Julie Joly : "Il faut associer chercheurs et journalistes autour de projets communs"

Sophie de Tarlé Publié le
Julie Joly : "Il faut associer chercheurs et journalistes autour de projets communs"
Julie Joly, directrice du CFJ // ©  CFJ
Deux ans après son arrivée à la tête du CFJ (Centre de formation des journalistes), Julie Joly a réussi à redresser les finances de l'établissement et à opérer sa mutation. Avec un cursus renouvelé et un rapprochement avec d'autres universités et écoles.

Quand vous avez pris la direction de l'école en juillet 2012, le groupe CFPJ avait déposé le bilan et, à l'intérieur du groupe, le CFJ était déficitaire. Comment vont les finances de l'établissement aujourd'hui ?

Depuis 2013, le budget du CFJ est de nouveau à l’équilibre. Au cours des dernières années, toutes les écoles de journalisme ont souffert de la crise. Certaines ont été sauvées par des subventions régionales, d’autres se sont rapprochées de l’université. Dans le paysage des 14 formations reconnues par la profession, l’école conserve un statut à part. C’est une association loi 1901, non subventionnée, indépendante financièrement au sein du groupe CFPJ. Elle est financée quasi exclusivement par la taxe d’apprentissage et les frais de scolarité. La seule allocation qu’elle perçoit du ministère de l’Enseignement supérieur représente à peine 5 % de son budget. Or la taxe d’apprentissage fond chaque année de 15 à 20 %, et la réforme annoncée promet d’accélérer le processus.

C’est pourquoi, en arrivant à la tête du CFJ, j’ai décidé d’augmenter les frais de scolarité de 40 %. Ils s’élèvent aujourd’hui à 4.960 € par an à taux plein, 2.480 € pour les boursiers. C’était une obligation si nous voulions rester à Paris, où sont tous les grands médias. Nous payons cher notre situation rue du Louvre, avec un loyer de 400.000 euros par an. C’était aussi une obligation pour pouvoir innover. En un mot : c’était le deal.

Comment avez-vous renouvelé le cursus ?

Le CFJ a inauguré l’année dernière la première newsroom dans une école de journalisme. Chaque semaine, les étudiants y développent des contenus plurimédia, seuls et en groupe, encadrés par des experts : scénaristes, graphistes, développeurs et journalistes. Ils y apprennent aussi à budgéter leurs projets, à les "pitcher", à travailler en équipe, à gérer de nouvelles contraintes de formats, de flux, de données.

C’est seulement en fin de première année, qu’ils déterminent leurs choix de spécialisations. Nos diplômés doivent être tous capables de travailler en presse écrite, radio, télévision et d’adapter le contenu d’un journal sur un support digital. Pour cela, ils doivent d’abord acquérir des bases solides : l’éthique, l’écriture, l’enquête, l’anglais, le reportage. Ils manient aussi, dès la première année, toute la palette des outils qui viendront enrichir leurs contenus, du son à la vidéo, en passant par l’infographie.

Je me suis inspirée d'HEC [Julie Joly est diplômée de l’école NDLR] pour instaurer un système de majeure/mineure. La deuxième année démarre par une mineure de quatre semaines (webradio, vidéo ou newsroom) avant d’enchaîner avec une majeure de 16 semaines (radio, télévision – JRI ou journalisme digital). Ce double cursus permet aux futurs journalistes de ne pas s’enfermer dans une spécialité, ce qui n’a plus de sens.

Enfin, entre ces deux temps forts, ils doivent construire en une semaine un projet de webdocumentaire, en réalisant la bande annonce et le dossier de financement. À cette occasion, on leur impose de se mélanger entre spécialisations. Ils doivent être polyvalents et inscrire leurs idées dans une réalité économique. Je ne veux pas former des journalistes hors sol.

Je ne veux pas former des journalistes hors sol.

Quels accords avez-vous noué avec l'Enseignement supérieur ?

L’école était déjà partenaire de l’ENS Ulm (École normale supérieure) dans le cadre d’un double diplôme. Nous avons décidé d'offrir à nos étudiants une toute autre lecture de l’actualité. En 2013, nous avons coorganisé avec le département d’histoire de l’ENS une semaine de conférences sur les révolutions, de l’antiquité à nos jours pendant laquelle les étudiants du CFJ ont créé un site dédié, semainehistoire2013.com. Cette année, nos étudiants respectifs ont travaillé sur Alep et imaginé un webdocumentaite évolutif sur la ville syrienne assiégée, mettant en miroir passé et présent.

Je suis entrée en juin dernier au comité de direction du Labex Tepsis au sein de HéSam avec la même idée : associer chercheurs et journalistes autour de projets communs. Nous les accompagnons actuellement dans la mise en place de leur future encyclopédie numérique. Plusieurs autres projets sont en cours.

Enfin, j’ai noué un partenariat avec HEC en 2013 afin de former des journalistes économiques polyvalents de haut niveau. Les étudiants d’HEC peuvent intégrer sur dossier le CFJ et décrocher un double diplôme. En échange, les étudiants du CFJ peuvent suivre des séminaires de plusieurs semaines sur le campus d’HEC.

S’ils veulent pouvoir décrypter l’actualité, les journalistes doivent en mesurer les enjeux. Quels qu’ils soient !

Sophie de Tarlé | Publié le