Francine Demichel (ancienne directrice de l'enseignement supérieur) : "la DGES n’est qu’un reflet des corporations"

Propos recueillis par Céline Manceau Publié le
En coulisses, de nombreux acteurs du supérieur s’accordent sur la nécessité de réorganiser la Direction générale de l’enseignement supérieur (DGES) afin qu’elle puisse accompagner efficacement les universités dans la mise en oeuvre de la loi du 10 août 2007 . Educpros a demandé à Francine Demichel, ex-présidente de Paris 8, directrice de la DES pendant cinq ans, son interprétation des changements à conduire.

Est-il indispensable de remanier la DGES pour accompagner l’autonomie des universités ?

La loi sur l’autonomie peut échouer si personne ne décongestionne la DGES. Les directions actuelles sont conçues pour contrôler et non pour piloter. Elles sont découpées en sous-directions, puis en bureaux dont certains sont pléthoriques. À quoi peut bien servir le bureau des politiques étudiantes ? Proposons tout simplement aux étudiants de gérer eux-mêmes les CROUS au sein des facs, comme c’est le cas en Allemagne. En ce qui concerne les formations, il faudrait harmoniser le postbac. Aujourd’hui, la DGES n’est qu’un reflet des corporations existantes avec un bureau des cursus licence, un bureau des classes prépas, un bureau des formations courtes professionnalisantes. Cet organigramme est paralysant. Il est temps que la DGES devienne une administration de mission et non de gestion. 

Comment pourrait-elle être réorganisée ?

Je préconise un sérieux allégement des personnels. Avec Claude Allègre, les départs à la retraite n’étaient pas remplacés. Les effectifs, de l’ordre de 330, sont passés en dessous de la barre des 300. La DGES devrait aujourd’hui compter une centaine de personnes réparties au sein de deux grandes directions : une direction des contrats et une direction de l’aménagement du territoire. Une direction de l’évaluation n’est pas nécessaire puisque l’AERES a été créée, ce qui est une bonne chose car une agence est toujours plus indépendante qu’une direction. Il faudrait aussi deux autres directions moins importantes en volume : pour la recherche et pour les personnels. 

Quelles solutions proposez-vous aux personnels ?

Il faut transférer la grande majorité des fonctionnaires de catégorie A dans les universités. Un renforcement qualitatif est indispensable pour mettre en oeuvre l’autonomie. Le président d’université et son secrétaire général ne pourront pas tout faire, d’autant qu’avec la LOLF, les responsabilités financières se sont accrues. Pour les inciter à partir, il suffit de leur laisser les primes qu’ils perçoivent pour travailler au ministère car celles-ci sont conséquentes. Quand j’étais à la DES, les directeurs recevaient environ 15 000 € par an, et les secrétaires, la moitié. Ce transfert est budgétairement réalisable et il faut bien un peu de carottes pour conduire la réorganisation. 

Le déménagement est-il aussi inéluctable ?

J’ai toujours entretenu d’excellentes relations avec les directeurs successifs de la recherche, installés rue Descartes. Malgré tout, le fait d’être rue Dutot d’abord, puis rue de Grenelle ensuite, ne m’a jamais facilité la tâche. C’était compliqué car on ne pouvait pas communiquer d’un bureau à un autre et les présidents d’université ne savaient plus à qui s’adresser. Le rapprochement est tout simplement logique. Comment imaginez-vous que l’on puisse dissocier le diplôme master... de la recherche. 

Comment cette réforme serait perçue par le milieu universitaire ?

Les universitaires appuieront un allégement de la DGES car ils sont submergés par la réglementation. Il suffit juste d’un peu de courage politique pour mettre en oeuvre cette réforme. Et, pour la réussir, il faudrait qu’elle soit orchestrée par un universitaire qui connaît bien la boutique. Je pense, par exemple, à Christian Forestier ou à Jean-Richard Cytermann.

Propos recueillis par Céline Manceau | Publié le