Patrick Le Floch (directeur de Sciences po Rennes) : "Il y a une recomposition de l’enseignement supérieur, et nous devons être offensifs"

Propos recueillis par Camille Stromboni Publié le
En parallèle du réseau des 6 IEP (Aix, Lille, Lyon, Rennes, Strasbourg, Toulouse), Patrick Le Floch, directeur de Sciences po Rennes, développe une autre stratégie pour son école : l’ancrage territorial dans le Grand Ouest.Deux projets d'antennes, où serait délocalisée la quasi-totalité du cursus de l’IEP, ont été annoncés : l’un à Caen, avec une spécialisation sur les énergies renouvelables en master, l’autre à Nantes, sur les industries créatives. L'une va naître à la rentrée 2012, l'autre a été abandonnée. Patrick Le Floch nous explique les raisons de l'échec nantais, et revient sur sa stratégie d'expansion dans le Grand Ouest.

Pourquoi votre projet d’antenne à Nantes a-t-il échoué ?
L'explication est simple. A Caen, les collectivités territoriales [ville et Région] nous soutiennent, à Nantes ce n'est pas le cas. La Région a même demandé au président de l’université de Nantes de revenir sur le protocole d’accord que nous avions signé avec lui fin 2010 à ce sujet. Ce que l’université a fait en mars 2011.

Pour monter un dossier d’ampleur comme celui-là, qui concerne trois années d’études délocalisées sur une antenne [années 2-4-5, la troisième année se déroulant à l’étranger], il faut absolument que les collectivités soient dans la boucle.

La spécialisation sur les industries créatives qui devait être proposée à Nantes est-elle de ce fait abandonnée ?
Non. Nous devrions bientôt récupérer des mètres carrés supplémentaires à l’IEP, ce qui nous permettrait d’envisager la création de cette filière en quatrième et cinquième année ici, dans un horizon de trois ans. La mairie de Rennes semble intéressée. Nous pourrions travailler notamment avec l’université Rennes 2 et l’ENS.

Il n’est pas toujours évident de travailler avec une autre région. Avec les Pays de la Loire, et précisément le département de la Loire-Atlantique encore plus ?
Avec la Basse Normandie, c’était très facile, d’autant que des accords existent déjà entre les deux Régions. Avec Nantes… nous avons une rivalité politique et historique. Pourtant nos régions ont tout intérêt à collaborer, il faut absolument dépasser cette relation concurrentielle.

Mais je ne laisse pas tomber. Nous sommes juste obligés de nous donner un peu plus de temps. Il faut que nos partenaires digèrent cet échec, et également celui de l’IDEX .

img complete="true" src="/static/uploads/tp3/rte/RTEmagicC_Rennes_Janvier2012.jpg.jpg" style="padding: 8px; width: 200px; float: right; height: 134px;" title="Sciences-po-Rennes-Cour-d'honneur-" alt="" />Est-ce difficile de collaborer avec les universités ?
Il est effectivement compliqué de négocier avec les universités : elles ont toujours peur, si un projet extérieur est lancé, qu’on leur retire les moyens dédiés au projet. Mais avec ces projets pluridisciplinaires et innovants, qui répondent à de vrais besoins, la difficulté est dépassée, tous les acteurs sont intéressés.

Pourquoi ce choix de délocaliser des formations ?
Pour une raison très simple tout d’abord : nous n’avons plus de place ici, et il faut répondre à la très forte demande venant de nos trois régions [Bretagne – Basse-Normandie – Pays de la Loire]. Un exemple : nous avons intégré 18 étudiants via notre procédure d’entrée sur mention TB… pour 600 candidats, venant à 99% du Grand Ouest. Nous avons d’excellents bacheliers, il faut les garder !

Ensuite, il s’agit de fédérer les acteurs des trois territoires : les universités, les écoles, les collectivités territoriales et les entreprises, grâce à un projet conséquent, qui dépasse les simples accords sur un master. Il y a en effet une recomposition du paysage de l’enseignement supérieur, et nous devons être offensif. L’IEP restera un petit établissement, mais il nous faut une force suffisante pour rayonner sur le territoire.

Je pense en outre que nous allons assister à un mouvement de relocalisation de l’activité économique : il faut être capable de répondre aux besoins locaux, en se positionnant ensemble sur des secteurs très dynamiques.

Prenez-vous pour modèle Sciences po Paris, et ses campus en région ?
Pas du tout. Ce n’est absolument pas la même chose. L’IEP parisien délocalise uniquement son premier cycle. De notre côté, hormis la première année d’étude, nous délocalisons entièrement notre cursus, avec pour objectif d’être en phase avec le territoire concerné. En l’occurrence à Caen, le secteur des énergies est incontournable, avec un grand laboratoire de recherche, et un réseau d’entreprises important.

Une antenne à Caen à la rentrée 2012

L’antenne de l’IEP de Rennes à Caen ouvrira ses portes à la rentrée 2012 à une première classe de 20 élèves en deuxième année de l’institut. Après une première année à l’IEP de Rennes, ces étudiants suivront les quatre années suivantes (dont une à l’étranger) à Caen, avec une spécialité de master sur les énergies renouvelables. A terme, l’antenne comptera entre 120 et 150 étudiants (deux groupes d’environ 20 étudiants, sur trois années d’études).

La maquette est en cours d’élaboration, les professeurs mobilisés sur ce cursus seront ceux de l’IEP et de l’université de Caen. Enfin côté financements, l’IEP négocie actuellement avec les collectivités territoriales [la ville de Caen et la Région], et espère convaincre des entreprises, et trouver un soutien de l’Etat via la DGF (dotation globale de fonctionnement) de l’établissement. Le projet est évalué par le directeur à 200.000 à 300.000€.

Lire aussi : la biographie de Patrick Le Floch

Suivez toute l'actualité de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le compte Twitter d'Educpros et la page Facebook d'Educpros .

Propos recueillis par Camille Stromboni | Publié le