Jean-Luc Vayssière (université de Versailles) : "La Cour des comptes appelle à prendre des mesures fortes pour améliorer notre pilotage"

Camille Stromboni Publié le
Jean-Luc Vayssière (université de Versailles) : "La Cour des comptes appelle à prendre des mesures fortes pour améliorer notre pilotage"
Jean-Luc Vayssière - Université Versailles-Saint-Quentin - Nov.2013 // ©  Camille Stromboni
Au lendemain de l'annonce du soutien financier de l'État à l'université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, en crise depuis plusieurs mois, son président Jean-Luc Vayssière veut rassurer sur l'avenir de son établissement. Il reconnaît les difficultés de pilotage mises en lumière par le rapport de la Cour des comptes et se montre résolu à y remédier. De son côté, l'ex-présidente Sylvie Faucheux se défend face aux dysfonctionnements pointés par la ministre.

Vous aviez présenté à plusieurs reprises un budget 2014 en déficit de 5,2 millions d’euros. Le ministère a annoncé, le 19 mars 2014, une subvention remboursable de 2,6 millions d’euros pour l’UVSQ. Cela va-t-il être suffisant pour tenir l’année ?

Je tiens tout d’abord à remercier le ministère sur la confiance qu’il nous accorde avec cette aide remboursable, ainsi qu’à notre plan de retour à l’équilibre. Celui-ci est engagé depuis mon arrivée à la tête de l’université [en avril 2012, ndlr], et il commence à porter ses fruits. Le déficit était, fin 2012, de plus de 5 millions d’euros, il est passé, fin 2013, à 0,9 million d’euros. Les recettes propres de l’université progressent, parallèlement, de 42% en 2013. En grande partie grâce aux contrats de recherche, qui augmentent de 77%.

Ces résultats sont très encourageants. Nous comptons retrouver l’équilibre de trésorerie en 2014, l’équilibre budgétaire en 2015, et la reconstitution du fonds de roulement en 2016.

Concernant le budget 2014, celui que j’ai présenté était primitif, il s’agissait d’une hypothèse. Nous nous dirigeons désormais vers un budget primitif exécutoire qui, avec cette somme, sera à l’équilibre. Cela s’accompagnera évidemment de mesures d’économies : environ 4% de réduction par rapport à l’an dernier.

Sur quoi vont porter les économies ?

Nous avons déjà ouvert la discussion au cours d’un séminaire avec les responsables des formations et des laboratoires au début du mois. Cela ne va pas se décider au coin de mon bureau, mais grâce à un travail de concertation.

Cela portera sur l’investissement, par exemple en limitant certains achats informatiques, et sur le fonctionnement. Nous sommes déjà très vigilants sur l’organisation de colloques, de manifestations, les frais de mission, etc.

Ce sera un exercice subtil et minutieux, car il est hors de question de porter atteinte aux missions essentielles de l’université.

Nous comptons retrouver l’équilibre de trésorerie en 2014, l’équilibre budgétaire en 2015, et la reconstitution du fonds de roulement en 2016

Comment gérez-vous cette situation de crise vis-à-vis de vos personnels et étudiants ? Ont-ils raison de s’inquiéter pour la prochaine rentrée ?

Nous allons réaliser ces économies en préservant la qualité de nos formations et de notre recherche. Nous comptons également aller chercher encore plus de ressources à l’extérieur car nous ne pouvons raisonner seulement en termes de réductions.

Il faudra également faire jouer sur la solidarité entre les services et composantes. J’ai envoyé un message hier, le 19 mars 2014, à la communauté de l’UVSQ pour l’informer à ce sujet. Je rencontre de nouveau, le 24, les directeurs des composantes.

La seule inquiétude que je peux avoir, c’est à propos de l’effet de communication sur l’université, avec plusieurs salves d’informations depuis novembre, parfois déformées, qui ont pu toucher à l’image de l’établissement. Mais nous restons dans une bonne dynamique et nous continuons aussi à développer de multiples projets, notamment au sein de Saclay.

Pourquoi ce budget 2014 et le montant de la subvention ont-ils mis autant de temps à être définis ? Est-ce en raison du manque d’informations que l’université pouvait fournir au ministère ?

