Jean-Michel Nicolle : "L'enseignement supérieur privé est négligé par l'État"

Laura Makary Publié le
Jean-Michel Nicolle : "L'enseignement supérieur privé est négligé par l'État"
Jean -Michel Nicolle préside l'UGEI depuis 2015 et dirige l'école d'ingénieurs EPF depuis 2008. // ©  Cédric Helsly
L'UGEI (Union des grandes écoles indépendantes) a présenté le 30 mars 2017 ses propositions pour la présidentielle. Son président, Jean-Michel Nicolle, également directeur de l'EPF, revient sur les "sujets très pratiques" portés par l'association, afin de soutenir l'enseignement supérieur privé, qu'il juge "négligé par l'État".

Dans quel contexte avez-vous rédigé ces six propositions à l'attention des candidats à la présidentielle ?

À l'origine, nous n'avions pas l'intention de surajouter des propositions, à la suite de celles déjà dévoilées par la Cdefi (Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs), la CGE (Conférence des grandes écoles) et la Fesic (Fédération d'établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif), qui sont conformes à nos convictions. Nous avons d'ailleurs étroitement coopéré avec ces fédérations dans l'élaboration de leurs propositions.

Puis, en observant la campagne, nous nous sommes rendu compte que le sujet de l'enseignement supérieur privé n'était absolument pas abordé, l'enseignement supérieur étant absent des débats de manière plus générale.

Nous avons donc identifié et élaboré des propositions, qui reflètent les préoccupations de nos 33 établissements, qu'il s'agisse des écoles d'ingénieurs ou de gestion. Notre principale revendication : le manque de reconnaissance de la part de notre tutelle.

Pourquoi estimez-vous ne pas être assez reconnus par l'État ?

Tout d'abord, la baisse drastique des moyens accordés aux établissements contractualisés montre le peu d'intérêt que leur tutelle leur porte, alors que ce sont des écoles aux nombreuses qualités. En 2010, le soutien de l'État s'élevait à 1.300 euros annuels par élève. Il est aujourd'hui d'environ 600 euros. Nous demandons donc de porter le soutien étatique aux établissements contractualisés à 2.000 euros par an et par élève.

Nous n'avons également pas, ou très peu, été sollicités dans des mouvements globaux de reconfiguration de l'enseignement supérieur français. Cela a été notamment le cas lors de la constitution des Comue, et nous le regrettons. Cela donne à l'enseignement supérieur privé le sentiment d'être négligé. De plus, nous avons perdu le droit de délivrer des masters internationaux, alors qu'ils étaient de véritables instruments de développement international. 

D'autres sujets se retrouvent dans nos six propositions, comme la sécurité sur les campus, l'aide à la mobilité, ou l'accueil d'étudiants handicapés, sur lesquels nous ne sommes pas à égalité avec les établissements publics.

Affaiblir l'enseignement supérieur privé est une faute politique : la nation en a besoin pour accueillir la nouvelle génération d'étudiants voulue par la Stranes.

Dans vos propositions, vous parlez d'établir "un nouveau contrat de confiance entre l'État et l'enseignement supérieur privé". Pourquoi ?

Il semble que notre tutelle manque de confiance en nous. Nous voulons la reconstruire, pour que l'État recommence à se fier à nous. Affaiblir l'enseignement supérieur privé est une faute politique : la nation en a besoin pour accueillir la nouvelle génération d'étudiants voulue par la Stranes

La tutelle voit notre travail, nous habilite, elle a conscience de la qualité de nos établissements. En revanche, elle ne semble pas prendre la mesure du poids de l'enseignement supérieur privé et du rôle qu'il peut jouer dans le développement de l'enseignement supérieur dans sa globalité.

Vous demandez, entre autres, que les EESPIG aient des "droits spécifiques". Pour quelles raisons ?

Une partie de nos écoles ont fait des efforts afin d'obtenir et de développer ce label. Mais sans contrepartie au final. En devenant des EESPIG, ils n'ont pas réellement obtenu de label identifié, de droits nouveaux ou de financements.

Parmi les droits que nous demandons, figurent la délivrance de diplômes, de grades nationaux ou de visas et la possibilité pour les EESPIG de porter hors de nos frontières l'excellence académique française.

Les six propositions de l'UGEI, dévoilées le 30 mars


- Porter le budget national de l'enseignement supérieur au niveau de l'OCDE afin d'atteindre 2 % du PIB et répartir équitablement ces nouveaux moyens entre tous les opérateurs.
- Établir un nouveau contrat de confiance entre l'État et l'enseignement supérieur privé, en reconnaissant sa place et sa qualité.
- Simplifier et réduire les contraintes administratives et financières.
- Renforcer le modèle économique des écoles pour garantir la qualité de leurs missions et la pérennité des établissements.
- Reconnaître les droits spécifiques des EESPIG.
- Accorder à chaque étudiant français, quel que soit le statut de son établissement d'accueil, les mêmes droits.

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Laura Makary | Publié le