Pourquoi avoir choisi d’associer le e-learning aux concepts de liberté et d’égalité pour l’intitulé des dixièmes Journées du e-learning qui se tiennent les 18 et 19 juin à Lyon ?
Cette réflexion est née d’une relecture de "La crise de l’Éducation" d’Hannah Arendt. Dans les années 1950 aux États-Unis, les quotidiens titraient régulièrement sur la baisse du niveau général des élèves. Les symptômes que la philosophe relève sont ceux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui. Dans cet essai, elle affirme qu’il faut revenir aux fondamentaux et donc à l’apprentissage de la liberté. Il ne s’agit pas de libre arbitre, mais d’une liberté tournée vers la création. Le numérique est un des outils pour acquérir cette liberté. Égalité, parce que nous sommes tous égaux devant le numérique, et est donc à la base de notre engagement qui veut voir le plus grand nombre avoir accès aux savoirs.
La révolution numérique a eu lieu, mais la révolution pédagogique numérique a-t-elle suivi ?
Il y a des temps de changement dans tous les systèmes. On attend du système éducatif qu’il évolue aussi vite que le progrès technologique. Or, si on regarde dix ans en arrière, il fallait déjà mettre en ligne les documents pour les enseignants, former les professeurs à l’accès à une plateforme pédagogique... Aujourd’hui, les enseignants ont une idée beaucoup plus précise de ce qu’ils veulent en termes d’usage numérique. On peut toujours estimer que cela ne va pas assez vite, mais c’est indéniable en dix ans, le système éducatif a largement pris le virage du numérique.
Regardons les Mooc (Massive online open courses), il y a de tout, c’est vrai, mais cette capacité à ouvrir un enseignement à des millions d’apprenants est un grand pas en avant. Il y a deux ans, aux journées du e-learning, le philosophe Bernard Stiegler lançait un appel pour qu’il y ait davantage de thèses sur les usages numériques. Une proposition reprise aujourd’hui par la CPU [Conférence des présidents d'université].
Aujourd’hui, les enseignants ont une idée beaucoup plus précise de ce qu’ils veulent en termes d’usage numérique.
À quelle étape en est cette révolution pédagogique numérique ?
Après une phase d’appropriation des outils, nous sommes désormais dans un moment plus réflexif, dans une phase de contextualisation de ces outils. Les enseignants qui ont commencé à utiliser le numérique pour simplement distribuer leurs supports pédagogiques se tournent aujourd’hui vers des fonctionnalités qui leur offrent plus d’interactivité avec les apprenants : outils collaboratifs, tests de positionnement, etc.
Quel outil a modifié en profondeur les méthodes de e-learning ?
La possibilité de s’enregistrer via le podcast est une des innovations de ces dix dernières années. Certains enseignants ont fait l’effort de se réécouter, et ont ainsi pu modifier leurs cours en conséquence. Cela a pu également modifier le format du cours, qui s’est adapté à l’enregistrement audio, même si ce type de pratique ne s’adapte pas à tous les formats. Cet outil a souvent suscité à nouveau l’intérêt des étudiants et permis aux enseignants de se réapproprier leurs cours.
Dans les innovations les plus récentes, le mode de fonctionnement plus collaboratif du Mooc a évidemment changé la donne. Pour les apprenants comme pour les établissements. Intégrer toute la chaîne de production en interne est une grande source de satisfaction pour les équipes. Les Mooc nous ont permis d'opérer un retour aux racines du e-learning.
Les Mooc nous ont permis d'opérer un retour aux racines du e-learning.
Quel chantier vous semble aujourd'hui prioritaire ?
Nous attendons tous une vraie réforme du droit d’auteur à l’échelle européenne. L’exception pédagogique a ses limites, et la réutilisation des données est un vrai problème. Prenons l’exemple d’une prise de notes collaborative, si l’enseignant souhaite ensuite en faire un corpus, il ne peut pas ! Aujourd’hui, si nous voulons enseigner avec le numérique, nous sommes tous des contrefacteurs en puissance.
Les freins juridiques sont souvent invoqués pour ne pas passer au numérique, alors qu’au contraire le droit devrait être un facilitateur. L’éducation est devenue un marché, c’est un constat et non un jugement de valeur, et c’est même le plus gros marché du monde, il faut que l’UE se charge d’établir des règles simples et communes à l’ensemble de l’Union.
Les dixièmes Journées du e-learning se tiendront à Lyon les 18 et 19 juin 2015 sur le thème "Liberté, égalité, connecté", en partenariat avec EducPros.
