Pierre Tapie (président de la CGE) : « La circulaire sur l’immigration professionnelle met en péril l’attractivité de la France »

Propos recueillis par Marie-Anne Nourry Publié le
En réaction à la circulaire du 31 mai 2011, qui durcit les conditions d’embauche de main-d’œuvre immigrée, Pierre Tapie, le président de la CGE (Conférence des grandes écoles), a demandé fin août aux directeurs des grandes écoles de recenser les cas d’étudiants se voyant refuser la possibilité de rester en France pour débuter leur vie active. Un mois après, son constat est alarmant.

Combien de cas d’étudiants étrangers empêchés de poursuivre leur formation par un premier poste en France avez-vous recensés depuis la rentrée ?
Des dizaines de cas sont remontés à nous, aussi bien dans des écoles d’ingénieurs que dans des écoles de commerce, et notamment les plus prestigieuses : École polytechnique, École des Ponts ParisTech, ESTP, ESSEC ou encore HEC. Les nationalités concernées sont diverses et proportionnelles à celles que nous accueillons dans nos écoles, principalement marocaines, chinoises et indiennes. À titre d’exemple, un jeune Indien diplômé de l’École des ponts ParisTech qui allait être recruté par une grande entreprise de BTP, ayant des budgets importants en Inde, s’est vu refuser son embauche au dernier moment, sous prétexte que le secteur est en tension. Un argument peu convaincant pour un poste aussi stratégique.

La situation a-t-elle empiré à la rentrée ?
L’effet de la circulaire du 31 mai a été immédiat. Désormais, toute demande de titre de séjour professionnel fait l’objet d’un contrôle approfondi, ce qui restreint considérablement l’interprétation administrative. Et les risques sont doubles : non seulement les jeunes étrangers récemment diplômés ne peuvent pas travailler en France, mais les étudiants étrangers qui réfléchissent en ce moment même à l’endroit où ils vont suivre leurs études reçoivent un message très négatif de la France. Les conséquences sur l’économie et sur l’enseignement supérieur n’ont pas été prises en compte dans cette circulaire, qui met clairement en péril l’attractivité et la réputation de la France. Les étudiants étrangers talentueux auront-ils toujours envie de se former en France ? Au temps des réseaux sociaux, je crains que l’impact soit désastreux.

Que préconisez-vous ?
Un nouveau texte interministériel doit être rédigé et signé par le ministre du Travail, le ministre de l’Intérieur, le ministre de l’Économie et le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche [la circulaire du 31 mai n’avait été signée que par le ministre du Travail et le ministre de l’Intérieur, NDLR]. Pas pour désavouer la circulaire sur l’immigration professionnelle, mais pour clarifier les conditions d’accès à l’emploi des jeunes étrangers.

L’enseignement supérieur se mobilise contre la circulaire Guéant
Valérie Pécresse, qui avait fixé l'objectif de deux tiers d'étudiants étrangers en master et en doctorat d'ici 2015, alors qu’elle était ministre de l'Enseignement supérieur, a réagi dans un courrier adressé le 26 septembre à Claude Guéant. Selon l’AFP, elle fait référence à « l'application qui semble faite de la circulaire du 31 mai » aux « étudiants étrangers non ressortissants de l'UE et diplômés de grandes écoles françaises qui souhaitent travailler dans notre pays », et qui se voient délivrer un refus d'autorisation. « Ce qui devrait être en droit l'exception, serait donc en train de devenir la règle », a-t-elle écrit.
Dernière réaction en date, des étudiants étrangers récemment diplômés de grandes écoles se sont réunis au sein du « collectif 31 mai ». Le lundi 3 octobre 2011, ils ont réclamé « le retrait » de la circulaire sur l’immigration professionnelle, qui a pour effet de les empêcher de travailler en France et de les menacer d'expulsion.

Propos recueillis par Marie-Anne Nourry | Publié le