Jean-David Picard, directeur d'ITIS Formation : «Ce qui m'intéresse, c'est le taux de transformation, c'est-à-dire la capacité à mener au BTS un élève qui a priori n'était pas parti gagnant»

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant Publié le
Jean-David Picard, directeur d'ITIS Formation : «Ce qui m'intéresse, c'est le taux de transformation, c'est-à-dire la capacité à mener au BTS un élève qui a priori n'était pas parti gagnant»
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Après avoir exercé comme conseiller principal d'éducation (CPE) pendant cinq ans dans un lycée public, Jean-David Picard s'est lancé dans l'aventure pédagogique en créant son propre établissement d'enseignement supérieur privé. À 34 ans, il est, avec son associé Patrick Mercet, à la tête d'ITIS Formation, une structure tournée notamment vers des élèves en difficultés scolaires. Installée à Évry (91), cette école compte près de 450 étudiants qui préparent notamment par l'alternance des BTS  (brevets de technicien supérieur) en informatique (informatique de gestion et IRIS) et dans les métiers du tertiaire (management des unités commerciales, comptabilité-gestion, professions immobilières...). Nouveau volet de notre série les « Entrepreneurs pédagogiques ».

Comment êtes-vous passé de l'Éducation nationale à la direction d'un établissement d'enseignement supérieur privé ?
J'ai quitté l'Éducation nationale pour travailler avec des enseignants qui ne soient pas seulement d'anciens bons élèves dans leur matière et qui aient l'envie de transmettre à des élèves qui ne sont pas des têtes de classe... J'ai d'abord été directeur pédagogique pendant deux ans dans un groupe privé d'enseignement supérieur, Infosup. C'est là que j'ai rencontré Patrick Mercet qui était directeur comptable de ce groupe. Au bout de deux ans, l'un des sites d'Infosup, à Évry, a été mis en vente. Avec Patrick, chacun ayant des compétences et des personnalités complémentaires, nous avons décidé de racheter cet établissement qui était moribond et ne comptait pas plus de 80 étudiants. Quatre ans plus tard, ITIS Formation compte 450 étudiants, dont les trois quarts sont en formation par alternance.

Comment avez-vous développé votre établissement ?
Avec Patrick Mercet, notre idée a été de concevoir l'établissement dont nous rêvions pour des élèves en difficultés scolaires qui souhaitent notamment préparer un diplôme national comme le BTS. Cela repose sur trois principes : des effectifs restreints, avec moins de vingt élèves par classe, une équipe d'enseignants que nous sélectionnons parmi des professeurs qui exercent par ailleurs en STS publiques, et un établissement conçu comme un vrai lieu de vie, le plus ouvert et le plus accueillant possible, dans lequel chacun se reconnaît et se sent reconnu, ni comme un numéro, ni comme un chéquier.

Avez-vous un projet pédagogique particulier ?
Nous n'avons pas réinventé la pédagogie. Le but est de faire réussir nos élèves à un diplôme national, ce qui suppose des heures de cours, des référentiels associés et des savoirs à acquérir. Seulement dans ce cadre les enseignants ont une très grande liberté pour s'adapter aux besoins des élèves qui ont des profils très variés. On ne s'adresse pas uniquement à des jeunes en échec scolaire. Mais ceux qui sont en échec trouvent dans notre établissement de quoi se restructurer. D'autant plus que les élèves sont motivés lors du processus de recrutement.

En quoi consiste votre processus de recrutement ?
Dès le mois de février précédant la rentrée de septembre, chaque élève qui fait une demande de documentation est invité à passer des tests pour détecter ses éventuelles difficultés et ses compétences attendues pour la formation visée. On ne s'intéresse pas au dossier scolaire, mais au potentiel de chaque candidat. On travaille aussi sur le CV de chaque élève. Au terme du processus, celui-ci a structuré un CV pertinent qui peut être présenté aux entreprises partenaires. On apprend également aux jeunes à prospecter les entreprises. À chaque étape, le jeune peut choisir de se désengager : aucun frais d'inscription n'est réclamé avant la rentrée. On fait un pari. Ce travail préalable est un travail de prise de maturité. On les sent gagner en maturité et, au terme de ce processus, ceux qui s'inscrivent en septembre sont vraiment motivés. Ils se sentent en confiance pour démarrer leur formation.

Pourquoi misez-vous sur des formations par l'alternance ?
L'alternance permet évidemment aux élèves d'acquérir une expérience en entreprise. Pour autant, nous ne perdons pas de vue que le but est de préparer un diplôme. L'alternance est un moyen de financement qui permet aux élèves de bénéficier d'une formation gratuite. Nous veillons en outre à un effet d'aspiration qui conduit les élèves à se sentir tellement bien dans l'entreprise qu'ils en oublient les cours. Car l'objectif est que nos élèves décrochent leur diplôme.

Comment cela se traduit-il en termes de taux de réussite ?
Les taux de réussite sont variables d'une année à l'autre, de 40 à 90 % selon les spécialités de BTS. Mais être jugé sur des taux de réussite ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est le taux de transformation, soit la capacité à mener au BTS un élève qui a priori n'était pas parti gagnant. Pour cela, nous nous efforçons de maintenir la plus grande proximité avec nos élèves dans un établissement à taille humaine, tel qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il ne comporte pas plus de 450 élèves, que l'on connaît individuellement et dont on sait que chacun a plaisir à venir étudier.

Propos recueillis par Emmanuel Vaillant | Publié le