Pierre Tapie : "Les grandes écoles et universités françaises ont un coup à jouer en Afrique et en Asie"

Laura Makary - Mis à jour le
Pierre Tapie : "Les grandes écoles et universités françaises ont un coup à jouer en Afrique et en Asie"
D'après Pierre Tapie, le nombre d'étudiants dans le monde pourrait progresser de 30 % d'ici 2030. // ©  Nicolas TAVERNIER/REA
D'ici à 2030, le monde comptera jusqu'à 80 millions d'étudiants supplémentaires, avec de fortes hausses localisées en Afrique et en Asie. C'est le résultat d'une analyse démographique menée par le cabinet Paxter, qui dévoilera les détails de l'étude en janvier 2018. Pierre Tapie, fondateur du cabinet, en donne les chiffres clefs et quelques interprétations.

Quels sont les principaux enseignements à retenir de votre analyse statistique ?

Tout d'abord, il est utile de préciser que cette analyse porte sur la démographie étudiante de 66 pays du monde. Nous avons analysé la corrélation entre croissance économique et taux d'accès des jeunes à l'enseignement supérieur, ce qui nous permet de proposer une prédiction de la démographie étudiante d'ici à 2030.

Le premier chiffre à retenir est que la croissance des effectifs mondiaux étudiants sera de 30 % entre 2013 et 2030. De 200 millions aujourd'hui, ils passeront ainsi à 280 millions. L'évolution sera variée selon les zones du monde : les effectifs en Europe resteront stables, ils diminueront faiblement en Amérique du Nord et augmenteront en Amérique du Sud. Le Moyen-Orient verra son nombre d'étudiants augmenter de plus d'un tiers, ce qui est considérable. Mais les plus grosses hausses se concentreront en Asie, qui accueillera 50 millions d'étudiants supplémentaires, et l'Afrique, qui va exploser avec 22 millions d'inscrits en plus dans l'enseignement supérieur.

Répartition des étudiants dans le monde en 2013 et prévision en 2030, selon l'analyse de Paxter :

Vous avez présenté un extrait de cette analyse au colloque de la CGE (Conférence des grandes écoles), début octobre 2017. Quelles opportunités les établissements d'enseignement supérieur français peuvent-ils tirer de cette évolution démographique ?

Les grandes écoles, que ce soit d'ingénieurs, de management ou autres, ont clairement un coup à jouer en Afrique et en Asie dans les années à venir. Mais c'est aussi le cas de l'ensemble des acteurs liés à la formation professionnalisante, comme les universités, via les IUT, ou leurs facultés de droit et de médecine. Dans des pays tels que l'Égypte ou l'Algérie, les universités délivrent un enseignement trop théorique et le taux d'emploi en sortie est mauvais... au point d'être parfois moins bon que celui des non-diplômés : quand les jeunes sortent de l'université, ils n'acceptent plus le même type d'emplois, ce qui peut créer des frustrations.

En Afrique comme en Asie, il existe une grande demande de main-d'œuvre bien formée. Ainsi, pour tous les acteurs du supérieur proposant des formations professionnalisantes, il y a une véritable opportunité qui se dessine à l'international. La compétence de la France à former des jeunes aux sciences exactes, comme dans les écoles d'ingénieurs, mais aussi à les rendre capables d'assumer rapidement des responsabilités de management, est reconnue dans le monde. La France dispose, de plus, d'un excellent rapport qualité-prix dans son enseignement supérieur. Cela nous offre une véritable opportunité pour exporter nos formations.

La France dispose d'un excellent rapport qualité-prix dans son enseignement supérieur. Cela nous offre une véritable opportunité pour exporter nos formations.

Dans quels pays existe-t-il, selon vous, le plus d'opportunités pour les établissements français ?

Bien entendu, la situation diffère entre chaque pays, notamment en Afrique. En Asie, que ce soit en Malaisie ou en Thaïlande, par exemple, les acteurs se sont déjà emparés du marché. Ces deux pays ont connu une accélération de la demande en matière d'enseignement supérieur depuis 10-15 ans. En revanche, les Philippines, l'Inde ou le Pakistan, vont connaître de grandes explosions démographiques étudiantes. Quant à l'Afrique, les deux géants seront bien sûr le Nigéria et l'Éthiopie. 

Il faut bien voir que les opportunités sont à apprécier selon les besoins et la croissance de chaque pays. En Algérie et au Maroc, la demande est significative, d'autant que ce sont des pays francophones et nos établissements y sont déjà connus. Mais leur croissance sera bien inférieure à celle de pays comme le Kenya, le Mozambique, la Tanzanie. De plus, dans les pays historiquement liés par la colonisation à la France, l'organisation de l'enseignement supérieur, est souvent calquée sur notre modèle, avec de grandes universités gratuites, qui accueille un grand nombre d'étudiants.

En Afrique anglophone, au contraire, le raisonnement est différent. La bourgeoisie moyenne est plus disposée à payer pour une formation de qualité, assurant un emploi à ses enfants. Lorsqu'elle est prête à envoyer ses jeunes dans des universités australiennes pour 30.000 euros l'année, une formation professionalisante venant de France et proposée à 6.000 ou 8.000 euros, comme nous sommes capables d'en proposer, peuvent être perçues comme des opportunités par les populations locales. Les établissements français disposent donc de tous les atouts pour y conquérir des parts de marché.

Conférence EducPros sur l'Afrique le 16 février 2018
Vendredi 16 février 2018, la conférence EducPros sera consacrée au développement de l'enseignement supérieur français en Afrique. État des lieux de l'écosystème local, zoom sur des initiatives menées par les acteurs du secteur, perspective de développement... Autant de thèmes qui seront au programme de cette journée.

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