Thomas Legrain (TL Conseil) : former des générations futures d’entrepreneurs

Propos recueillis par Céline Manceau Publié le
Thomas Legrain (TL Conseil) : former des générations futures d’entrepreneurs
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Pour Thomas Legrain, président de TL Conseil et auteur en 2007 d’un rapport sur le thème de l'entrepreneuriat, il est primordial d’inculquer aux jeunes le goût d’entreprendre avant de leur apporter des aides à la création. Un débat de fond à l’heure où le gouvernement a annoncé la création du statut de jeune entreprise universitaire au 1er janvier 2009.

Qu’apporte votre rapport aux nombreuses contributions sur la formation à l’entrepreneuriat ?

Les rapports proposent des mesures techniques ou fiscales. Or, l’enjeu aujourd’hui n’est pas de favoriser la création d’entreprise, mais de promouvoir l’entrepreneuriat via la culture du risque et la logique de gestion de projets. Il convient, pour cela, de procéder en trois étapes : informer, former et aider. Très souvent, on brûle les étapes en octroyant des aides car il est dans l’intérêt des politiques de quantifier un nombre d’entreprises créées, sans se soucier des créateurs. La mission de l’université, c’est d’informer, puis de former, pas d’aider.

Les grandes écoles dispensent déjà des formations à l’entrepreneuriat...

Ces programmes sont situés en fin de cursus et réservés à une élite. Élite qui, en définitive, intégrera en majorité une grande entreprise. Aucun élève ne choisira de s’associer à un dirigeant de TPE, alors qu’entreprendre, ce n’est pas uniquement créer une start-up. Les jeunes diplômés préfèrent être le numéro 55 d’une grande entreprise plutôt que le numéro 3 d’une société en pleine croissance.

Les lycéens ne connaissent que celles dont le nom est une marque ; une fois diplômés à bac+5, ils ne jurent plus que par Procter & Gamble ou Goldman Sachs, par exemple, parce que ces sociétés sont omniprésentes sur les campus. Et avec l’aval des grandes écoles car le salaire moyen à la sortie reste un critère de classement. Suivre une majeure en entrepreneuriat permet de valoriser son CV avant d’entrer dans un cabinet de conseil en stratégie, tout comme être président d’une junior-entreprise.

 
Parmi les mesures du rapport, lesquelles vous paraissent les plus essentielles pour le supérieur ?

Certaines peuvent facilement être mises en oeuvre comme la création d’une université de l’entrepreneuriat à distance. Le principe serait de permettre à tous les détenteurs d’une carte d’étudiant d’avoir accès à des formations en ligne gratuites financées par l’Europe et le ministère de l’Enseignement supérieur. Ces cours pourraient également être accessibles à des enseignants qui doivent impérativement être sensibilisés à l’entreprise. Le ministère pourrait attribuer des points supplémentaires à tous ceux qui sont volontaires pour effectuer un stage dans le privé. Il faudrait par ailleurs implanter au sein de chaque université un lieu dédié à la création d’entreprise, à l’instar des centres de formalités installés dans les CCI.

Autre idée : les étudiants devraient effectuer des stages « assistant du dirigeant ». Vu le nombre d’étudiants et de patrons du CAC 40, beaucoup d’étudiants auraient ainsi une approche des PME.

Que pensez-vous du dispositif « Jeune entreprise universitaire » ?

Cette mesure n’est pas révolutionnaire. Le principe est d’étendre le statut de jeune entreprise innovante, et donc de valoriser la recherche universitaire. Et heureusement, car si l’objectif était de permettre à tout étudiant, quel que soient son projet de création et son niveau d’études, de créer une entreprise, ce serait irres ponsable. Ce n’est qu’après un minimum de trois ans d’expérience qu’on est le plus armé pour se lancer, ne serait-ce que pour se constituer un réseau.

Pour en savoir plus :

TL Conseil est un cabinet de lobbying politique et de conseil en stratégie sur l’entrepreneuriat. Thomas Legrain est l'auteur du rapport « Comment former davantage d’entrepreneurs en France » , juillet 2007. Son contact .

Le dernier rappport en date sur ce thème est celui du président de l’ESC Troyes, Francis Bécard, consacré aux liens entre les grandes écoles et les structures d’appui à l’innovation.

Propos recueillis par Céline Manceau | Publié le