Jean Kempf, directeur des Presses universitaires de Lyon : « Ce qui est mis en ligne participe à la valorisation du travail de recherche en SHS»

Propos recueillis par Cécile Coursol Publié le
Jean Kempf, directeur des Presses universitaires de Lyon : « Ce qui est mis en ligne participe à la valorisation du travail de recherche en SHS»
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Alors que le mouvement de libre accès aux résultats de la recherche s’intensifie, les Presses universitaires de Lyon (PUL) développent, avec cinq partenaires européens, un modèle d’édition numérique en accès ouvert pour les ouvrages de sciences humaines et sociales. Ce projet OAPEN (Open Access Publishing in European Network) est financé par le programme eContentPlus de la Commission européenne qui encourage la production et l’accès aux contenus numériques européens. Jean Kempf, directeur des PUL, revient sur la réflexion menée avec ses partenaires pour mettre en place ce projet.

Quelles sont les contraintes du modèle d’édition OAPEN que vous inventez ? 

Les six partenaires* du consortium cherchons à synchroniser la production de livres à la fois sous forme numérique et sous forme imprimée. Les techniques du numérique nous permettent de proposer des tirages d’ouvrages à la demande ou de sortir de tout petits tirages. Grâce à ces fonctionnalités nous pouvons éditer plus de textes, les diffuser plus largement et donc, toucher un plus grand public. Il est clairement établi par le consortium que rien ne sera publié sans passer par un comité de lecture et par le processus classique de l’édition. Par ailleurs, la Commission européenne exige que l’accès aux livres dans leur version numérique soit gratuit et que tous les développements informatiques soient « open source ».  

En quoi votre projet répond aux usages du travail de recherche ?

En tant que chercheur, nous constatons de plus en plus que si l’information n’est pas disponible numériquement, nous n’allons pas forcément chercher, voire trouver, la version papier du texte qui nous intéresse. Les livres dont nous avons besoin ne sont pas forcément présents dans nos bibliothèques et le temps de recherche pour les obtenir est long et décourageant. De plus en plus, les chercheurs payent pour accéder à un service en ligne d’accès aux contenus qui les intéressent. Notre projet s’inscrit dans cette évolution et cherche à établir un circuit pour obtenir rapidement un livre grâce au tirage à la demande ou de pouvoir le consulter en ligne si quelqu’un recherche une information précise.  

Pensez-vous que les chercheurs se tourneront vers la version papier si une version en ligne existe ?  

La production de livres numériques actuellement disponible n’est pas encore assez importante pour pouvoir le dire. Je pense néanmoins qu’il faut maintenir l’existence du livre mais les problèmes économiques et écologiques liés à sa production sont de plus en plus grands. Notre projet est une façon de sauver l’objet intellectuel livre face à des contraintes économiques qui font qu’il en existe de moins en moins. Nous voulons lui faire profiter des possibilités offertes par le numérique. En sciences humaines et sociales, si on mène de concert une numérisation des documents primaires avec une mise en ligne des textes, cela permet d’associer la citation à la source et de voir très rapidement la preuve. L’édition numérique permet aussi de faire des liens, à partir des textes numérisés, vers des archives extérieures. D’ailleurs les livres d’OAPEN auront un lien vers les fonds des bibliothèques nationales numériques, de type Gallica en France. A terme, il sera possible, à partir d’un métamoteur central, de chercher une source dans toutes les bibliothèques. De même, il est important que les métamoteurs puissent interroger le contenu OAPEN.  

Comment envisagez-vous la question du droit d’auteur sur les livres diffusés numériquement et gratuitement ?  

Cette question est encore à l’ébauche mais pour le droit moral, nous nous dirigeons vers les licences Creative Commons [NDLR : contrats d’auteur d’accès ouvert qui permettent aux titulaires de droits d'autoriser le public à effectuer certaines utilisations, tout en ayant la possibilité de réserver les exploitations commerciales, les oeuvres dérivées ou le degré de liberté] qui nous semblent une protection renforcée pour le droit des auteurs. La rémunération n’existera pas sur les ouvrages en ligne mais traditionnellement, peu de droits d’auteur sont versés pour les monographies pointues de recherche. Nous considérons que ce qui est mis en ligne participe à la valorisation du travail de recherche de l’auteur.  

* Amsterdam University Press (AUP), Pays-Bas Georg-August-Universität Göttingen/Göttingen University Press (UGOE), Allemagne  Museum Tusculanum Press (MTP), Danemark  Manchester University Press (MUP), Royaume-Uni  Presses Universitaires de Lyon (PUL), France Firenze University Press (FUP), Italie  

Propos recueillis par Cécile Coursol | Publié le