Henri Isaac, auteur du rapport « L’université numérique »

Propos recueillis par Maëlle Flot Publié le

C’est un nouveau défi pour les universités.  Leurs étudiants attendent d’elles davantage de documents et de cours en ligne. Des portails de services, les ENT (Environnement numérique de travail), existent déjà, mais, pour Henri Isaac, il s’agit d’aller plus loin. Ce maître de conférences à Dauphine a rendu à Valérie Pécresse, le 12 janvier 2008, un rapport sur « L’université numérique ». Il nous livre ses conclusions.

Les universités françaises sont accusées d’avoir pris du retard pour le développement du numérique...

D’une façon générale, c’est le cas, mais des universités comme Rennes 1, Lyon 2, Strasbourg 1 ou Paris 6 ont mené une vraie politique de développement du numérique. En nommant un directeur des systèmes d’information pour Paris 6 ou en misant sur des ENT pour les premières.  Lyon 1 s’est investie dans le développement de ressources pédagogiques avec son laboratoire Practice et sa plate-forme pédagogique Spiral. Certains établissements ont su généraliser ces services à l’ensemble de leurs étudiants. Ce n’est pas le cas partout.

Le ministère a poussé à la création d’universités numériques thématiques (UNT), régionales (UNR) ou d’ENT... N’y a-t-il pas eu dispersion des moyens ?

Les UNT, aujourd’hui au nombre de sept, c’est pour le contenu. Les UNR, pour l’infrastructure.  En 2000, le ministère a choisi le niveau interuniversitaire, avec, on le voit aujourd’hui, des résultats mitigés. D’autant que les UNT n’ont pas toujours été pensées en fonction des besoins des enseignants. Je ne suis pas pour leur suppression, mais je dis que ce qu’elles produisent n’est pas suffisamment utilisé.

Comment toucher davantage d'étudiants?

La logique régionale, avec les UNR, visait à y répondre, mais a présenté ses limites, avec souvent des rivalités territoriales. Les UNR existantes ont permis de rattraper le retard en matière d’infrastructures. Maintenant, il faut que les outils soient utilisés. La Bretagne a su faire de son UNR un outil fonctionnel, ouvert au plus grand nombre en créant en 2007 des points d’études. Lorsque les étudiants rentrent chez eux, ils n’ont pas toujours accès aux services universitaires en ligne. L’idée est donc de passer des accords avec les villes et la région pour que des accès wifi gratuits soient disponibles au sein des bibliothèques municipales.  C’est une vraie politique d’égalité des chances. C’est pourquoi j’en demande la généralisation.

Quels sont les freins à l'utilisation des ces outils ?

J’en vois trois : le statut des enseignants-chercheurs, l’absence de formation des enseignants et les questions de propriété intellectuelle.  Les discussions qui ont actuellement lieu au ministère autour des personnels devraient faire avancer ce dossier. Il faut former les enseignants à la pédagogie et aux usages des TICE dans la pédagogie.

Pourquoi les universités doivent-elles s'adapter ?

Parce qu’elles se trouvent face à une génération native du digital. Les formations évoluent, le temps de présence est moindre avec le développement de l’apprentissage, des stages ou des expériences à l’international. À l’université Louis-Pasteur, 27 salles sont équipées pour que les cours soient retranscrits sous forme de podcasts, d’autres établissements s’y mettent. Pour l’université, le développement d’Internet constitue une révolution copernicienne : elle ne possède plus le monopole de la connaissance.  Désormais, son rôle est aussi d’accompagner l’étudiant pour qu’il sache comment utiliser ce savoir, avec un esprit critique. L’importance du plagiat ne fait qu’illustrer ce besoin. Au-delà des services aux étudiants, le développement de ressources numériques constitue au fil du temps un actif immatériel, une source de valeur pour l’université. Il peut procurer un gain en termes d’image, mais également générer des revenus, avec la formation continue par exemple.

Propos recueillis par Maëlle Flot | Publié le