Laurent Wauquiez : « Je ne serai pas le ministre des affaires courantes »

Propos recueillis par Sophie Blitman et Emmanuel Davidenkoff Publié le
Laurent Wauquiez : « Je ne serai pas le ministre des affaires courantes »
Laurent Wauquiez // © 
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche depuis le 29 juin 2011, Laurent Wauquiez poursuit et assume les réformes engagées depuis 2007 par Valérie Pécresse. Il hérite en particulier de la nouvelle licence. Objectifs affichés : améliorer l’insertion professionnelle des étudiants, lutter contre l’échec et le décrochage. Il ouvrira une concertation sur les référentiels de compétences de la licence qui doit aboutir à la rentrée 2012.

Vous arrivez à la tête du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche moins d’un an avant l’élection présidentielle. Ce calendrier vous permet-il de ne pas seulement suivre les dossiers en cours, mais d’impulser de nouvelles actions ?

J’assume la continuité avec le travail précédent qui a été fait. Mais je n’ai aucune intention d’être le ministre des affaires courantes. Il y a des thèmes d’investissement très clairs sur lesquels je sais que je peux avancer : l’insertion dans l’emploi, dont la déclinaison de la réforme de la licence est une illustration, les conditions d’études, à travers notamment les questions de logement, de santé et la mise en œuvre du dixième mois de bourse. Je veux également mener tout un travail de simplification administrative pour faire en sorte que le changement soit plus palpable sur le terrain. Voilà ma feuille de route.

« Une société sans ascenseur social est une société morte »

En outre, l’enseignement supérieur n’est pas un domaine que je découvre. J’y porte un réel intérêt qui se concentre tout d’abord sur la question de l’ascenseur social : cette question est au cœur de mes priorités car pour moi, une société sans ascenseur social est une société morte. D’autre part, je suis convaincu que sur ces sujets d’enseignement supérieur se joue aussi l’avenir de la relation de la France à la mondialisation : il s’agit de retrouver une place pour notre jeunesse et de restaurer notre compétitivité, donc de préparer nos emplois de demain.


Votre premier dossier a été le texte de l’arrêté licence, adopté par le CNESER le 12 juillet 2011, avec le soutien des organisations étudiantes. Quel est l’objectif de cette réforme ?


Remettre l’étudiant au cœur de la licence. C’est pourquoi j’avais fait le pari de réunir le soutien unanime des organisations étudiantes. Cela a été le cas, ce qui est pour moi un grand motif de satisfaction, d’autant, je crois, que c’est une première. En outre, la CPU s’est abstenue positivement. Ce vote du CNESER est à mes yeux un signe très fort.
Sur le fond, cette réforme vise à améliorer l’attractivité de la licence, diplôme national qui doit garantir une équité républicaine sur le territoire. Dans cette licence, nous avons prévu l’équilibre entre cours magistraux et d’autres formes d’enseignement, qu’il s’agisse de e-learning ou de travail en petits groupes.

« Nous allons prendre le temps de la concertation sur les référentiels de compétences »

Cette réforme repose sur trois principes : assurer la qualité du diplôme, en fixant un seuil minimal de 1 500 heures d’enseignement en licence, lutter contre l’échec et le décrochage, en généralisant les dispositifs de réorientation, et créer un véritable passeport pour l’emploi grâce à la mise en place de référentiels de compétences. Il faut identifier, au-delà du champ disciplinaire, des compétences transverses qui sont les grilles de lecture des employeurs comme la capacité à travailler en groupe, à exercer son esprit critique, à faire de la prospective, à rédiger des projets ou des rapports... Ce référentiel doit être l’occasion d’un débat et d’une réflexion de l’ensemble de la communauté universitaire avec les professionnels. Nous allons prendre le temps de la concertation, l’objectif étant d’avoir un corpus de référentiels relativement établi pour la rentrée universitaire 2012.


Concernant la vie étudiante, les augmentations des frais d’inscription, du ticket de resto U et de la sécurité sociale étudiante ont récemment suscité la polémique. Quelle est votre position sur ces sujets ?


Tout d’abord, quand je suis arrivé, les arbitrages interministériels avaient été rendus. La décision a été prise, je l’assume : il y a une continuité de l’Etat, c’est normal.
Pour le reste, sachons raison garder et remettons cela en perspective : l’augmentation du ticket de resto U représente 10 euros par an pour un étudiant qui prend 200 repas, alors qu’il y a une explosion des denrées alimentaires. On amortit totalement le choc.
L’augmentation de 1,7 % des frais d’inscription en licence, quant à elle, va représenter 3 euros. En revanche, je serai très attentif aux frais d’inscription illégaux.


Le paysage de l’enseignement supérieur est aujourd’hui en pleine mutation, un mouvement orchestré notamment par les Investissements d’avenir. Que vont devenir les perdants des Idex, et plus largement les universités de proximité ?

Toutes les universités ont la même vocation, formation et recherche et quelque part c'est mon rôle de veiller à un équilibre entre ces universités et que toutes participent du même mouvement vers le haut.
L’objectif des Idex est de dégager cinq à dix pôles qui sont en excellence sur l’ensemble de leurs disciplines et qui sont capables d’aller concurrencer les meilleures universités au monde. Cela ne signifie en aucun cas qu’autour de ces pôles, ce sera le désert français ! Ce n’est pas ma vision de la République, ni mon expérience d’élu local.
Ensuite, il est évident que les autres universités peuvent dégager des pôles d’excellence dans certaines filières : Clermont-Ferrand a développé une très grande expérience sur la recherche agronomique et biologique en lien avec l’Inra, et sur 5 Labex déposés, en a obtenu 3. Limoges s’est distinguée en matière de céramique, Saint-Etienne sur le design…

« En dehors des Idex, les autres universités peuvent dégager des pôles d’excellence dans certaines filières »


Cette diversité que vous dessinez n’ouvre-t-elle pas la voie au développement d’universités à plusieurs vitesses ?

Pas du tout. Tout d’abord, c’est l’ensemble des étudiants qui est concerné, on ne fait pas de tri. D’autre part, si vous avez un pôle d’excellence à Bordeaux, j’attends de lui qu’il anime tout le territoire universitaire alentour, avec une vraie logique de partenariats. Enfin, l’aspiration de chaque étudiant est-elle vraiment de devenir le chercheur leader dans son domaine pour aller développer le brevet de demain ? Non. De nombreux étudiants ne rêvent pas d’être le prix Nobel ou la médaille Fields !


Avez-vous réellement les moyens de votre politique ?

Le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche a augmenté de plus de 20 % en quatre ans. Avec 22 sur 35 milliards, les dépenses d’avenir sont concentrées aux trois quarts sur le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Nous sommes dans une période historique où la France investit massivement dans l’enseignement supérieur. Le but, c’est qu’on sache utiliser ces investissements et saisir cette chance.


Lire aussi l’interview de Laurent Wauquiez à letudiant.fr

Propos recueillis par Sophie Blitman et Emmanuel Davidenkoff | Publié le