Innovation pédagogique et «charter schools» en Californie : la chronique de Benoît Falaize

Maëlle Flot Publié le
Dans le cadre de notre partenariat avec l'émission Rue des écoles, sur France Culture, EducPros vous propose chaque mercredi le texte de la chronique de Benoît Falaize ou de Nathalie Mons. Cette semaine, Benoît Falaize* décrit le fonctionnement des charter schools, véritables laboratoires de l'innovation pédagogique aux États-Unis.

«On sait qu’aux États-Unis, l’enseignement public, qui est le plus pratiqué, est couplé à un large secteur privé, confessionnel ou non, aux tarifs de scolarité souvent élevés. Ce que l’on sait moins, c’est que les États-Unis disposent d’une catégorie d’écoles publiques, de l’élémentaire à la high school, dénommée “charter school», c’est-à-dire école sous charte, ou sous contrat.

Il s’agit d’écoles sous contrat, pourrait-on dire, mais pas privées, et qui doivent être en conformité avec la politique de l’État concerné ainsi qu'avec les obligations fédérales en matière d’éducation. Les premières charter schools naissent aux États-Unis au début des années 1990. En Californie, c’est en 1993 qu’est fondée la première.

De quoi s’agit-il ? Les charter schools étaient conçues comme des sortes de laboratoires pour les réformes éducatives possibles. Une manière d’innover en matière pédagogique, ou de réformer en profondeur un système public en déshérence, en crise. En fait, il s’agit d’écoles qui vont définir une scolarité autonome (plus qu’indépendante) des écoles publiques traditionnelles, tout en respectant les critères en matière de programmes et d’évaluation de l’État ou des directives fédérales.

Au fond, c’est un mouvement que l’on pourrait volontiers appeler “alternatif”, qui va intéresser moins les pourfendeurs de l’école publique américaine soucieux de libéraliser le système éducatif, que les parents, pédagogues, désireux de maintenir un système public de qualité, gratuit, mais au fait des tendances récentes de la recherche en éducation et des aspirations des enfants.

L’alternative des «charter schools» permet de penser à un renouvellement des manières d’être dans le secteur public, avec plus d’initiative locale, plus de liberté institutionnelle aussi.

Du coup, dans un État ouvert aux idées alternatives et à l'éducation nouvelle, et soucieux de sauvegarder le secteur public, il n’est pas étonnant de voir que, dans la seule Californie, sont nées plus de 700 charter schools : certes, cela ne représente que 4% de l’ensemble de la population scolaire californienne, mais c’est un ratio un peu plus important que celui de l’ensemble américain, territoire qui compte à peu près 5.000 écoles dites charter schools.

Alors, en quoi ces écoles nous intéressent-elles ? D’abord parce que cela nous donne, à nous Français, une représentation un peu plus nuancée de la réalité scolaire américaine. Il n’y a pas que des écoles publiques traumatisées par la baisse des crédits, et des écoles privées rayonnantes. L’alternative des charter schools permet de penser à un renouvellement des manières d’être dans le secteur public, avec plus d’initiative locale, plus de liberté institutionnelle aussi. Le recours au mécénat est un des moyens autorisés par exemple, à condition que les entreprises partenaires ne puissent utiliser leur soutien dans un but commercial, ou pour leur profit.

Ensuite, ces écoles nous donnent à voir des résultats scolaires largement équivalents aux autres écoles, voire nettement meilleurs dans des domaines moins convenus, moins conformes. Si l’apprentissage des mathématiques semble en difficulté en Californie au moins en regard de ses résultats, les arts, la littérature, la création au sens large sont valorisés et – pour reprendre le langage officiel – performants.

Enfin, et il faudrait terminer par les middle schools, c’est-à-dire les classes pour les âges qui correspondent au collège en France : au sein des charters schools, la modalité d’entrée dans les disciplines est différente de celle pratiquée en France. Pas plus de deux ou trois professeurs pour l’ensemble des disciplines. Du même coup, la transversalité des apprentissages, ce que l’école primaire appelle la polyvalence, est de mise : faire de l’histoire avec des œuvres d'art, des textes littéraires, faire des sciences à partir de l’histoire, instaurer des moments philosophiques… Bref, à l’heure où le collège français se cherche, envisage même parfois le retour aux PEGC, à l’heure où les crédits en matière d’éducation s’effritent, ces charter schools californiennes nous laissent à penser…»

Benoît Falaize
Université de Cergy-Pontoise

* Auteur (avec Elsa Bouteville) de L’Essentiel du prof d’école, l’Etudiant/Didier, 2011.

Maëlle Flot | Publié le