Exclusif. Jean-Loup Salzmann : "Je réfute tout clientélisme à l'université Paris 13"

Camille Stromboni, Morgane Taquet - Mis à jour le
Exclusif. Jean-Loup Salzmann : "Je réfute tout clientélisme à l'université Paris 13"
Jean-Loup Salzmann est mis en cause dans un article su Médiapart. // ©  Camille Stromboni
Favoritisme, clientélisme… Mediapart dresse un portrait à charge du président de l'université Paris 13, à la tête de la CPU, au moment où le rapport sévère sur la gestion de l’IUT de Saint-Denis est rendu public. Interrogé par EducPros, Jean-Loup Salzmann réfute en bloc.

Dans un article de Mediapart publié le 10 juin 2015 [Le “vice-ministre” des universités entre en zone de turbulences], d’importantes accusations sont portées à votre encontre sur la mise en place d’un système clientéliste dans votre université, Paris 13…

C’est un article totalement à charge, on peut même dire un tas de ragots. Les nombreuses accusations ne sont ni étayées, ni documentées. Je réfute l’idée qu’il y ait un système clientéliste à Paris 13, c’est totalement faux.

Mediapart détaille pourtant un ensemble de faveurs accordées à ceux qui vous auraient soutenu pour accéder à la présidence de Paris 13, avec des primes qui auraient explosé après votre arrivée…

Tout d’abord, quand une équipe remporte les élections à la tête d’une université, c’est bien sûr elle qui occupe ensuite les postes de vice-présidence.

Ensuite, oui, j’ai doublé les primes des personnels Biatss de l’université, qui étaient très faibles. J’insiste : de l’ensemble des personnels Biatss, pas de certains plutôt que d’autres. C’est ce que permettaient les RCE [Responsabilités et compétences élargies]. Je ne vois pas où sont les faveurs.

Mediapart évoque le "pouvoir colossal" des présidents d’université de faire ou défaire les carrières, que vous auriez utilisé à votre avantage. En promettant des postes en campagne, en changeant l’ordre des noms lors des procédures de recrutement des enseignants, ou en promouvant des personnels dont le dossier serait pourtant vide…

C’est vraiment méconnaître le fonctionnement de l’université, aucun universitaire ne peut croire ça, cela n’a aucun sens. Encore une fois, ce n’est ni sourcé, ni documenté. Ce n’est pas le président qui fait les promotions, mais le CNU [Conseil national des universités] et le conseil d’administration. C’est totalement méprisant.

D’autre part, je mets qui que ce soit au défi de montrer qu’une promotion a eu lieu à Paris 13 avec un "dossier vide". De telles affirmations sont scandaleuses.

Quant à dire que je changerais l’ordre des noms dans les processus de recrutement : en sept ans, c’est arrivé une seule fois !

Les accords électoraux que j’ai pris avec les étudiants, tout comme avec les enseignants et les Biatss, n’avaient rien de secret. Ils ont tous été mis en ligne avant mon élection.

Pour obtenir le vote déterminant du représentant Unsa, Thierry Grumelart, lors de l'élection de 2012, vous lui auriez offert ensuite des avantages, alors qu’il n’aurait pas les diplômes, mais surtout la possibilité de déclarer 798 heures de cours, au lieu du service de 192 heures d’un enseignant-chercheur…

Il faut tout d’abord préciser qu’il s’agit d’un personnel Biatss [administratif]. Il donne des cours depuis 10 ans, il a passé pour cela un accord avec son UFR [unité de formation et de recherche]. L’étonnement de Mediapart sur les "798 heures", mises en parallèle avec les 192 heures d’un enseignant-chercheur, n’a donc aucun sens. Nous utilisons un logiciel interne qui convertit les heures de cours en heures de service correspondantes pour un personnel Biatss.

Mais surtout, sous-entendre que cela lui permettrait de toucher une "très confortable rémunération" me laisse sans voix. Il n’y a aucun rapport entre la rémunération et ce nombre d’heures, qui est identique, qu'il effectue des cours ou qu'il remplisse ses fonctions administratives.

Ensuite, le fait qu’un personnel Biatss soit directeur d'études n’a rien d’original, ils sont plusieurs chez nous dans ce cas.

Paris 13 Nord - BU Droit-Lettres, Sciences Jean Dausset  © Myr Muratet  - avril 2010

Pour vous attirer cette fois-ci les faveurs de l'Unef, vous auriez en contrepartie promis d’orienter le FSDIE [Fonds de solidarité et de développement des Initiatives étudiantes] dans leur sens ?

