Étudiants, pour réussir, ne travaillez pas trop ! (en dehors de vos études)

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Étudiants, pour réussir, ne travaillez pas trop ! (en dehors de vos études)
Si le temps consacré à un travail salarié avoisine les 15 heures par semaine, le travail salarié s'effectuera au détriment du travail étudiant. // ©  Marta Nascimento / R.E.A
Sur le site de The Conversation France, Yannick L'Horty, professeur des universités à l'université Paris-Est-Marne-la-Vallée, s'inquiète des répercussions du travail des étudiants sur leur réussite et y voit un marqueur de la dégradation de leurs conditions de vie.

Les conditions de vie des étudiants se sont dégradées depuis la fin des années 2000. Sous l'effet de la crise, leurs ressources ont stagné alors que leurs dépenses progressaient, en particulier pour le logement et le transport. Certes ce constat est difficile à chiffrer avec précision, parce qu'il est compliqué de suivre chaque composante des ressources et des dépenses, d'autant que les situations sont très différentes selon les étudiants, selon leur filière et leur cycle d'études, leur origine sociale et le revenu des parents, l'accès à une bourse et son montant.

Des conditions de vie dégradées

Mais il y a suffisamment d'éléments convergents qui vont dans le sens d'une dégradation des conditions de vie. Selon l'enquête annuelle sur le coût de la vie étudiante effectuée par l'Unef, la hausse des dépenses des étudiants dépasserait chaque année l'inflation. Selon l'enquête 2013 de l'Observatoire de la Vie étudiante, plus de la moitié des étudiants (54%) déclarent désormais être confrontés à des difficultés financières.

Face à ces difficultés, près d'un étudiant sur deux (45 %) indique qu'il effectue une activité rémunérée pendant l'année universitaire. Le travail salarié des étudiants fait ainsi figure de véritable marqueur inversé de leurs difficultés de conditions de vie. Là aussi, la diversité des situations est extrême.

L'activité salariée peut être pleinement intégrée dans les études, dans le cadre d'un contrat d'alternance par exemple. Elle peut correspondre à un tout petit boulot de quelques heures par semaines (faire du baby-sitting ou donner des cours). Elle est très diverse dans son intensité, son contenu et son calendrier également, mais le plus souvent, elle se fait au détriment de la réussite des études.

Toxique à forte dose

Les travaux de recherche sur l'impact du travail salarié sur les performances des étudiants sont en effet unanimes. Au-delà d'une trop forte dose, le salariat devient toxique pour les étudiants. L'activité salariée est un indicateur avancé de l'échec dans les études supérieures. Ces travaux parviennent même à préciser le seuil de tolérance, qui se situe autour de l'équivalent d'un mi-temps hebdomadaire.

Tant que l'activité salariée reste en deçà de ce seuil, et même si son contenu est sans rapport avec les études, elle n'exerce pas d'effet dommageable sur la réussite. Mais autour d'une quinzaine d'heures, on rentre dans une zone rouge où le travail salarié s'effectue au détriment du travail étudiant.

Il va augmenter l'absentéisme en cours et en TD, réduire les notes obtenues en contrôle continu et en examen terminal, et réduire finalement les chances de réussite dans l'enseignement supérieur. Or près de la moitié des étudiants dépassent aujourd'hui le seuil de toxicité du travail salarié.

La crise a donc renforcé le piège à pauvreté des étudiants victimes de l'enchaînement "moins j'ai de revenus aujourd'hui, plus je dois consacrer du temps à mon activité salariée, plus j'aurai des difficultés dans mes études, et moins j'aurai de revenus demain". Et il s'agit bien d'un piège sélectif, qui ne concerne pas ou peu les étudiants issus de milieux favorisés qui peuvent compter sur les aides de leurs parents pour poursuivre leurs études longues.

Que faire ?

Pour y remédier, deux grandes voies sont possibles. La première consiste à actionner des leviers monétaires, de façon à soutenir les revenus des étudiants. C'est par exemple la voie suivie par le gouvernement en juillet 2013 dans sa réforme des bourses qui a consisté à revaloriser leurs montants et à élargir leur accessibilité pour les étudiants issus des classes moyennes.

C'est aussi le cas des arbitrages qui ont été fait en faveur des étudiants dans le cadre de la réforme des aides au logement en novembre 2015. La même voie est suivie par les syndicats étudiants qui revendiquent une allocation d'autonomie. Mais cette voie monétaire pose un problème de financement dans un contexte où l'Université manque cruellement de moyens budgétaires.

Pour conduire à une revalorisation significative des aides aux étudiants, elle requiert d'être accompagnée par une réforme plus radicale du financement de l'enseignement supérieur, qui irait dans le sens d'une revalorisation des montants des droits des étudiants, à l'image de la position défendue depuis plus d'une décennie par Robert Gary-Bobo et Alain Trannoy.

En attendant ce type de réforme, la deuxième voie est celle des actions non monétaires. Comme ses effets budgétaires sont faibles ou nuls, elle peut s'ajouter à la première voie sans nécessairement lui être substituée. L'idée est ici de briser le cercle vicieux du piège à pauvreté en rendant moins incompatible travail salarié et réussite étudiante.

Il s'agit alors, en quelque sorte, de "détoxifier le travail salarié". Une expérimentation a été menée dans ce sens à l'Université du Maine qui a consisté à élargir les possibilités de compromis entre travail salarié et travail étudiant en proposant une offre élargie d'emplois salariés. Lorsque les étudiants ont accès à un réservoir plus diversifié d'offres d'emploi, ils sont à même d'effectuer des arbitrages moins défavorables à la poursuite de leurs études.

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