France Business School : la CFDT-CCI tire la sonnette d'alarme

Étienne Gless Publié le
France Business School : la CFDT-CCI tire la sonnette d'alarme
Campus de Tours de FBS // © 
Le CA de France Business School a décidé jeudi 12 juin de nommer un médiateur indépendant chargé d'une mission d'écoute auprès des campus. Laurence Dutel, secrétaire générale de la CFDT-CCI, revient dans un entretien à EducPros sur le conflit qui oppose syndicats et direction.

Vous dénoncez le "cataclysme historique" que constituent à vos yeux les choix stratégiques de France Business School. Vous affirmez ainsi que FBS pourrait enregistrer cette année une perte de 45 millions d'euros presque équivalente à son budget (50 millions). Que reprochez-vous exactement à la direction ?

Patrick Molle, son directeur général, a fait des choix stratégiques très particuliers. Il a misé sur le fait qu'il ne recruterait plus sur classe prépa. Patrick Molle est certes très créatif mais il aurait dû garder son "fonds de commerce" et innover seulement à la marge. Le virage pris était trop large. On peut être très imaginatif mais on ne peut pas nier en France l'importance du modèle des classes prépas. Du coup, FBS est sortie de la Conférence des grandes écoles. Ou plutôt la CGE l'en a sorti…

Pour les parents, les élèves, les étudiants, avoir le grade de master, être membre de la CGE sont des références qui rassurent et qui comptent. Surtout en période de conjoncture difficile. Résultat de ces choix désastreux : les étudiants ne sont pas au rendez-vous. Patrick Molle affichait un objectif de 1.300 élèves au programme grande école, qu'il a lui-même rabaissé à 800 dans ses déclarations. On est à 340 étudiants inscrits actuellement soit environ 20 % de l'objectif. La rentrée 2013 a été catastrophique.

De cette fusion, des économies étaient attendues. Mais une des premières décisions prises a été de créer un staff directorial installé à Paris dans la tour Montparnasse, ce qui n'a fait qu'accroître les coûts.

Vous reprochez également à la direction de FBS sa hausse des frais de scolarité...

Patrick Molle a bâti une business school sur un modèle où les frais de scolarité approchent des 10.000 euros par an. Presque autant que HEC ! [NDLR : en 2014 les frais de scolarité pour les étudiants de HEC sont de 36.600 euros soit 12.200 euros par an]. Or les deux institutions ne sont quand même pas comparables. Le projet de figurer dans le classement de Shanghai est tout de même mégalo...

Sur les différents campus de FBS il y a une grande souffrance du fait d'une surcharge de travail, d'ordres et contrordres en permanence.

Patrick Molle est-il pour autant seul en cause ?

Non ! Les élus des CCI lui ont fait confiance les yeux fermés et on voit les résultats que ça donne. Ils auraient dû modérer sa créativité débridée au lieu de lui faire une confiance aveugle. Actuellement, ils semblent un peu dépassés. Pourtant dès le départ, quand le business plan de FBS a été soumis en interne, il y a eu des doutes dans les personnels, chez les enseignants…

Aujourd'hui comment vont les personnels de France Business School ?

Sur les différents campus de FBS, il y a une grande souffrance du fait d'une surcharge de travail, d'ordres et contrordres en permanence. Il y a même eu un cas de tentative de suicide sur le lieu de travail. Et, bien sûr, il y a une très grande inquiétude des personnels quant au devenir des écoles s'il n'y a pas rapidement une prise de conscience de la gravité de la situation et l'élaboration d'un plan B.

Que suggérez-vous comme pistes pour sortir de cette situation ?

Il faudrait que les élus des chambres de commerce sortent du déni et reconnaissent l'échec de la stratégie menée tant qu'il en est encore temps. Et qu'ils décident de reprendre chacun leurs billes.  Mais ça n'en prend pas le chemin : Isidore Fartaria, le président de la CCI de Clermont-Ferrand, qui est aussi le président de France Business School a déjà fait savoir qu'il rendrait la CFDT responsable de l'échec de l'école si, à la prochaine rentrée, les étudiants n'étaient pas au rendez-vous !

Sur le fond quel devenir pour ces établissements qui ont fusionné dans FBS ? Quel pourrait-être le "plan B" ?

Ces ESC avant la fusion de janvier 2013 répondaient à une vraie demande et à des vrais besoins des entreprises locales sur leurs territoires. Dans le cas du campus FBS de Clermont-Ferrand, un rapprochement de l'ex ESC-Clermont avec l'université pourrait être une solution de sortie.

Un bon exemple est fourni par le groupe ESC Pau qui a eu la bonne idée de ne pas fusionner dans FBS comme il l'envisageait à un moment. Du coup il vient d'obtenir le renouvellement de son grade de master pour trois ans alors que l'an dernier il n'avait obtenu qu'un renouvellement d'un an.

La réaction de Patrick Molle

"Ces attaques sont basses et injustifiées, c'est une entreprise de déstabilisation. C'est comme un virus informatique, il faut le combattre et on va le combattre", assure Patrick Molle aux Echos.

Contacté par EducPros, le directeur n'a pas donné suite.

FBS nomme un médiateur chargé d'une mission d'écoute sur les campus.

"Le conseil d'administration a décidé de nommer un médiateur indépendant chargé d'une mission d'écoute auprès des campus pour aboutir à des propositions d'organisation et d'évolution du mode de gouvernance", a fait savoir la direction de l'école suite au CA du 12 juin.

Le cabinet d'expertise comptable en charge du dossier FBS a demandé un délai supplémentaire pour arrêter les comptes.

Le CA annonce également sa décision de poursuivre "la dynamique novatrice du projet FBS" et appelle à la responsabilité et à l'énergie de toutes les équipes pour réussir la prochaine rentrée et rassurer les familles de nos futurs étudiants".
Étienne Gless | Publié le