Isabelle This Saint-Jean (Conseil régional d’Île-de-France) : "L’investissement des collectivités territoriales en faveur du supérieur monte en puissance"

Propos recueillis par Maëlle Flot Publié le
strong>Isabelle This Saint-Jean est en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche au conseil régional d’Île-de-France, une région qui accueille 40% du potentiel de la recherche française. Dans le paysage complexe de l’enseignement supérieur francilien, la région a fait le choix de contractualiser avec les PRES (Pôles de recherche et d'enseignement supérieur) et d’identifier 16 domaines d’intérêt majeur labellisés par un nouveau conseil scientifique régional. Interview avant strong>la conférence EducPros du 16 mars consacrée aux relations entre enseignement supérieur et collectivités territoriales.

La région Île-de-France est spécifique, elle doit collaborer avec 17 universités, quelque 300 écoles et un grand nombre d’organismes de recherche. Comment travaillez-vous avec tous ces acteurs ?

Face à cette multiplicité d’acteurs et à ce qu’on pourrait appeler un véritable «millefeuille institutionnel» créé par le gouvernement, nous avons fait le choix de contractualiser avec les huit PRES franciliens. Dans un contexte de politique nationale de mise en concurrence, nous cherchons ainsi un moyen permettant aux établissements de coopérer entre eux, et ce dans l’intérêt des étudiants et de la recherche. Le plan de soutien à l’immobilier universitaire notamment fait partie des actions communes qui seront menées avec chacun des PRES. Nous nous sommes d’ailleurs engagés avec Jean-Paul Huchon à investir 900 millions d’euros d’investissements universitaires et de recherche dans les dix ans. En investissement, nous sommes ainsi à parité de financements avec l’État sur le territoire francilien.

"Nous avons fait le choix de contractualiser avec les huit PRES franciliens"

Ce choix représente un défi politique car, d’une part, la collégialité – principe fondamental pour le bon fonctionnement des universités – n’est pour l’instant pas assez présente dans les PRES et, d’autre part, nous devons veiller à ne pas laisser à l’écart les établissements hors PRES comme les universités d’Évry, de Paris 8 ou encore de Paris 10. Nous aurons un regard privilégié pour ces universités et continuerons notre soutien à chaque établissement comme auparavant à travers nos appels à projets régionaux et nos autres dispositifs.

En matière de recherche, nous nous appuyons sur un conseil scientifique paritaire composé de vingt grandes personnalités scientifiques. Son rôle consiste essentiellement en une expertise scientifique de la politique régionale. Il peut aussi être saisi par l’exécutif sur des sujets spécifiques comme sur les gaz de schiste en juin dernier.


Quelles sont vos priorités en matière de recherche et d’enseignement supérieur ?

Nous en avons quatre : l’amélioration de la vie étudiante, l’emploi scientifique, l’aide à la mise en réseau des acteurs de la recherche et le soutien à la recherche fondamentale, le dialogue «sciences et société». Dans une région aussi vaste que l’Île-de-France, qui accueille plus de 600.000 étudiants, il est malheureusement très difficile d’apporter un soutien individualisé à chaque étudiant. Aussi avons-nous choisi d’aider de manière privilégiée les jeunes issus des milieux les plus modestes et par ailleurs d’engager des dépenses qui bénéficient à tous, comme les bibliothèques ou les maisons de l’étudiant.

Dans notre soutien à la recherche, nous privilégions la mise en réseau. Le dispositif Sésame vise par exemple le financement de gros équipements scientifiques permettant ainsi aux chercheurs de diverses équipes de travailler ensemble. Il en est de même pour les équipements financés via nos «domaines d’intérêt majeur». Notre objectif est de conduire davantage de jeunes à la réussite et de renforcer la recherche francilienne, notre région constituant aujourd’hui la première région scientifique d’Europe.



Comment vous positionnez-vous par rapport aux Investissements d’avenir ?

"Nous assistons à une montée en puissance de l’investissement des collectivités en faveur de l’enseignement supérieur"

Sur les Investissements d’avenir, plusieurs problèmes se posent. En premier lieu, il y a un risque – y compris à l’intérieur de notre région – de créer un système à deux vitesses, et ce au détriment de la réussite des jeunes et du renforcement de la recherche. Par ailleurs, les structures créées par les Investissement d’avenir, et en particulier les Idex, sont venues s’ajouter à toutes celles qui préexistaient. Le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche est aujourd’hui devenu illisible avec une multiplication de structures et d’établissements : fondations universitaires, PRES, pôles de compétitivité, RTRA, Idex, etc. Il faut le simplifier et faire en sorte qu’il permette un fonctionnement collégial des établissements.



Vous êtes vice-présidente de la commission Enseignement supérieur, recherche et innovation de l’ARF (Association des régions de France). En quoi les rapports entre les régions et l’enseignement supérieur ont-ils changé ?

Nous assistons à une montée en puissance de l’investissement des collectivités territoriales en faveur de l’enseignement supérieur. Le budget de l’Île-de-France pour ce secteur correspond à plus de 151 millions d’euros pour 2012, tout confondu. Le Plan campus et les Investissements d’avenir ont changé la donne. Si nous approuvons l’aide à la restructuration des sites universitaires et à l’amélioration des conditions de vie étudiante, nous ne pouvons que dénoncer l’idéologie du Plan campus, l’élitisme que sous-tend cette opération et le recours systématique à des partenariats public/privé. Nous avons besoin d’autonomie face à un État qui n’a qu’une seule envie : que les régions soient là juste pour boucler le tour de table financier des impulsions qu’il donne.

Propos recueillis par Maëlle Flot | Publié le