Recherche en management : un impact (trop) limité sur les managers

Cécile Peltier Publié le
Recherche en management : un impact (trop) limité sur les managers
61% des managers interrogés déclare ne pas être informée des recherches récentes en management. // ©  Plainpicture/Westend61/zerocreatives
Si ce n'est quelques souvenirs d'études, une majorité des managers interrogés par la FNEGE ne connaissent pas les résultats récents de la recherche en management. Michel Kalika, professeur de management affilié à l'IAE Lyon, président du Business Science Institute et coordonnateur de cette enquête sur l'impact de la recherche, présentée le 26 mai 2016 à l'occasion des États généraux du management à Toulouse, plaide pour une meilleure communication.

Michel Kalika, professeur de management affilié à l'IAE Lyon, président du Business Science Institute.C'est la première fois que la Fnege conduit une étude sur l'impact de la recherche en management. Pourquoi maintenant ?

En effet, c'est la première fois que la Fnege mène une enquête de cette ampleur sur l'impact perçu de la recherche en management sur les managers. J'y vois deux raisons principales.

La recherche en management a changé d'ère. Après quatre décennies d'un développement quantitatif et qualitatif, elle a aujourd'hui atteint son âge de raison. La question n'est plus celle de la production, mais celle de sa diffusion auprès des managers.

La seconde raison est liée au fait que les établissements d'enseignement supérieur sont de plus en plus sollicités par les parties prenantes – accréditeurs, classeurs, collectivités, entreprises, etc. – qui leur demandent de justifier leur existence et leur contribution à la société. Et naturellement, de l'impact de leur recherche, dans laquelle ils ont beaucoup investi ces quinze dernières années.

Quels sont les principaux enseignements de cette enquête ?

On constate tout d'abord que la recherche en management est dominée par les chercheurs anglo-saxons. Parmi les 50 noms cités par les 1.557 managers interrogés, on trouve seulement douze auteurs français (Thomas Piketty, Jean Tirole...) et le trio de tête est anglo-saxon.

Secundo, une majorité (61%) des managers interrogés déclare ne pas être informée des recherches récentes en management. Et un tiers d'entre eux a l'impression qu'elle a un impact limité – même si des différences minimes subsistent en fonction de l'établissement d'origine.

Les plus dubitatifs viennent des ESC ; les diplômés des IAE sont plus partagés et les plus convaincus de son utilité sont des produits de l'université ou des écoles d'ingénieurs. On trouve aussi parmi eux des managers plus âgés ou ayant atteint des fonctions de direction.

Le troisième grand enseignement de cette étude porte sur la diffusion de la recherche en management. De manière assez surprenante, le livre (manuel ou ouvrage grand public) s'impose après Internet, et avant les revues, comme le premier canal d'information. Autant de constats qui plaident, selon moi, pour une meilleure communication de la recherche en management.

Comment faire pour améliorer cet impact ?

La réponse passe par une meilleure communication des établissements (universités, IAE, ESC...) à travers des blogs, des newsletters, des ouvrages, des vidéos, mais aussi par une double évaluation des recherches, pas seulement académique mais aussi managériale et sociétale.

À la manière du Business School Impact System, qui mesure l'impact d'une école sur un territoire donné, on pourrait évaluer l'impact des recherches sur les managers à travers des critères du type : "Les résultats de ces recherches ont-ils été présentés aux managers du territoire ? Ces managers ont-ils été impliqués dans la définition des sujets de recherche ? Et dans leur réalisation ? Quand un article de recherche est publié fait-on une vidéo de quelques secondes présentant les résultats ?"...

Une partie des institutions commencent à s'intéresser à ces aspects, mais la démarche doit être systématisée.

Les chercheurs sont-ils prêts à faire ce travail ? Et les entreprises seront-elles réceptives ?

Quand vous regardez le chemin parcours par la recherche en management ces vingt dernières années, la question ne se pose pas ! Si les cadres existent, les chercheurs s'y mettront. De même que les managers s'empareront des canaux de communication s'ils existent. Nous avons nous-mêmes été surpris du bon taux de réponse à cette enquête !

Méthodologie de l'enquête
Sur les 87 établissements d'enseignement supérieur contactés par la FNEGE, 48 ont répondu positivement et transmis le questionnaire de l'enquête à leurs diplômés par l'intermédiaire de leurs associations d'anciens.
1.557 managers ont accepté de répondre au questionnaire en ligne. L'âge moyen des répondants est de 40 ans, 22% ont moins de 30 ans, plus de 55% ont entre 30 et 50 ans. Les deux tiers sont des hommes. 52% sortent d'une ESC, 29,9% d'un IAE-Université, et 18,1% d'un autre type d'établissement (ingénieurs, etc.). Un quart (25,5%) occupe des fonctions de direction, 26,1% un poste opérationnel, 25,7% de management et 22,7% d'expertise.
Cécile Peltier | Publié le