposant 500 stages à l'étranger. Comment vous y êtes-vous pris ?

LM. Nous avons passé des accords avec des universités à Shanghai, Delhi, Bangalore, etc. C'est totalement nouveau pour l'école. Pour cela, nous avons reçu l'aide de Bernard Ramanantsoa. C'est lui qui nous a expliqué que nous ne pourrions jamais signer des accords avec des institutions étrangères sans dimension scientifique au sein de l'école. Nous avons donc mis en place une fondation du droit qui recueille l'ensemble des travaux scientifiques du barreau de Paris, et qui a ouvert ses portes en février 2014. La prochaine étape, grâce à elle, est d'entrer dans le classement de Shanghai.

J-LS. S'il n'est pas question de transformer l'EFB en business school, nous ne nous interdisons pas d'utiliser les méthodes qui ont fait le succès de ces écoles.

Mais contrairement à elles, vous avez demandé à vos confrères de donner des cours gracieusement, ce qui a provoqué un tollé. À quelle réaction vous attendiez-vous ?

LM.  En demandant à nos confrères de dédier gracieusement du temps au service de la profession, l'objectif était de n'avoir que des enseignants éminemment motivés. Cela peut paraître brutal, mais certains enseignants répétaient le même cours depuis des années, cela n'avait pas de sens. Des syndicats s'en sont émus et nous les avons écoutés, mais le postulat est resté le même : les avocats qui acceptent de ne pas être rémunérés peuvent faire du pro bono. Les autres perçoivent 75 € de l'heure, comme avant. Personnellement, j'ai donné des cours pendant 10 ans à Sciences po et mon moteur n'était pas la rémunération – qui ne changeait pas ma vie – mais l'envie de transmettre un savoir.

J-LS. Si l'EFB avait un slogan, ce serait "L'entraînement des futurs avocats par les avocats." Pour perpétuer la profession, il importe que des avocats expérimentés s'investissent dans l'apprentissage.

Propos recueillis par Marie-Anne Nourry | Publié le