Jean-Paul Brighelli : «pour un bac allégé»

Propos recueillis par Sophie de Tarlé Publié le
L’auteur du controversé « La Fabrique du crétin » (vendu à 160 000 exemplaires) publie son quatrième ouvrage sur l’éducation «  Fin de récré, pour une refondation de l’école ». Ce professeur de français en classe préparatoire scientifique au lycée Joffre de Montpellier, considéré comme l’un des inspirateurs des nouveaux programmes du primaire, détaille pour Educpros, ses propositions pour le baccalauréat et critique la réforme de l’enseignement supérieur menée par Valérie Pécresse.

Vous n’êtes pas le premier à dénoncer  le désastre de l’école, pour quelles raisons êtes-vous le premier à être aussi écouté par les médias mais également le pouvoir ?   

Je pense que c’est en partie en raison de mon sens de la rhétorique. Je suis un ancien maoïste, cela doit aider... J’ai l’impression qu’en me lisant, les gens se disent, c’est exactement ce que je pense. Mes livres expriment une colère qui a longtemps été souterraine. Et ils étaient  nombreux à penser qu’il y avait  quelque chose de pourri dans l’éducation nationale.  Mais je ne suis pas le premier, « De l’école » (Seuil) en 1984 de  Jean-Claude Milner a formalisé en premier ce qui se passait.  Plus récemment en 2003,  « Et vos enfants ne sauront ni lire ni compter » (Stock) de Marc Le Bris a eu un énorme retentissement.     

Fin de récré est votre quatrième ouvrage sur le sujet, que proposez-vous de neuf ?  

Cette fois, si je continue de dénoncer je fais aussi des propositions, pour l’école maternelle, le bac, le recrutement des professeurs, la laïcité. J’aimerais que nous reconstruisions  une éducation nationale forte. D’ailleurs quand on lit le rapport Pisa de l’OCDE, on est frappé de voir que les  pays comme La Corée, le Japon et la Finlande qui obtiennent les meilleures places, sont des systèmes d’enseignement très nationaux. Et le Canada qui est également très bien placé a abandonné toutes ces méthodes que nous continuons d’appliquer en France. A ce sujet, Bernard Appy qui est instituteur a publié sur son site des choses très intéressantes.  

Pour le bac en particulier, que proposez-vous ?      

Chaque année marque un nouveau record avec maintenant 83 % de réussite au bac. Mais cela veut dire quoi ? Pourquoi pas 100 % à la limite ? Nous savons tous que pour y arriver nous avons dû modifier les épreuves, multiplier les options, créé des commissions chargées de récupérer les candidats malchanceux, et d’inciter les correcteurs à la plus grande mansuétude. Et puis pour 50 % des étudiants, le recrutement des élèves dans le supérieur (BTS, prépas, IUT…) se fait avant les résultats du bac,  sur dossier scolaire. Ce qui pousse les bons élèves à bien se comporter pendant deux ans. Le bac est tombé tellement bas que je trouve que la note de l’Iredu (Institut de recherche sur l’éducation) sur les notes du bac  particulièrement scandaleuse. L’Iredu  prétend dénoncer la loterie des notes du bac, après une étude statistique réalisée sur trois copies. En réclamant une suppression du bac, ou la transformation des épreuves en QCM pendant que se prépare une réforme de l’enseignement secondaire, l’Iredu maneuvre et essaie d’occuper le terrain pour se faire entendre.  Moi je suis au contraire pour les notes, pour un classement des élèves. Pourquoi le classement serait-il  légitime en sport et pas à l’école ? 

On pourrait donner le bac en suivant les recommandations du conseil de classe et en ne gardant qu’un bac allégé avec deux épreuves par exemples au maximum. Le recrutement des élèves se ferait sur dossier et entretien. Cela éviterait que le troisième trimestre soit amputé. Autre solution, instaurer comme le fait l’université d’Orsay, une année propédeutique à l’issue de laquelle les étudiants seraient orientés en fonction de leurs aptitudes. Ainsi, les élèves les plus tangents ne passeraient pas en deuxième année. Je pense que Valérie Pécresse est passée à côté de la réforme de l’université. Elle n’est pas allée assez loin. Si on garde le bac, il faudra attendre 15 ans, pour voir arriver des élèves qui auraient suivi un enseignement rigoureux, en espérant que Xavier Darcos puisse mettre au point quelque chose qui tienne le choc, ce qui satisferait l’essentiel de la population.  

Et concernant la réforme des IUFM ?

Je trouve que pour le Capes par exemple, on n’a pas besoin des IUFM. Plutôt que de demander aux étudiants un mémoire pétri de didactique, je souhaiterai que les futurs professeurs passent un examen sur leur discipline, et qu’ensuite ils passent un an en stage, de prof en prof. Au bout de cette année, le futur professeur ferait un vrai cours devant l’inspecteur. Ce serait une excellente  préparation. Aujourd’hui on demande à l’étudiant de faire un cours, alors qu’il n’a jamais enseigné.  

N’est-ce pas aux syndicats de faire des propositions ?  

Oui, mais il y a un vrai divorce entre le FSU (fédération syndicale unitaire) et la base. C’est pourquoi ils ne font aucune proposition en terme de refonte du programme, car cela ferait exploser leur organisation. J’ai d’ailleurs quitté le SNES pour le SNALC, où j’ai trouvé des gens compétents qui ont une vraie réflexion. Le SNALC est, à mon sens, le moins réactionnaire des syndicats enseignants.  

Fin de récré, pour une refondation de l'école, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 19,90 €.

Propos recueillis par Sophie de Tarlé | Publié le