Ce n'est pas moi qui siège pour le FSDIE, mais des représentants issus de la commission Formation [ex-Cevu], l’agent comptable et des personnalités extérieures. Mon seul engagement sur ce sujet a porté sur les critères d’attribution : pour une plus grande ouverture de ce fonds vers les étudiants en difficulté sociale.

Quant aux accords électoraux que j’ai pris avec les étudiants, tout comme avec les enseignants et les Biatss, ils n’avaient rien de secret, ils ont tous été mis en ligne avant mon élection, en toute transparence.

Toujours dans cette volonté d’avoir leur soutien, vous auriez favorisé l’entrée en master 2 d’un élu étudiant…

Précisons qu’il s’agit du vice-président étudiant. Il siégeait au Cevu [désormais Commission Formation], et non pas au conseil d’administration, et il a d’ailleurs été élu après mon élection. Sur le fond ensuite, nous avons une charte de l’engagement et en effet nous faisons le plus d’efforts possible pour soutenir ceux qui sont engagés et veulent poursuivre des études en même temps.

Ce jeune homme brillant avait terminé un premier master 2 et souhaitait en suivre un second complémentaire, comme cela arrive souvent. Nous avons demandé à l’équipe pédagogique d’être tolérante avec lui en raison de son engagement, ce que nous faisons toujours. Oui, à compétences égales, nous aidons plus les étudiants salariés ou engagés.

Mediapart revient également sur votre carrière, qui serait plus le fait d’un réseau influent que de compétences : cela commence lorsque vous êtes "bombardé" PU-PH [Professeur des universités - praticien hospitalier]… par décret présidentiel.

Je l’avoue, j’ai été nommé par décret du président de la République. Comme tous les professeurs d’université. Et je l’ai été à 36 ans, soit un âge classique pour arriver à cette fonction.

À ce poste, vous n’exercez pourtant pas vos fonctions hospitalières...

Oui, je n’ai pas mis les pieds à Avicennes… parce que j’exerçais à la Pitié ! Ensuite, quand j’ai pris des fonctions comme directeur du SAIC [Service d'activités industrielles et commerciales], j’ai arrêté l’hôpital. Comme aujourd’hui, en tant que président d’université, je n’exerce plus mes fonctions d’enseignement, de recherche et hospitalière. Il n’y a vraiment rien d’anormal.

IUT de Saint-Denis : le rapport accablant de l'IGAENR
Le rapport de l'IGAENR sur les "dysfonctionnements présumés" à l'IUT de Saint-Denis (Paris 13), dont une synthèse a été rendue publique mercredi 10 juin 2015 par le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, ne fait pas dans la demi-mesure. Il fait suite aux menaces proférées depuis plus d'un an à l'encontre de Samuel Mayol, directeur de l'institut, après avoir révélé de graves dérives au sein du département Techniques de commercialisation.

Annulation de cours, matières fondamentales non enseignées, refus d'enseigner de certains enseignants, les inspecteurs notent des perturbations importantes dans l'organisation des cours et dénonce "la pratique illégale d'une pondération des notes en fonction de l'absentéisme des étudiants" introduite par le directeur du département.

Les sous-services de deux enseignants sont également mis en cause dans le rapport. La mission recommande à l'université "de procéder [...] à des retraits de salaires et de primes indûment versés. Il est en effet démontré qu'il manque 137,5 heures à leur service de l'année 2013-2014". Le montant des heures indues s'élèverait à environ 200.000 euros, selon le Snesup, auquel est syndiqué Samuel Mayol. Dans sa réponse jointe au rapport, Jean-Loup Salzmann assure que ces retraits ont été effectués.

En outre, pour les inspecteurs, l'université doit donner suite aux demandes de sanctions disciplinaires émises par le directeur de l'IUT de Saint-Denis à l'encontre de certains enseignants, notamment pour répondre aux injures et menaces. Une recommandation entendue : les procédures disciplinaires engagées depuis la remise du rapport doivent aboutir d'ici à l'été 2015.

Plus globalement, l'inspection conseille à l'université de professionnaliser ses processus de recensement et de validation des heures complémentaires, de clarifier les compétences des services, notamment en cas d'alertes des composantes, et de conclure un contrat d'objectifs et de moyens pour préciser les règles de gestion partagée avec l'IUT. Sur l'ensemble de ces points, le président indique dans sa réponse à l'inspection, avoir commencé à mettre en place les mesures préconisées.
Camille Stromboni, Morgane Taquet | - Mis à jour le