Louis Vogel (Paris 2) : "les personnels ont compris qu’il fallait réagir"

Propos recueillis par Céline Manceau Publié le
Conformément à la loi du 11 août 2007, six mois après son vote, toutes les universités ont adopté le format de leur futur conseil d’administration. Certaines sont allées plus loin encore, ayant déjà adopté leurs statuts et procédé à la confirmation ou à l’élection de leur président. Une dernière étape décisive pour la loi LRU qui impose un nouveau « modèle » de président, plus manager que gestionnaire. Un costume qu’endosse déjà le président de Paris 2, Louis Vogel. Élu un an avant la loi LRU, il a pressenti la nécessité de changer les modes de gouvernance de son université pour relever de nouveaux défis. Ses méthodes, inspirées de son expérience de chef d’entreprise et de ses années d’études à la Yale Law School, remportent l’adhésion de ses collaborateurs. Louis Vogel expose pour Educpros les grands principes de son management.

Dès votre arrivée à la présidence de Paris 2, vous avez remanié l’équipe d’encadrement. Dans quel but ?

Un président d’université doit dégager ses priorités et ne pas placer tous ses services et directions sur le même plan. J’ai donc renforcé certains services comme celui du patrimoine ou des affaires financières, tout simplement en redéployant des personnels et en favorisant leur progression dans la hiérarchie. J’ai créé d’autres services comme celui dédié aux appels d’offres avec deux personnes, dont l’une se consacre aux appels internationaux. Parfois, j’ai fait appel à des contractuels pour la communication par exemple. J’ai également créé trois missions : une mission recherche, une mission évaluation des enseignants et une mission insertion. Il s’agit de trois cellules légères à la tête desquelles j’ai désigné un professeur responsable. Tous ces aménagements n’ont pas exigé de moyens supplémentaires.

Comment sont abordés les chantiers en cours ?

C’est symptomatique, mais Paris 2 n’avait pas de salle de réunion et surtout pas l’habitude de travailler en équipe sur des projets. Je réunis mon cabinet, tous les jeudis, à 9 h 30. Une dizaine de personnes sont présentes – le secrétaire général, le chef et le directeur de cabinet, le directeur de la communication, celui des ressources humaines, etc. – autour d’un ordre du jour défini par mon directeur de cabinet. Je peux vous assurer que les débats sont animés, mais quel gain de temps ! Les sujets sont abordés de manière transversale et chacun est libre de s’exprimer. J’organise aussi, toutes les deux semaines, des réunions de conduite de projets où interviennent toutes les personnes concernées. Enfin, une fois par mois, je reçois tous les chefs de service ensemble. Et quand plusieurs dossiers émanent d’un même service, je peux aussi prévoir une réunion spécifique. Mon objectif est d’avoir une vision globale de ce qui se passe dans mon université.

Quelles sont les missions du secrétaire général ?

Le profil d’un secrétaire général dépend beaucoup du cursus et de la personnalité du président. Ses compétences ne sont pas les mêmes non plus selon qu’il exerce dans une université pluri ou monodisciplinaire. En règle générale, c’est un gestionnaire, l’équivalent en quelque sorte d’un directeur d’hôpital, au profil administratif, confronté à des médecins (à l’université, ce sont les enseignants). À Paris 2, je remplis le rôle du gestionnaire, j’ai donc besoin d’un SG qui soit le responsable hiérarchique des personnels et l’auditeur capable de mettre en oeuvre la loi LRU. Je cherche, depuis des mois sans succès, quelqu’un qui ait des compétences en RH, en patrimoine et en systèmes d’information, qui soit capable de mettre en place des indicateurs de gestion pour restructurer les services. J’attends aussi du SG qu’il ait de l’autorité et le sens du contact humain. Ce profil délicat à trouver correspond au poste de secrétaire général adjoint dans les rectorats, une fonction qui manque aux universités.

Quels sont les rôles respectifs de votre chef et de votre directeur de cabinet ?

Mon directeur de cabinet s’occupe des relations avec les personnels et mon chef de cabinet, des problèmes quotidiens. Ces derniers sont permanents dans une université et un président peut finalement passer ses journées à tenter de les résoudre. Aujourd’hui, aucune demande ne reste sur mon bureau : elle est réglée immédiatement par mon chef de cabinet ou portée à l’ordre du jour d’une prochaine réunion de cabinet. Lorsque je suis à la CPU, je remarque que je ne suis jamais dérangé, contrairement à d’autres présidents sollicités en permanence pendant les réunions.

Vos méthodes de management peuvent-elles s’appliquer ailleurs ?

Paris 2 était à un tournant, mais finalement certains défis que je veux relever se sont retrouvés dans la loi LRU. La mission insertion, par exemple, préfigure aujourd’hui notre futur bureau d’insertion professionnelle. Dans les universités, j’ai le sentiment que les personnels ont compris qu’il fallait réagir. À charge pour le président de leur montrer une stratégie globale. Il faut parfois tenir tête aux demandes particulières. Les conflits doivent sortir au grand jour. Tout le monde a accès au président qui doit créer l’adhésion en fixant des objectifs à chacun.

Notes : Confirmation d'un président : Si le mandat du président en exercice se poursuit plus de six mois après la réunion du premier CA nouvellement constitué, ce dernier peut demander aux membres une simple confirmation de son mandat en cours. Il peut aussi choisir d’être réélu pour une durée de quatre ans. En revanche, des élections sont automatiquement organisées si le mandat du président en exercice s’achève moins de six mois après la réunion du premier CA.
Les derniers présidents élus Au 15 février 2008, trois présidents ont été élus (Axel Khan à Paris 5, Tunon de Lara à Bordeaux 1 et Antoine Aïello en Corse) et deux présidents confirmés (Dulbecco à Clermont 1 et Godard à Marne-la-Vallée).

Propos recueillis par Céline Manceau | Publié le