Jean-Marc Rapp : "Une fédération d'établissements très intégrée peut remplir le cahier des charges de l'Idex"

Morgane Taquet Publié le
Jean-Marc Rapp : "Une fédération d'établissements très intégrée peut remplir le cahier des charges de l'Idex"
Pour Jean-Marc Rapp, les Idex doivent démontrer leur visibilité internationale. // ©  Jean-Marc Rapp
Trois confirmés, trois en période probatoire, et deux Idex stoppés. Annoncé fin avril, le bilan des évaluations conduites par le jury international pour les huit premiers Idex, quatre ans après leur labellisation, a surpris la communauté universitaire. Le président du jury, Jean-Marc Rapp, défend ses choix.

Quelle a été votre réaction en découvrant les huit dossiers, quatre ans après la labellisation ?

Nous avons été satisfaits de découvrir des dossiers très bien ficelés. Le jury a eu l'impression que ce programme a vraiment fait bouger les lignes. Nous notons d'importants progrès, notamment dans la collaboration entre organismes et universités.

Sur le volet international, un des points essentiels, il y a eu des progrès sensibles, mais il reste du chemin à parcourir. Globalement, ce concours a stimulé une réflexion stratégique dans les établissements, qui, à notre avis, a été profitable à tout le monde.

La qualité des chercheurs et des étudiants en France est incontestable, il faut que le système évolue vers plus de transparence et de simplicité pour mieux le faire connaître et l'apprécier à sa juste valeur en dehors de l'Hexagone.

Alors bien sûr, nous espérions que les huit Idex allaient tenir leurs engagements. Et nous sommes déçus de voir que deux dossiers sont vraiment loin du compte.

Comment expliquez-vous cette décision de stopper les Idex de Toulouse et Sorbonne-Paris-Cité ?

Sur ces deux projets, il n'y avait pas de cible d'université très intégrée. Les dossiers ne dessinaient pas d'image claire de ce qui allait se construire. À Sorbonne-Paris-Cité, alors que le dossier de sélection de 2011 annonçait clairement en page 15 un objectif de fusion à quatre ans, non atteint, le dossier actuel excluait tout changement institutionnel dans les six prochaines années, sans plus de précisions.

De même, à Toulouse, c'est surtout l'absence de trajectoire crédible vers une université reconnaissable internationalement qui explique notre proposition.

Ce concours a stimulé une réflexion stratégique dans les établissements.

Comment expliquer aux établissements retoqués que la fusion n'est pas le seul modèle plébiscité par le jury ?

Pour être visible et intelligible à l'international, il faut d'abord être reconnu comme une université. Cela ne veut pas dire que les acteurs d'un Idex doivent forcément fusionner. Le cas échéant, une fédération d'établissements peut remplir le cahier des charges de l'Idex, à condition d'être très intégrée et visible.

L'idée de ce concours est d'avoir des universités attractives, reconnaissables par les étudiants et par les chercheurs. Nous avons ainsi regardé les sites web des Idex. C'est un détail mais qui est assez parlant. Sur certains sites, on peut avoir le sentiment que l'Idex n'existe même pas.

Quelle est cette forme de gouvernance alternative ?

Une Comue très intégrée, qui reçoit de ses membres les compétences décisionnelles essentielles d'une université, peut remplir le cahier des charges. L'Isite Bourgogne Franche Comté en est un bon exemple.

Autre exemple : même si le classement n'est pas l'alpha et l'omega de ce concours, si l'on regarde celui de Leiden, on y retrouve l'INP Grenoble, qui a un statut intégratif très poussé.

Quelle est la suite envisagée pour Sorbonne-Paris-Cité et Toulouse ?

Ils avaient à répondre à un cahier des charges dans le cadre d'une compétition dans laquelle ils ont malheureusement échoué. Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous avons fait cette proposition, prise à l'unanimité, mais ils n'ont pas été assez loin, nous en avons tiré les conclusions.

Pour la suite, il n'appartient pas au jury de se prononcer sur ce qui se passera au-delà du PIA (Programme d'investissements d'avenir) dont il a la charge. Cela dit, on peut observer qu'à l'étranger, des universités d'excellence ont émergé, même sans programme analogue.

Et pour les regroupements dont la période probatoire a été renouvelée ?

Sorbonne Universités a construit un plan à deux ans, crédible et convaincant, après un faux départ. Nous leur avons donc recommandé de vérifier l'exécution de ce plan.

Pour Saclay et PSL, la situation est plus compliquée, car tout en ayant montré récemment des progrès significatifs, les membres de ces regroupements n'ont pas encore fourni une trajectoire suffisamment claire et convaincante au regard des objectifs de l'Idex. Le comité de pilotage leur a donc donné dix-huit mois pour revenir avec une proposition claire et réfléchie.

À Saclay, notamment, les établissements nous ont indiqué rencontrer des obstacles de nature réglementaire dans la coopération entre grandes écoles et universités. Nous leur avons dit de nommer ces problèmes, et de tenter les régler avec l'aide des pouvoirs publics. Le cas échéant, selon la plus ou moins grande convergence de vue entre acteurs, la configuration et le périmètre de l'Idex pourraient également être repensés.

Des conflits d'intérêts au sein du jury des Idex ?

Face aux rumeurs de conflits d'intérêt, Jean-Marc Rapp défend son équipe.

"Nous avons appliqué des règles très strictes sur les conflits. Chaque fois qu'il pouvait y avoir une perception de conflit d'intérêt, l'intéressé ne participait pas à l'étude du dossier, il sortait de la salle pour les auditions et les délibérations, et, bien évidemment, ne participait pas à la notation. Nous avons appliqué ce principe de précaution pour cinq membres du jury. Mais, vous savez, le monde universitaire est un grand village, où beaucoup de monde se connaît, de sorte que l'une ou l'autre situation d'apparence de conflit est inévitable."
Morgane Taquet | Publié le