R. Soubeyran (CentraleSupélec) : "La bonne position de l'université Paris-Saclay est un cercle vertueux"

Clément Rocher Publié le
R. Soubeyran (CentraleSupélec) : "La bonne position de l'université Paris-Saclay est un cercle vertueux"
Centrale Supélec - université Paris Saclay // ©  Laurent Grandguillot/REA
CentraleSupélec fait partie intégrante de l'université Paris-Saclay dont elle est co-fondatrice. Romain Soubeyran, directeur de l'école d'ingénieurs depuis trois ans, partage sa vision de l'identité consolidée de l'école, des grands projets en développement avec l'université Paris-Saclay et de sa relation avec son voisin l'Institut Polytechnique de Paris.

CentraleSupélec a opéré sa fusion en 2015. Elle est désormais membre composante de l'université Paris-Saclay créée en 2020. Aujourd'hui, l'école est-elle toujours en quête de son identité ?

Nous avons commencé à déployer, à partir de la rentrée 2018, un cursus unifié et complètement rebâti pour répondre au plus près aux attentes des employeurs. Ce renouvellement des générations a considérablement accéléré la convergence de tous les acteurs sur l'identité de l'école, désormais stabilisée. Je crois vraiment que la fusion est derrière nous.

Romain Soubeyran, directeur de Mines ParisTech
Romain Soubeyran, directeur de Mines ParisTech © Mines ParisTech.

Le fait d'être co-fondateurs de l'université Paris-Saclay n'est pas vraiment lié à l'identité de l'école selon moi. On reste fondamentalement une école d'ingénieurs avec comme orientation de fournir au monde économique des cadres de haut niveau à fort contenu technique et scientifique. Indépendamment de notre implication, le cursus ingénieur reste l'apanage de CentraleSupélec, c'est un point important pour l'ensemble de la communauté.

Quels projets portez-vous avec l'université ?

Avec les universités de Paris-Saclay, d'Evry, de Versailles-Saint-Quentin et des organismes nationaux de recherche comme le CNRS, nous sommes tous autour de la table pour apporter des moyens et aller plus loin dans la coordination de la Graduate School "Sciences de l'ingénierie et des systèmes" en cours de restructuration. C'est avec l'ensemble de ces opérateurs qu'il faut partager une stratégie qui permettra de valoriser et de donner tout son sens à l'université Paris-Saclay.

Dans la perspective du PIA 4 (programme d'investissements d'avenir), CentraleSupélec est très impliqué sur des sujets portés par des politiques de l’État comme le quantique ou l'intelligence artificielle. Nous allons nous structurer avec l'université pour développer une stratégie et répondre aux attentes de l’État dans ces domaines.

Nous avons aussi engagé plusieurs discussions pour définir les priorités du contrat de plan État-région, qui sera signé à la fin de l'année. Parmi ces priorités, nous avons dans l'idée de transformer notre bâtiment Bréguet pour en faire un carrefour entre la société, le monde économique et académique. Nous avons obtenu un retour positif de la région sur ce projet qui souhaite soutenir le développement de l'université Paris-Saclay.

CentraleSupélec peut-elle rester une école d’excellence alors qu’elle fait partie d'une structure plus grande ?

Il ne faut pas nécessairement opposer taille et excellence. Nous avons au sein de l'université Paris-Saclay des histoires et des positionnements différents. Elle couvre des champs thématiques très larges et des orientations qui ne sont pas nécessairement les mêmes. Il faut le comprendre et le respecter. Ce qui est important c'est d'avoir un dialogue et de créer la confiance avec l'ensemble des composantes.

Nous avons des avantages évidents à travailler ensemble et c'est cela qu'il faut développer. Le fait de se retrouver dans une université va évidemment faciliter ce rapprochement entre les communautés et une hybridation des parcours. Les sciences de l'ingénieur trouvent des champs d'application dans tous les domaines d'activité, notamment à travers le numérique. Nous avons notamment signé il y a un mois un double diplôme avec AgroParisTech. Ce genre de partenariat a vocation à se développer avec d'autres composantes de l'université.

L'Université Paris-Saclay affiche d'excellents résultats dans les classements internationaux. Est-il encore possible de progresser ?

