Pascale Martin Saint-Étienne, directrice des mastères spécialisés à l'ESCP Europe : "Il faut savoir ne pas plaire à tout le monde"

Propos recueillis par Séverine Tavennec Publié le
Pascale Martin Saint-Étienne, directrice des mastères spécialisés à l'ESCP Europe : "Il faut savoir ne pas plaire à tout le monde"
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Embauchée en 1989 pour gérer la communication de l'ESCP, puis de l'ESCP-EAP, Pascale Martin Saint-Étienne dirige depuis huit ans les programmes mastères spécialisés de cette école. Retour sur le parcours de cette professionnelle rigoureuse, fidèle à l'ESCP Europe et à son équipe. Nouveau volet de notre série "Les entrepreneurs pédagogiques".

Vous avez intégré l'ESCP en 1989 pour gérer la communication de l'établissement. Quel métier exerciez-vous alors ?

J'évoluais dans le secteur de la presse écrite. Je travaillais à cette époque au Nouvel Économiste où j'ai entre autres participé à monter des enquêtes axées sur des problématiques de management qui m'ont fort logiquement amenée à rencontrer des directeurs de grandes écoles, dont l'ESCP. Le directeur de l'époque, Jacques Perrin, m'a informé un jour qu'un poste de communication au sein de son établissement était libre et me l'a proposé. J'ai accepté son offre dans un entretien qui a duré moins de vingt minutes : l'univers m'attirait et Jacques Perrin était doté d'un charisme certain.

J'ai ainsi intégré l'ESCP en juin 1989 (le jour de mes 29 ans !) en tant que responsable de la communication du programme grande école, puis, en 1990, j'ai hérité de la communication du groupe qui comptait aussi les MS (mastères spécialisés), la formation continue et un an plus tard l'Executive MBA.

Quels sont les principaux événements que vous avez dû accompagner ?

J'en citerai trois qui m'ont particulièrement marquée : en 1992, le lancement de l'Executive MBA, premier du genre lancé en France. Puis en 1994, nous avons fêté les 175 ans de l'ESCP. Nous avons notamment organisé, en collaboration avec l'ANPE, une grande opération qui a bien marché. Intitulée « 175 au cube », elle avait pour objectif de réunir 175 étudiants de l'établissement, 175 anciens élèves en poste et 175 jeunes chômeurs afin de remettre ces derniers en selle et leur proposer une batterie de formations. La diversité et la responsabilité sociales étaient (déjà) portées par Véronique de Chantérac, à l'époque directrice du groupe. J'ai aussi bien sûr vécu, en 1999, la fusion de l'ESCP et de l'EAP. C'était fort intéressant d'assister à la fusion de ces deux établissements de cultures très différentes. Un an de réunions, de travaux de commissions pour faire naître ESCP-EAP European School of Management. La fusion a donné lieu à la nomination d'un nouveau directeur : Jean-Louis Scaringella. Je lui ai dit mon envie de changer de fonction et de prendre une direction de programmes... qu'il m'a confiée deux ans plus tard.

Vous prenez ainsi la direction des programmes MS. Quelle volonté pédagogique vous animait alors ?

Cela m'intéressait de coordonner ces programmes qui permettent beaucoup d'innovations. C'est un travail collectif qui mobilise des professeurs et des équipes administratives et bien sûr des étudiants. L'avantage de ces programmes est qu'ils constituent de véritables espaces de créativité pédagogique en matière de spécialités. Nous disposons d'une belle liberté pour apporter des innovations dans une logique professionnelle, liée au marché de l'emploi. Aujourd'hui, nos MS attirent de plus en plus de candidats issus de parcours très différents.

Les mastères spécialisés constituent de véritables espaces de créativité pédagogique en matière de spécialités

Cela fait maintenant huit ans que vous occupez cette fonction. À quels types de difficultés avez-vous dû faire face ?

C'est un poste extrêmement vivant qui nécessite un excellent relationnel. Il faut réellement avoir le goût des autres, être "dans l'air du temps", créatif, aimer l'innovation. Il faut aussi être un bon manager, animer une équipe, impulser les changements, être soucieux des équilibres budgétaires, savoir prendre des décisions tranchées parfois impopulaires.

Toujours est-il que j'aime cette fonction car la routine n'y existe pas. Ce que vous faites aujourd'hui s'inscrit dans le temps, dans la durée. Songez que sur 15 MS proposés aujourd'hui, 8 l'ont été dans les années 1987-1998  au tout début de la création du label de la Conférence des grandes écoles. Ces formations ont constamment évolué.

Quel a été l'impact de la crise sur les mastères spécialisés ?

Les entreprises ont gelé une partie de leurs recrutements/offres d'emploi.  Nous en avons donc moins eu, mais, en revanche, une pléthore d'offres de stages. Et l'étudiant n'est pas voué à être éternellement un stagiaire. Nous avons ainsi dû gérer cette période un peu difficile au cas par cas. 

Nous avons également diminué nos objectifs en termes de recrutements d'étudiants. Pour le MS finance par exemple, nous avons réduit volontairement la promotion : nous sommes passés de 66 étudiants l'an dernier à 46 étudiants cette année. Nous avons cette possibilité de moduler nos programmes et nos recrutements en fonction du marché.

Revoyez-vous régulièrement votre copie ?

La Conférence des grandes écoles n'accrédite les MS que pour trois ans, à l'issue desquels chaque programme est réexaminé. À l'ESCP Europe, nous avons une proximité très forte avec les entreprises, des relations multiformes. Et c'est avec elles que nous veillons à ce que chaque programme soit en adéquation avec les besoins du marché. Dans le cas contraire, nous revoyons notre copie : nous pouvons être conduits à supprimer un programme ou à le faire évoluer. Le succès est à ce prix.

Propos recueillis par Séverine Tavennec | Publié le