L’alternance est-elle adaptée au supérieur ?
Bien sûr. Ce mode de formation qui allie du concret et de la théorie est valable à tous les niveaux. Il n’y a qu’en France où l’on parle en termes de diplôme et non pas en termes de métier. On sacralise le « bac+ ». J’aime à rappeler que la médecine a un système d’internat et d’externat. Cela ne s’appelle pas apprentissage, mais c’est la même chose. Les gestes s’apprennent dans les hôpitaux, pas dans les amphis ! Dans un cursus universitaire, l’alternance est préférable à un stage. J’ajoute, et je ne sais pas si c’est positivement discriminant, qu’elle est souvent bien adaptée aux jeunes issus de la diversité. Et il me semblerait bon de créer des CFA dans des quartiers, car les jeunes préfèrent souvent y rester !
Vous réclamez que « l’argent de l’apprentissage aille exclusivement à l’apprentissage ». Une mesure qui choque les écoles qui en bénéficient !
Aujourd’hui, un tiers des sommes ne vont pas directement à l’apprentissage. La collecte est opaque. Tout le monde en profite. Les universités qui adoptent la formule le font pour de mauvaises raisons financières. Cela complique et freine le système. Les grandes écoles, telles que HEC ou encore l’ESSEC, n’ont qu’à négocier avec leur tutelle, en l’occurrence les CCI, pour obtenir une compensation. Je me félicite que la part de la taxe affectée à l’apprentissage ait augmenté. Mais il faut aller plus loin. Les entreprises de plus de 250 salariés sont déjà tenues par la loi de porter à 2 % en 2007 et 3% en 2008 le nombre d’apprentis dans leurs effectifs. Celles qui ne le feront pas paieront une surtaxe. Cette dernière doit soutenir les CFA.
Comment inciter davantage d’entreprises à se convertir à l’alternance ?
Je leur répète qu’il ne s’agit pas de préembauche, mais de formation. Chez Schneider Electric, nous avons 800 apprentis. Nous en gardons de 10 à 15 %, et on aide les autres à trouver un job. Il faut des exemples : trente-quatre entreprises du CAC 40 ont signé la charte de l’apprentissage les obligeant à en accueillir davantage. L’alternance y a crû de 36 % en un an, soit 10 000 apprentis supplémentaires. C’est plus que je ne l’espérais. Elles sont des locomotives de par leur capacité d’attractivité, de formation et d’accompagnement. Le problème des entreprises est de dégager du temps aux tuteurs qui suivent l’apprenti. Certaines estiment que ce n’est pas leur rôle de former les jeunes, mais celui de l’Éducation nationale. Je leur explique qu’une société moderne doit offrir une voie alternative de formation. Quant aux élèves, du collège ou du supérieur, il faut leur dire que cette voie n’est pas un ascenseur, mais un escalier : on la suit pour deux ou trois ans, le temps du contrat, et on peut revenir dans un cursus classique. Dans un continuum, du CAP à l’ingénieur.
Avez-vous le sentiment d’une réelle avancée ?
Oui, les esprits bougent. Et pour les ébranler davantage, je propose de faire une émission de télévision en prime time dédiée à l’apprentissage, qui interpellerait les entreprises, les acteurs du système éducatif et le grand public dont les familles. Elle pourrait inclure des « promesses de formation ». Les entrepreneurs proposeraient en direct des contrats d’apprentissage aux jeunes, qu’ils confirmeraient par la suite.