Gilles Baillat (président de la CDIUFM) : "Le vivier de candidats au métier d’enseignant risque de diminuer"

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Suite à la démission de deux directeurs d’IUFM pour protester contre la mastérisation, Gilles Baillat , président de la CDIUFM et directeur de l'IUFM de Reims, revient sur les aspects de la réforme qui restent très difficiles à mettre œuvre.

Deux directeurs d’IUFM ont démissionné en signe de protestation contre la mastérisation, est-ce que d’autres démissions pourraient suivre ?

Il faut relativiser ces deux démissions. L’un des directeurs n’a pas souhaité renouveler son mandat et l’autre, était en poste depuis onze ans. Depuis ces deux départs, un seul directeur m’a informé de sa volonté de partir à la fin de l’année universitaire. Cependant, la question d’une démission collective de tous les directeurs d’IUFM a effectivement été posée à la CDIUFM, au moment où le ministère a refusé de revenir sur deux aspects essentiels de la réforme : la place des concours et le caractère non-obligatoire des stages. Mais cette hypothèse a été rejetée majoritairement.

La place des concours et le caractère non-obligatoire des stages sont-ils aujour’hui les deux points d’achoppement de la réforme ?

Tout à fait. Organiser les concours l’année de préparation du diplôme est un cas sans précédent. C’est un véritable casse-tête. Au moment de l’admission, il n’est pas impossible que certains candidats soient convoqués, le même jour, à la même heure, aux épreuves du concours et à celles de leur master, les convocations étant établies, dans un cas, par le rectorat et dans l’autre cas, par l’université. Quant aux stages, nous savons déjà que dans certaines académies, ils vont être réduits à peau de chagrin. Comment voulez-vous valider un M2 qui ne contiendrait que 3 semaines de stage au lieu de 3 mois ? En outre, d’une académie à l’autre, certains étudiants risquent d’être lésés.

La CPU annonce une forte baisse des inscrits aux préparations aux concours , de l’ordre  de 30 à 50 % dans certaines académies. Vous confirmez cette tendance ?

Les inscriptions ne sont pas terminées, il est donc difficile de donner une tendance nationale. Nous constatons cependant un effondrement inquiétant des inscriptions pour préparer les concours de l’enseignement professionnel, et dans une moindre mesure, ceux de l’enseignement technologique. Alors même que le nombre de postes aux concours ne diminue pas dans ces filières. On peut penser que la nécessité d’obtenir désormais un master pour enseigner ces matières décourage peut-être les étudiants. Dans la filière générale, la baisse est plus contenue. Mais le nombre de postes aux concours a considérablement chuté, alors peut-être vaut-il mieux avoir un peu moins d’étudiants...

Pensez-vous que la baisse du nombre de postes a pu aussi dissuader les étudiants de continuer leurs études en master ?

C’est fort possible. Pour le concours de professeur des écoles, par exemple, on passe globalement de 6 500 postes l’an dernier à 2 900 aujourd’hui. A Reims, je n’ai plus que 60 postes contre 168 en 2010. Les inscriptions aux concours ayant été closes avant que ne soit publié le nombre de postes, il n’est pas impossible que, depuis, les étudiants aient changé d’orientation professionnelle. Nous attendons de voir combien seront présents aux épreuves à la fin du mois.

Sur quels points de la réforme, la CDIUFM va plus particulièrement se mobiliser cette année ?

Il est primordial de rendre les stages obligatoires. La réalité dépasse parfois les pires de nos scénarios débattus avec le ministère. Les stages sont réduits au-delà de ce que nous avions imaginé. A tel point que rare sont les étudiants qui percevront les 3.000 € prévus à condition que le stage soit en responsabilité et de 108 heures. Nous sommes conscients du coût financier de ces stages en responsabilité, mais nous préférons, à la CDIUFM, que l’étudiant fasse un stage de pratique accompagné, moins rémunéré, que pas de stage du tout. Et puis, il faut aussi revenir sur la place du concours dans la formation. Car le risque est d’entraîner une forte diminution du vivier de candidats au métier d’enseignant.

Croyez-vous qu’il soit encore possible de faire évoluer la réforme ?

Nous avons peu d’espoir quant aux recours présentés devant le Conseil d’Etat. Mais nous approchons de l’échéance électorale de 2012 et la CDIUFM n’a pas l’intention de se contenter de réagir à l’actualité. Nous préparons actuellement des documents d’orientation à destination des forces politiques de ce pays. Nous voulons porter la question de la formation des enseignants dans le débat public.

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