Patrick Pouyanné (Total) : "Il faut ouvrir nos élèves ingénieurs à d'autres univers"

De notre correspondant dans le Sud, Guillaume Mollaret Publié le
Patrick Pouyanné (Total) : "Il faut ouvrir nos élèves ingénieurs à d'autres univers"
Patrick Pouyanné dirige le groupe Total depuis le 22 octobre 2014 // ©  Pascal Sittler / R.E.A
Patron de Total mais aussi président du conseil d'administration des Mines d'Alès, Patrick Pouyanné donne à EducPros sa vision de l'évolution des formations d'ingénieurs, en marge d'une rencontre avec l'association d'entreprises "Leader Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées".

Vous dirigez le quatrième groupe pétrolier mondial. Quel est votre regard sur "l'ingénieur à la française" et qui recrutez-vous aujourd'hui ?

Je ne vais certainement pas me plaindre de l'éducation française, étant donné que l'on y trouve tous les talents que l'on veut ! La France a pour caractéristique de former principalement des ingénieurs généralistes. La vérité, c'est qu'au final, ce sont les entreprises qui achèvent cette formation.

D'ailleurs, je ne sais pas s'il faut vraiment former des spécialistes. Je n'en suis pas totalement convaincu. Dans un groupe comme le nôtre, il y a de nombreuses professions et il serait difficile de demander à une école de former à tel ou tel métier.

Bizarrement, Total recrute peu en R&D. Nous sommes d'ailleurs en train de voir comment nous pouvons y remédier. D'une manière générale, nous avons beaucoup ouvert notre recrutement.

Il y avait une tendance à regarder vers les écoles d'élite, et nous nous sommes rendu compte que c'était une erreur d'un point de vue sociologique. Il y a un intérêt à avoir des ingénieurs provenant d'un spectre d'écoles plus large.

Comment jugez-vous les collaborations, voire les rapprochements entre écoles d'ingénieurs, ou entre écoles d'ingénieurs et universités ?

Il est important de trouver des ancrages territoriaux qui fonctionnent. Prenons un exemple que je connais. L'avantage de l'École des mines d'Alès, et des Écoles des mines en général, est qu'elles sont des vecteurs du développement économique local.

En parallèle, il est également bon de voir que des métropoles se développent. Alès et Montpellier ne sont pas très loin l'une de l'autre, et l'on ne peut qu'appuyer des collaborations entre des écoles comme les Mines d'Alès et Chimie Montpellier.

Les Mines de Nantes et Télécom Bretagne sont en train de fusionner... Au final, les étudiants auront des ouvertures plus larges et les entreprises locales des institutions plus solides. Derrière ces partenariats, il y a l'idée de tirer les choses vers le haut. Les gens doivent se connaître et apprendre à travailler ensemble. C'est ce que nous faisons dans les entreprises. Cela doit être également le cas dans le domaine éducatif.

La vie ne se met pas en équation.

L'École des mines d'Alès forme des ingénieurs en apprentissage. Quelle doit être la place de l'apprentissage dans les écoles d'ingénieurs ?

Il est important de garder en province un tissu d'écoles dense, qui puisse irriguer le marché des PME. C'est pour cela qu'il faut développer l'alternance. Je suis un fervent promoteur de l'apprentissage, y compris dans les plus grandes écoles.

L'apprentissage, c'est la voie professionnalisante par excellence. C'est le message qu'il faut faire passer aux parents. Mais il ne portera que si les grands patrons le disent et que si les grandes institutions l'appliquent. Les institutions publiques doivent les y encourager.

Que faudrait-il changer à la formation actuelle pour préparer aux métiers d'ingénieurs de demain ?

Il faut ouvrir nos élèves ingénieurs à d'autres univers. Dans une entreprise, la vie n'est pas faite que de sciences. Bien entendu, nous avons besoin de connaissances scientifiques et techniques, mais il y a d'autres domaines très importants, comme la maîtrise des langues, en particulier de l'anglais, qui est primordial, la gestion des relations interpersonnelles, la sociologie, l'économie... Des matières qui, en somme, amènent les ingénieurs à comprendre que la vie ne se met pas en équation.

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