Jean-Loup Salzmann : "Nous sommes tout sauf des béni-oui-oui"

Camille Stromboni Publié le
Jean-Loup Salzmann : "Nous sommes tout sauf des béni-oui-oui"
Jean-Loup SALZMANN - université CPU - Avril2014- ©CS // © 
Jean-Loup Salzmann est candidat à un nouveau mandat à la tête de la Conférence des présidents d'université, aux côtés de Gérard Blanchard et Khaled Bouabdallah. Le président de Paris 13 défend son bilan et ses "victoires" sur le plan budgétaire tout en s'inscrivant en faux contre les critiques d'une trop grande connivence avec le ministère.

Pourquoi êtes-vous, de nouveau, candidat à la tête de la CPU ?

Nous sommes au milieu du gué, sur toute une série d’actions. Nos combats doivent être poursuivis, en premier lieu sur le terrain budgétaire. C’est la première fois que nous vivons un débat aussi conflictuel et dur.

Cela fait plusieurs mois que nous sommes totalement investis, car ce qui se joue cette année, ce n’est pas seulement le budget 2015 des universités. C’est plus profond, il s’agit de savoir comment on va traiter l’enseignement supérieur et la recherche dans les années à venir. Le rapport de force que nous établissons aujourd’hui aura des conséquences à long terme.

Enfin, nous avons de l’expérience, de la disponibilité et une très forte envie de poursuivre. C’est crucial. Nous avons pris l’habitude de concilier nos deux casquettes, à la CPU et dans nos établissements. Nous sommes un trio qui s’engage en temps et en énergie, ce qui est indispensable pour défendre la cause des universités.

Nous avons été particulièrement actifs sur la question des moyens des universités. Avec des résultats tangibles.

C’est la première fois qu’un trio se représente. Si vous deviez résumer votre mandat à la tête de la CPU en une action, laquelle mettriez-vous en avant ?

En deux ans nous avons beaucoup œuvré, sur le champ de la formation, de la recherche, de l’image des universités, etc. Mais j’estime que nous avons été particulièrement actifs sur la question des moyens des universités. Avec des résultats tangibles, même si l’année qui se termine est très difficile. C’est la première fois que le GVT [glissement vieillesse technicité], - même s’il n’est pas encore à la hauteur -, et la compensation de l’État sur l’exonération des boursiers sont prises en compte en loi de finances initiale.

Sans oublier le maintien de l’intégralité des moyens des universités en 2014, alors que 20% de nos dotations ne nous avaient pas été versées en novembre ! C’est une victoire. Nous avons en outre des retours très encourageants sur le dégel à venir. 

Voyez-vous des points faibles dans ce bilan ?

Nous n’avons pas fini les nombreux chantiers entamés. La bataille du budget, nous devons la poursuivre de la manière la plus vigoureuse qui soit. C’est le problème numéro 1 des établissements.

Il faut obtenir l’augmentation du budget de l’ESR. Et ce n’est pas de la provocation envers le gouvernement en période de restrictions, c’est une question de compétitivité pour la France et d’espoir pour notre jeunesse. Il faut d’ailleurs convaincre l’Europe de considérer ces dépenses comme des investissements, car c’est ce qu’elles sont vraiment.

Conférence des présidents d'université - K.Bouabdallah G.Blanchard J-L.Salzmann - dec 2012 - ©C.StromboniKhaled Bouabdallah, Gérard Blanchard et Jean-Loup Salzmann ont été élus au bureau de la CPU en décembre 2012, avec 57 % des voix// © C.Stromboni

Vos concurrents dénoncent l’absence de débat à la CPU ces deux dernières années. Est-ce un chantier à développer ?

Nous nous inscrivons totalement en faux contre ce procès : nous avons fait vivre le débat à la CPU, avec un travail largement apprécié en amont de formation et d’explication auprès des présidents, afin que chacun puisse participer et voter en connaissance de cause. Et ce, sur tous les sujets qui intéressent les universités, même les plus sensibles, comme les regroupements universitaires, la sélection, la qualification ou encore le modèle de répartition des moyens.

Nous avons toujours agi sur mandat du conseil d’administration ou de l’assemblée plénière, et nous avons essayé également d’informer au mieux les présidents, avec des newsletters régulières, sur chaque prise de position.

Précisons enfin que nous sommes très contents qu’il y ait une autre liste candidate, ce qui permet justement un véritable débat, entre deux lignes politiques différentes.

Votre positionnement envers le ministère est également pointé du doigt, jugé trop conciliant alors que les universités rencontrent toujours d’importantes difficultés financières…

Nous ne sommes pas une organisation syndicale, mais une instance représentative des présidents. Le Code de l’éducation dit explicitement que nous devons être consultés par le gouvernement sur les sujets qui touchent à l’université. Notre mission est d’entretenir un dialogue permanent avec les pouvoirs publics, le parlement et la commission européenne. Ce que nous avons fait. Nous refusons d’être dans une posture d’opposition systématique, ce qui nous rendrait inaudible.

Cependant, il suffit de lire nos multiples motions pour vérifier que nous sommes tout sauf des 'béni-oui-oui'. Quand nous avons un message à faire remonter au ministère, nous n’hésitons pas. Par exemple sur la réforme du modèle de répartition des moyens, nous avons fait reculer le ministère non pas en enfonçant des portes à coup de pied, mais en démontrant que la réforme proposée était catastrophique.

Ceux qui promettent la révolution ont-ils obtenu quoi que ce soit ?

Ce sont les résultats qui comptent. Alors certes, pour l’instant, nous avons obtenu un budget stable - et il va falloir encore se battre contre les coupes budgétaires pour 2015 - alors que nous défendons l’augmentation des moyens. Mais il y a un principe de réalité.

Contrairement à ce qui se passe dans un grand nombre de pays européens, la France a maintenu nos moyens. C’est aussi une victoire que beaucoup d’autres opérateurs de l’État nous envient. Ceux qui promettent la révolution ont-ils obtenu quoi que ce soit ?

Notre travail de fond a fait ses preuves, on n’a jamais autant entendu parler des universités dans les débats parlementaires. Même si cela ne plaît pas forcément à tout le monde, nous sommes des gestionnaires et la CPU est, avant tout, une force de propositions et de négociation.

Vous êtes un homme de gauche. Cela ne rend-il pas l’opposition à un ministère socialiste plus difficile ?

L’enseignement supérieur et la recherche, ce n’est ni de gauche, ni de droite. Nous défendons avant tout les intérêts de nos établissements, sans concession. Je suis certain que des collègues de droite, face à n’importe quel gouvernement, feraient exactement la même chose.

Cela permet en revanche parfois une communication plus fluide avec le ministère, avec un langage commun. Mais jugez-nous sur les résultats !

Vous présentez encore un ticket uniquement masculin , n’est-ce pas contradictoire avec votre défense de la parité ?

Évidemment, la mixité serait beaucoup mieux. Il y a un problème en amont, avec moins de 10 % de femmes présidentes ! Mais notre situation est un peu particulière : nous sommes une équipe déjà constituée depuis deux ans, qui se représente justement car nous pensons qu’elle est efficace.

Camille Stromboni | Publié le