Vincent Feltesse (député PS) : " Je ne sens pas un vent de fronde chez les socialistes sur le projet de loi ESR"

Propos recueillis par Camille Stromboni et Sylvie Lecherbonnier Publié le
Vincent Feltesse (député PS) :  " Je ne sens pas un vent de fronde chez les socialistes sur le projet de loi ESR"
Vincent Feltesse - rapporteur Loi ESR à l'Assemblée nationale - ©C.Goussard // © 
Le projet de loi sur l'enseignement supérieur et la recherche doit être discuté en séance publique à l'Assemblée nationale à partir du 22 mai 2013. D'ici là, Vincent Feltesse, rapporteur du texte à l'Assemblée, termine ses consultations et la rédaction des amendements à venir, au moment où les différents acteurs de la communauté tentent de faire entendre leurs revendications. Entretien.

D'anciens membres de la commission recherche du PS  ont fait part de leur profonde déception par rapport au texte…

Rappelons tout d'abord que ce groupe ne représente pas l'ensemble des socialistes, c'est le bureau national du parti qui décide. Evidemment, je suis attentif à ce qu'ils soulèvent, principalement la question budgétaire et celle de l'autonomie. Mais je ne sens pas un vent de fronde chez les socialistes sur le projet de loi ESR par rapport aux revendications de ce collectif.

Ce n'est pas une loi de programmation budgétaire, c'est votre principal handicap ?

Nous sommes dans un contexte très contraint et nous devons assumer la stratégie budgétaire de manière commune. Nous avons la chance, pour l'enseignement supérieur et la recherche, d'avoir encore des crédits, avec les 5.000 postes, les mesures autour de la résorption de la précarité, ou encore le budget de la mission "vie étudiante" en hausse de 7,2% en 2013. Sans oublier les investissements extérieurs, comme les investissements d'avenir ou le plan Campus.

Quelles sont les questions sensibles auprès des parlementaires ?

La question de la langue dans l'enseignement, dans l'article 2 de la loi, engendre des débats surprenants aux vues de la réalité. Alors qu'il s'agit d'une loi de convergence grandes écoles/universités, et que les grandes écoles dispensent déjà un grand nombre de cours en anglais, tout comme des instituts publics tels les IEP, on voudrait discriminer l'université.

Les parlementaires entendent également les craintes des IUT. Nous sommes dans une loi ayant parmi ses objectifs de limiter l'éclatement du système français. Les entités à statut particulier, qui font partie des universités, ont peur que les ressources propres partent dans le pot commun de l'université. D'autant plus avec les tensions budgétaires actuelles. Ils font donc un fort travail de lobbying.

Enfin, les futures communautés d'universités et d'établissements - qui devraient s'appeler "associations" - entraînent la peur des petits établissements de voir se concentrer les choses sur les centres urbains, avec le passage à 30 grands pôles universitaires.

Après vos nombreuses auditions et rencontres, comment sentez-vous la communauté de l'enseignement supérieur et de la recherche ?

La communauté me semble largement divisée. Entre les messages portés par les grandes écoles, les présidents d'université, les ingénieurs, les différents syndicats…

L'union s'opère uniquement sur la problématique budgétaire. Sur la recherche, un consensus se dégage autour d'une volonté d'un retour à une stratégie nationale de la recherche et de l'innovation. Je retiens aussi que le congrès de l'UNEF ne s'est pas mal passé. Les présidents d'université paraissent également satisfaits.

L'AERES est un sujet qui cristallise les mécontentements. Sa suppression doit-elle être débattue de nouveau au Parlement ?

Notons tout d'abord qu'il y a un consensus sur la nécessité de l'évaluation des formations et de la recherche. Ma position sur ce sujet n'est pas encore tranchée, elle dépendra de l'évolution des débats. Je suis dans tous les cas favorable à un organisme indépendant, en diminuant la technostructure, et positionné sur des mécanismes d'appels et de contrôle.

Après, plus qu'une question de fond, il s'agit d'une question symbolique, qui a toute son importance néanmoins. Faut-il donner un signe fort, politique, de changement ? Nous sommes d'accord sur l'objectif, reste à trouver l'équilibre pour l'atteindre.

Il y a d'ailleurs déjà un amendement qui a été adopté en Commission des Affaires économiques proposant de nommer la future structure "Haute autorité d'évaluation"

Je souhaite aller plus loin sur la reconnaissance du doctorat, en essayant de trouver des marges du côté de la fonction publique territoriale

Quels amendements souhaitez-vous porter ?

J'envisage de porter une dizaine d'amendements.

Je souhaite aller plus loin sur la reconnaissance du doctorat, en essayant de trouver des marges du côté de la fonction publique territoriale. Il me semble nécessaire aussi de bien préciser le fonctionnement démocratique des conseils d'administration des futures communautés d'universités.

Concernant l'autonomie des universités, qui est une bonne chose, il faut s'assurer que les conditions soient réunies. Outre les questions budgétaires et démocratiques, elles doivent avoir les capacités nécessaires en terme d'encadrement, c'est-à-dire un appareil administratif assez solide. C'est l'une des leçons de la décentralisation, il faudrait éviter les approximations et difficultés rencontrées par les collectivités.

Sur les CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), je réfléchis aux questions de co-inscription avec l'université et aux frais d'inscription. Enfin, il faudrait trouver un point d'équilibre sur les nombreux contrats signés dans l'enseignement supérieur, entre l'université, l'Etat, la Région, le département… En apportant une solution pour une meilleure cohérence, au-delà du contrat de site, sachant les réticences des universitaires à donner trop de place aux collectivités.

Aller plus loin
- Voir le Tumblr de Vincent Feltesse, Mon journal de rapporteur Loi ESR, qui raconte sa mission de rapporteur du projet de loi ESR ; et le blog du député.
Propos recueillis par Camille Stromboni et Sylvie Lecherbonnier | Publié le