Paul Jacquet : « La Cdéfi sera vigilante sur toute évolution de la CTI »

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier Publié le
Paul Jacquet : « La Cdéfi sera vigilante sur toute évolution de la CTI »
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Après 74 ans d’existence, la CTI (Commission des titres d'ingénieurs) est à un tournant de son histoire. Un audit externe réalisé en vue de l’accréditation européenne de l’ENQA a révélé le manque d’indépendance et de moyens de la Commission, tout en soulignant la qualité de son travail d’habilitation. Une évaluation qui pourrait bien remettre en cause l’adhésion de la CTI à l’ENQA. Dans le même temps, la Commission négocie les modalités de coopération avec l’AERES, l'Agence d’évaluation française. Dans ce contexte, la Cdéfi (Conférence des directeurs d’écoles françaises d’ingénieurs) soutient fermement la volonté d’indépendance de la CTI et se déclare vigilante sur son évolution. Paul Jacquet, son président, s’en explique.

Les écoles d’ingénieurs semblent s’inquiéter du rapprochement de la CTI et de l’AERES. Pourquoi ?

Si le niveau des ingénieurs français est ce qu’il est aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à la CTI. Les écoles d’ingénieurs en sont bien conscientes. Malgré ses imperfections, son manque de réactivité entre autres, les écoles sont attachées à cette Commission. Elle est pour une grande part garante de l’identité des formations d’ingénieurs à la française. C’est pourquoi des craintes s’expriment.  

Mais la CTI est-elle en danger aujourd’hui ?

La CTI est d’une grande modernité, alors même que ses statuts datent de 1934. Sa composition paritaire d’académiques et de professionnels, de représentants syndicaux et patronaux, la rende exemplaire. Elle est aujourd’hui maîtresse de sa doctrine, de ses critères et de ses procédures. Si dans le processus de rapprochement engagé avec l’AERES, la CTI devait perdre cette force, alors elle serait en danger. Mais aujourd’hui, une fusion qui ferait disparaître la CTI ne semble pas à l’ordre du jour.  

Est-ce à dire que le rapprochement avec l’AERES doit être stoppé ?

Ce ne serait pas raisonnable. L’AERES existe aujourd’hui. One ne peut pas imaginer que les deux structures vivent côte à côte sans aucun lien. La CTI doit s’appuyer sur la logistique de l’AERES, tout en conservant tout ce qui forge son identité. La Cdéfi sera extrêmement vigilante aux modalités de partenariat entre les deux institutions. La formation d’ingénieurs est spécifique dans le paysage de l’enseignement supérieur français. Son habilitation doit aussi rester spécifique.  

Ce rapprochement pose la question des rythmes d’évaluation. Aujourd’hui, l’AERES audite les établissements tous les quatre ans et la CTI tous les six ans maximum. Ne devrait-il pas y avoir à terme des convergences ?

Cela fait partie des questions à trancher. Si les contrats quadriennaux se maintiennent, pourquoi ne pas imaginer une habilitation « lourde » des écoles tous les huit ans par la CTI et un audit plus léger à mi-parcours ?  

Soutenez-vous aussi la CTI dans sa démarche d’accréditation européenne ?

C’est tout à fait légitime et nous encourageons fortement la CTI à poursuivre dans cette voie. Dans la concurrence effrénée que se livrent les établissements au niveau mondial pour attirer les meilleurs étudiants, une accréditation européenne de la CTI rejaillira forcément sur toutes les écoles françaises. L’audit externe réalisé aujourd’hui par l’ENQA préconise une labellisation sur un temps restreint. Un temps qui serait mis à profit pour résoudre les deux principaux problèmes de la CTI : son manque d’indépendance et son manque de moyens. Une décision de ce type irait dans le bon sens. Il ne faut pas oublier que, pour le reste, l’audit juge très satisfaisant le travail accompli par la Commission.  

La mise en place de l’AERES pose aussi la question de l’évaluation des masters dit « Duby », les masters professionnels des écoles d’ingénieurs ?

Si la commission présidée par Jean-Jacques Duby a vocation à disparaître, ces masters qui s’adressent aux étudiants étrangers ou aux français en formation continue ont  prouvé leur utilité et vont perdurer. Cette commission, là encore paritaire, avait l’avantage d’être très réactive et d’évaluer les dossiers au fil de l’eau. L’AERES devra désormais se charger de l’habilitation de ces masters. Elle pourrait procéder en deux temps : une check-list de critères à remplir pour avoir le feu vert d’ouvrir la formation et une habilitation a posteriori  au moment de l’évaluation de l’établissement. Reste à savoir comment l’AERES inclura des représentants du monde économique dans ses procédures d’évaluation.  

Propos recueillis par Sylvie Lecherbonnier | Publié le