On nous a demandé les résultats financiers bien plus tôt que d’habitude. Nos personnels sont, en outre, étant donné la situation, déjà écrasés de travail et un nouvel agent comptable vient de prendre le poste début février.

Nous avons dû aussi retravailler des écritures comptables sur plusieurs années. Cela nous ramène à notre problématique de manque de maîtrise des outils et des compétences. Nos différents outils ne convergeaient pas initialement vers les mêmes résultats ! Désormais, les chiffres sont stabilisés.

La seule inquiétude que je peux avoir, c’est à propos de l’effet de communication sur l’université

La Cour a rendu son rapport définitif sur l’UVSQ le 17 mars 2014. Elle pointe une incapacité à gérer l’université. Cela vous semble-t-il justifié ?

Les conclusions définitives de la Cour appellent à prendre des mesures fortes pour améliorer le pilotage financier et des ressources humaines, que je suis déterminé à prendre. Cela participera au retour à l’équilibre de notre établissement et à la confiance de la communauté de l’UVSQ à l’établissement. Je communiquerai sur ces mesures très bientôt.

Je tiens tout de même à rappeler à ce sujet que le rapport relève également des éléments très positifs sur l’UVSQ. Plusieurs mesures ont été prises, depuis que je suis président, pour mettre fin aux défaillances et imperfections de notre fonctionnement.

Vous étiez vice-président du conseil d’administration lors de la période étudiée par la Cour, vous êtes président depuis 2012. Avez-vous une part de responsabilité dans les "erreurs de gestion", pointées par Geneviève Fioraso, qui ont pu avoir lieu sur cette période ? Ou la responsabilité incombe-t-elle seulement à l’ex-présidente Sylvie Faucheux ?

Je n’entre pas dans cette discussion. Les choses sont beaucoup plus compliquées que cela. La Cour a tenu compte de nos différentes réponses. Je ne vois pas de conclusions sur la responsabilité du président actuel dans le rapport, qui est très précis sur les faits et la période concernée. Cela n'a plus d’intérêt de commenter encore.

Il est temps que cette phase s’arrête, nous sommes aujourd’hui tournés vers l’avenir. Nous prenons note de ce qu’a dit la Cour, mais aussi de l’audit approfondi de l’IGAENR [Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche].

Je ne vois pas de conclusions sur la responsabilité du président actuel dans le rapport de la Cour des comptes

Pensez-vous, comme la ministre l’écrit en s’appuyant sur le rapport de la Cour, que votre politique de recrutement a été "excessive", que vos prévisions de recettes ont pu manquer de sincérité, et que votre politique indemnitaire a été "dispendieuse" ?

Tout est écrit dans le rapport. Il faut noter que j’ai déjà recadré notre politique de primes et que l’un des PPP [partenariats public-privé] a été redéfini et renégocié.

Notre difficulté aujourd’hui, c’est notre capacité à anticiper, et donc à piloter. Notre université a vécu un très fort développement, avec une présidence dynamique, accompagné par l’État. Notre effectif d’étudiants a très fortement augmenté, notre masse salariale a progressé, et il s'agissait de tout sauf d'emplois fictifs ou de malversations, comme certains peuvent avoir tendance à le sous-entendre, dans une vision croustillante des choses.

Comment expliquez-vous ce raz-de-marée médiatique autour de l’UVSQ, alors que beaucoup d’universités connaissent des déficits ou des rapports de la Cour des comptes critiques ?

Nous ne sommes pas la seule université en difficulté en effet, le contexte est général. Mais notre particularité, c’est de ne pas avoir un fonds de roulement qui permette d’être en déficit. Un certain nombre d’établissements vont piocher cette année dans leurs fonds. Ce petit matelas qu’ont les universités plus anciennes, notre jeune université, peut-être trop dynamique, elle, ne le possède pas.

Quant à notre communication, on peut toujours s’améliorer, mais j’ai tenté de communiquer à chaque fois que je pensais cela nécessaire. Après, il y a surtout eu un emballement médiatique !

