Richard Descoings (directeur de Sciences Po Paris) : «Sciences po est une université sélective»

Propos recueillis par Sophie de Tarlé Publié le
Richard Descoings (directeur de Sciences Po Paris) : «Sciences po est une université sélective»
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L’inclassable directeur de Sciences po Paris, était l’invité de la rédaction de L’étudiant en cette rentrée 2008. Il a répondu sans tabous à nos questions sur sa vision de l’institut.

Vous comparez depuis quelques temps votre institut à une « université sélective ». Vous souhaitez vous éloigner du modèle « grande école » qui prévalait à votre arrivée ?

Cela n’aurait pas eu de sens d’évoquer à l’époque ce modèle « d’université sélective ». Avant d’en arriver à cette notion, il fallait faire évoluer les mentalités. Ce fut l’objet de plusieurs évolutions, qui rendent aujourd’hui audible une telle formulation. Et encore, lorsque que je l'ai annoncé aux étudiants, ils ont fait une drôle de tête : ils croyaient être entrés dans une « grande école » ! Notez qu’il est quand même curieux que les jeunes fassent tout pour éviter l’université. Mais cela interroge plus l’université que Sciences Po…

Un des axes de votre politique est d’ouvrir Sciences po socialement. Au delà des procédures spécifiques qui permettent d'intégrer des jeunes issus de lycées classés en ZEP, avez-vous réussi ?

L’ouverture sociale s’est faite d’abord grâce à l’augmentation des effectifs. De 1995 à 2008, nous sommes passés de 4000  à 7000 étudiants. Le nombre de candidats boursiers a beaucoup augmenté. Nous offrons d’ailleurs aux boursiers un complément de bourse équivalent à 50 % de la bourse qu’ils perçoivent du Crous. A l’avenir mon objectif serait d’aller jusqu’à 100%, c’est-à-dire de doubler le montant que verse le Crous. Les résultats sont là : en 2000, nous avions 6 % de boursiers dans l'école, en 2007, nous en avions 20 %. L'objectif à 4-5 ans est d'en avoir 30 %.

Sciences po demeure moins mixte socialement que les prépas, par exemple…

Oui. Nous restons en dessous des classes préparatoires, mais la différence, de taille, est que nos élèves réussissent tous ! De plus, grâce aux CEP (conventions d’éducation  prioritaires) que nous avons mis en place, nous avons désormais 450 à 500 élèves issus de Zep (zone d’éducation prioritaire NDLR) et parmi eux, deux élèves sur trois ont un parent étranger. Enfin, les frais de scolarité varient en fonction des revenus. En 2007-2008, 25 % des élèves n'ont pas payé de frais de scolarité et 25 % des élèves payent les frais de scolarité les plus élevés.

Aujourd'hui, beaucoup de candidats à Sciences Po passent par des stages coûteux pour avoir une chance de réussir le concours. C’est un peu paradoxal quand on parle en même temps d’ouverture sociale, non ?

Je ne conteste pas l’utilité de ces prépas, souvent très efficaces, ni l’effet pervers que vous mentionnez. Mais n’oubliez pas que l’éventail des procédures d’admission a été élargi ; par exemple l’accès sur mention très bien, permet déjà d'avoir des profils d’étudiants plus variés qu’avant. Justement : peu à peu les voies d’accès se diversifient.

A quand la fin du concours d’entrée post-bac sous sa forme actuelle, dont on sait que la forme favorise les plus aisés ?

Ce n’est pas à l’ordre du jour à court terme. Ceci étant je réfléchis à plusieurs pistes : changer la date du concours et le mettre juste après le bac afin de limiter le recours aux « prépas » privées ; augmenter la part de l’oral – mais cela coûte très cher… De plus il existe un profond attachement à ce concours, que je ne saurais ignorer. On ne réforme pas en se mettant à dos la majorité de la communauté – et je pense ici aux étudiants comme aux enseignants.

Propos recueillis par Sophie de Tarlé | Publié le