Nous sommes au niveau scientifique mais nous ne sommes pas encore au même niveau sur le plan du financement d'excellence de la recherche. Quand on se compare aux grandes universités américaines, on ne joue pas dans la même catégorie sur le plan des moyens. C'est un enjeu qui fait l'objet de discussions avec l’État.

Concernant le classement de Shanghai, nous n'avons pas vocation à faire des prix Nobel. Les mathématiques sont une des disciplines les plus reconnues dans l'université Paris-Saclay et CentraleSupélec y apporte une contribution importante. Nous sommes également dans le top 50 dans les sciences de l’ingénieur et cela reflète la qualité de nos laboratoires et de nos enseignants-chercheurs. La bonne position de l'université Paris-Saclay est un cercle vertueux et donc un facteur d'attractivité des talents.

CentraleSupélec et IP Paris sont sur le même territoire. Est-ce que cette proximité ne remet pas en cause la position que souhaite occuper votre école ?

Je n'oppose pas du tout la réussite de l'Institut Polytechnique de Paris et celle de CentraleSupélec-Université Paris-Saclay : les deux peuvent être concomitantes et elles contribuent à la visibilité du plateau de Saclay. L'important est que chaque acteur trouve son positionnement et ses facteurs d'attractivité. Le terrain de jeux de ces deux institutions est mondial, il n'est plus seulement au niveau local.

Avez-vous des projets communs, en recherche notamment avec IP Paris ?

Nous avons des relations positives et constructives au quotidien avec l'Institut Polytechnique de Paris. Pour l'instant, les deux regroupements sont séparés car ils se construisent. Une fois que les deux regroupements seront bien structurés, il sera logique d'explorer des partenariats. Cela fera sens le moment venu.

La pandémie a-t-elle freiné votre ouverture à l'international ?

La pandémie nous a fait prendre du retard dans notre agenda sur un certain nombre de projets. Initialement prévu en septembre 2020, nous allons ouvrir à la rentrée prochaine un bachelor au Burkina Faso avec Centrale Casablanca et un partenaire local, l'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement (2iE). Cette formation de haut niveau va répondre à un besoin local de personnes qualifiées.

Nous préparons aussi un bachelor avec McGill au Canada. Nous avions le projet de l'ouvrir à la rentrée 2021 mais cela ne sera pas possible du fait de la pandémie. La première promotion sera pour la rentrée 2022.

Nous avons néanmoins maintenu l'avancée de nos autres projets. En Chine, l'université de Beihang [co-fondateur de l’École Centrale de Pékin] nous a demandé de les accompagner sur un projet de campus à Hangzhou, à 200km de Shanghai. En 2021, nous allons y ouvrir deux masters, l'un porté par Centrale Nantes et l'autre par CentraleSupélec.

Les premiers ingénieurs diplômés de CentraleSupélec arrivent cette année sur le marché du travail. Êtes-vous confiant sur leur insertion professionnelle malgré la crise ?

La réponse est oui. Les entreprises vont conserver un flux d'ingénieurs de haut niveau et en particulier d'ingénieurs issus de CentraleSupélec. Il ne faut pas avoir une rupture dans la pyramide des âges, c'est indispensable pour notre avenir.

Les diplômés auront certainement moins de marge de manœuvre que leurs prédécesseurs, moins d'offres de poste et moins de latitude pour négocier leur salaire, mais je ne suis pas inquiet pour leur insertion.

CentraleSupélec avait augmenté ses frais de scolarité il y a quelques années, non sans remous. Considérez-vous la volonté d’augmenter les frais de l'école Arts et Métiers comme légitime et pourquoi ? Et que pensez-vous de la réponse du ministère ?

J'aurai beaucoup de mal à dire que c'est illégitime. On considère qu'il est choquant d'augmenter des frais de scolarité pourtant très modiques dans les écoles d'ingénieurs publiques françaises mais nous ne sommes pas choqués de voir que les écoles de management possèdent des frais de scolarité beaucoup plus élevés. On sait que la période est très difficile à vivre pour les élèves et je comprends le souci du ministère d'éviter de créer des tensions supplémentaires.

Le vrai sujet c'est l'accompagnement financier des élèves qui n'ont pas les moyens de payer les frais de scolarité. Il est important de garantir qu'un élève qui a le potentiel de rentrer dans une école ne puisse pas en être empêché pour des raisons financières. Les élèves boursiers de CentraleSupélec sont ainsi exonérés des frais de scolarité.

Clément Rocher | Publié le