Sylvie FAUCHEUX - ancienne rectrice de Dijon - ex-présidente de l'université de Versailles-Saint-Quentin ©CS février2014Sylvie Faucheux, ancienne présidente de l’UVSQ (2002-2012) : "Mon successeur aurait pu faire preuve de solidarité"
LES PPP

"La Cour a pris en compte un certain nombre de mes réponses, contredisant ainsi ce qui a pu être véhiculé dans la presse notamment. Concernant les PPP [partenariats public-privé] tout d’abord, fortement dénoncés aujourd’hui, il apparaît clairement que tout le monde les a soutenus : les différents ministères concernés mais aussi, en interne, les administrateurs de l’université qui les ont votés à l’unanimité.

Après toute l’agitation autour de ma présidence de Fondaterra, et du rôle de cette fondation dans la signature des PPP, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu d’irrégularité dans la procédure, et que cette fondation ne s’est exprimée dans le conseil d’administration qu’à sa demande. Elle n’a pas eu le rôle obscur qu’on voulait lui faire jouer. Sur le PPP 'médecine', il est enfin souligné qu’il a été favorable à l’université ! Et non pas aux constructeurs privés."

LA POLITIQUE INDEMNITAIRE

"Sur les primes aux personnels, on est loin du clientélisme ou du favoritisme que certains affirmaient. Cela n’apparaît nulle part ! Elles ont augmenté, certes, beaucoup. On peut me le reprocher, mais il y a un problème d’anachronisme : dans le contexte de l’époque, c’était très fortement préconisé par le ministère, et la Cour indique bien que cela s’est fait de manière égalitaire."

LA POLITIQUE DE RECRUTEMENT

"Concernant le recrutement 'excessif' que pointe Geneviève Fioraso, je me répète, mais nous avons eu deux nouvelles composantes, avec leurs bâtiments. Nos effectifs étudiants ont crû de 37%. Et malgré tout, la Cour note que l’université reste sous-dotée de 206 postes ! Nous avons beaucoup recruté, oui, mais avec raison.
Enfin, avant de quitter la présidence, j’ai fait voter un budget primitif 2012 avec une stabilisation de la masse salariale. Celle-ci a pourtant continué de croître, je ne peux en être responsable."

L'INSINCÉRITÉ SUR LES RECETTES

"De la même manière, sur les prévisions des recettes, dont la Cour interroge la sincérité, celles que j’avais inscrites au budget prévisionnel correspondent aux recettes finalement réalisées. Il suffit de regarder les chiffres du rapport. Ce sont les modifications intervenues au cours de l’année 2012 qui ont fait évoluer les montants à la hausse.
Il y a d’ailleurs un travers dans ce rapport : il ne commente jamais la progression des ressources propres de l’université, qui n’ont fait que croître jusqu’à 2011, et se sont effondrées en 2012 de cinq millions d’euros."

SON LIMOGEAGE DU POSTE DE RECTRICE

"Enfin, concernant mon éviction du poste de rectrice, je pense qu’en effet, après tout ce bruit autour de l’université, ce rapport et les interprétations des uns et des autres, il pouvait être difficile de maintenir un représentant de l’État au cœur d’une série de polémiques.
Je pense tout de même que les choses auraient pu se passer différemment si, à la fois, mon successeur et ma ministre avaient fait remarquer que cette agitation se faisait sur les bases d'un rapport provisoire et qu'il fallait laisser jouer la contradiction. Quant à mon successeur, il aurait pu faire preuve de solidarité. Nous avons en effet partagé tous les succès de l'UVSQ, alors nous devrions aussi partager les revers car nous étions solidaires dans toutes les décisions qui ont été prises. Je regrette que cette solidarité ait disparu.
Enfin, il aurait été bien de ne pas oublier la réussite de l’UVSQ. C’est ce qui me frustre le plus : on ne reconnaît pas le succès de l’université, que tout le monde portait et dont l’ensemble des grandes décisions a été validé et soutenu par tous ! Je fais d’ailleurs confiance à cet établissement pour se relever. N’oublions pas non plus qu’il n’y a pas que Versailles qui est en déficit actuellement !"
Lire aussi
- Le rapport définitif de la Cour des comptes sur l'université Versailles Saint-Quentin (pdf)

La biographie EducPros de Sylvie Faucheux, ancienne présidente de l'UVSQ
La biographie EducPros de Jean-Luc Vayssière, président de l'UVSQ

Le billet de Pierre Dubois : Budget rectoral pour Versailles ?
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Camille Stromboni | Publié le