Jean-Paul Delahaye (DGESCO) : "Nous souhaitons prendre le temps d’évaluer la réforme actuelle du lycée"

Isabelle Dautresme Publié le
Jean-Paul Delahaye, directeur général de l’enseignement scolaire au ministère de l’Education nationale, répond aux inquiétudes des enseignants sur la préparation du bac 2013 et ouvre des pistes de réflexion sur le lycée.

J.P DelahayeLa réforme du lycée concerne, cette année, la classe de terminale. Les programmes et épreuves changent dans de nombreuses disciplines. Les enseignants se disent inquiets, ils déplorent un manque d'information et de formation sur les nouvelles épreuves. Que leur répondez-vous ?

"Nos enseignants sont des professionnels, nous avons confiance dans leurs compétences. Ils s'interrogent et se posent beaucoup de questions sur les nouvelles épreuves du bac, c'est tout à leur honneur. Cela prouve l'intérêt qu'ils portent à leur métier, à leurs élèves. Il est normal qu'ils soient inquiets face à la nouveauté.

Pour autant, nous avons le sentiment qu'une formation conséquente a été donnée. L'inspection générale est mobilisée. Si on prend l'exemple des langues, qui est la priorité de notre ministère encore cette année, trois mille modules de formation ont été dispensés. Il en va de même dans les autres disciplines.

Les inspecteurs ont fourni un très gros travail d'information et de formation auprès des enseignants.
Ils vont continuer à le faire, l'année scolaire n'est pas encore terminée ! Mais, il faut accepter l'idée que les professeurs sont également des concepteurs. Ils ont à leur disposition de nombreuses ressources en ligne notamment sur le site Eduscol, dont le contenu va encore être étoffé dans les semaines à venir. Ils sont d'ailleurs déjà très nombreux à le consulter.

Les enseignants sont nombreux à dire se sentir seuls face aux difficultés. Ils déplorent notamment de ne pas voir plus souvent leurs inspecteurs pédagogiques. Quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?

Le système éducatif français est très sous-encadré. Or, une réforme ne vaut que si on la pilote, si on l'accompagne. A l'Education nationale, on manque de cadres, de conseillers pédagogiques, manque auquel il va nous falloir remédier le plus vite possible. Dans les ESPÉ nous formerons des conseillers pédagogiques pour le secondaire afin de renforcer notre capacité d'accompagnement des enseignants.

De façon plus globale, il faut revoir la formation continue, aujourd'hui bien mal en point. C'est d'autant plus important que les enseignements sont amenés à évoluer. Or, si tous les enseignants sortis des ESPÉ seront formés, il ne faut pas oublier ceux qui sont actuellement en poste.

Dans les ESPÉ nous formerons des conseillers pédagogiques pour le secondaire afin de renforcer notre capacité d'accompagnement des enseignants.

Dans les annexes au projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école, il est dit que des évolutions substantielles seront menées au lycée à partir de 2014. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Avant de nous lancer dans un nouveau chantier, nous souhaitons vraiment prendre le temps d'évaluer la réforme du lycée qui atteint cette année la classe de terminale. Les questions que nous devons nous poser sont nombreuses : la classe de seconde joue-t-elle son rôle de détermination ? Est-on parvenu à rééquilibrer les filières au lycée ? Les bacheliers réussissent-ils mieux leur entrée dans l'enseignement supérieur ?

Nous allons également nous intéresser aux conditions de vie de nos lycéens. La question des rythmes scolaires ne se pose pas uniquement à l'école élémentaire. Au lycée, nous devons trouver un équilibre entre les heures d'enseignement et le temps où les élèves sont accompagnés dans leur travail personnel. On va, de ce fait, être amenés à mener une réflexion sur l'accompagnement personnalisé qui doit être repensé dans un objectif de plus grande justice sociale.

Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école, réaffirme la volonté de valoriser la voie professionnelle, mais comment redorer une filière qui souffre d'un déficit important d'image ?

Le problème de la valorisation de la filière professionnelle ne se pose pas qu'à l'école mais à la société dans son ensemble. Quelle considération le travail manuel a-t-il dans la société française aujourd'hui ? Il existe des pays où il est davantage valorisé. L'école est dans la société, elle est donc confrontée, elle aussi, à l'image négative du travail manuel, et doit lutter contre les préjugés. Valoriser la voie professionnelle c'est d'abord faire en sorte que le bac pro en trois ans ne se retourne pas contre les élèves.

Il est de notre devoir de conduire les élèves au minimum à la réussite au bac et pour ceux qui le souhaitent, à la poursuite d'études supérieures. D'ailleurs il faut faciliter l'accès des bacheliers professionnels dans l'enseignement supérieur, notamment en BTS. Nous voulons en faire une vraie filière d'excellence. Pour lutter contre les représentations négatives dans la voie professionnelle nous allons se faire côtoyer au sein des Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPÉ) des enseignants des voies générale, technologique et professionnelle. Les futurs professeurs suivront, en outre, une formation à l'orientation. Ils doivent mieux connaître l'enseignement professionnel de façon à en véhiculer une image positive. Celui-ci ne doit plus être perçu comme une sanction ou une voie de relégation.

Isabelle Dautresme | Publié le