L'université fédérale des Antilles, un nouveau modèle de développement régional

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L'université fédérale des Antilles, un nouveau modèle de développement régional
Le pôle Guadeloupe de l'université des Antilles // ©  UA
La loi qui crée l'université des Antilles est parue au Journal officiel du 27 juin 2015. Didier Destouches revient pour EducPros sur le modèle original mis en place, après de nombreux conflits et polémiques. Mais pour le président du pôle Guadeloupe, cette nouvelle gouvernance est une chance.

Didier Destouches, vice-président Guadeloupe de l'université des Antilles

"L'université fédérale des Antilles est née le 16 juin au sein de l'Assemblée nationale. Et cela après un long cheminement fait de luttes parlementaires et d'audace, de débats intenses relatifs à notre devenir institutionnel, de confrontations de projets d'autonomie mais aussi de mobilisation de la communauté universitaire du pôle Guadeloupe.

Les Outre mers ont toujours été en avance sur les réformes universitaires françaises. L'Histoire nous l'enseigne. Les années 60/70 : Quand les universités se scindaient en France, les antillais et les guyanais s'associaient avec Bordeaux pour donner une réalité concrète à une vie universitaire dans nos régions. Les années 80 : elles ont acté la création d'un pacte commun Guadeloupe Martinique Guyane qui visait à construire ensemble un outil universitaire intégré sur chaque région ayant alors le même destin commun. Les années 2010, faites de recherche d'équilibre et d'autonomie entre les pôles et la crise de 2013, ont simplement été le constat que cet outil universitaire était fin prêt pour que chaque région puisse enfin voler de ses propres ailes. En tout cas la Guyane.

La loi ESR consacrait dans le même temps l'importance du régional avec la consécration du concept de site et en faisant des universités des outils de développement au service des Régions.

La loi instituant l'autonomie des pôles consacre donc à la fois la reconnaissance de la situation particulière des régions Guadeloupe et Martinique dans le cadre de la loi ESR et la nécessité de donner à ces régions le maximum d'autonomie pour que l'U.A puisse jouer pleinement son rôle moteur dans l'économie des deux régions.

La loi relative à l'U.A. devait donc nécessairement répondre aux exigences fortes d'autonomie exprimées sur chaque site territorial de l'université et souhaitée conjointement par les syndicats enseignants, les élus des collectivités, la communauté universitaire, et la présidence de l'établissement.

L'autonomie est, aux termes de l'ordonnance de juillet 2014 enfin ratifiée, de nature administrative et financière mais également et surtout politique. Les pôles de Guadeloupe et de Martinique ont leur représentants élus, qui siègent dans un conseil de pôle autonome, et élisent eux mêmes leur exécutif : le vice-président du pôle, dont la vocation n'est pas d'être seulement un collaborateur du président, mais d'être avant tout le porte-parole et le garant des intérêts de son pôle auprès d'un président quasiment tout puissant depuis la LRU. C'est le cœur de l'autonomie.

Ce modèle fédéral va permettre d'unir l'exigence d'intelligence territoriale et l'impératif double de la formation supérieure et de l'insertion de nos jeunes.

Les pôles doivent être autonomes, en convergence ou en concurrence selon les dossiers, mais toujours ensemble. Telle est la réponse du législateur à la crise ayant affecté l'université des Antilles après le départ du pôle guyanais. Une réponse qui réalise les conditions d'une réconciliation sur la base d'un projet politique stratégique d'établissement fondé sur les projets stratégiques des pôles que l'ordonnance ratifiée demande aux acteurs de construire. Cela dans le but de permettre au contrat de site à conclure avec l'Etat de bien intégrer les orientations propres à chacun des pôles universitaires.

Les pôles Guadeloupe et Martinique sont donc désormais dotés de vrais moyens d'action dans de nouveaux champs de compétences et dans le respect du droit commun qui va régionaliser un peu plus la politique universitaire. L'ordonnance a permis de polariser bon nombre d'activités et les résultats sont déjà et depuis quelques mois probants et prometteurs pour notre pôle Guadeloupe : multiplication des partenariats territoriaux, harmonisation des actions et du fonctionnement des facultés, développement des stratégies pédagogiques et scientifiques, meilleure représentation de l'université au niveau local, structuration d'une identité territoriale des pôles universitaires, animation des campus.

Les pôles et leur vice-président sont constamment au cœur des rapports de force ténus entre pôles et administration centrale et entre pôles et composantes. Les faibles moyens des administrations polaires doivent donc être renforcés. Celles-ci doivent devenir des secrétariats généraux. Le conseil de pôle présidé par le VP Pôle n'est plus seulement consultatif mais décisionnel dans toutes les affaires qui n'engagent pas financièrement l'établissement et qui sont relatives aux composantes du Pôles (facultés, instituts, écoles, services polaires...).

A l'heure des concurrences territoriales entre collectivités et entre territoires, la nécessité de conjuguer innovation institutionnelle et performance publique obligeait l'université à construire ce nouveau mode de gouvernance.

Ce modèle fédéral va permettre d'unir l'exigence d'intelligence territoriale et l'impératif double de la formation supérieure et de l'insertion de nos jeunes. L'évolution institutionnelle différente des deux îles augure des stratégies et des processus politiques différents. Un département et une "super" région en Guadeloupe, une collectivité unique en Martinique dès la fin de l'année. Il fallait donc anticiper sur cette perspective et donner aux deux entités universitaires polaires une personnalité juridique, et une capacité décisionnaire générant une vraie force de projection politique dans l'avenir.

A l'heure des concurrences territoriales entre collectivités et entre territoires, la nécessité de conjuguer innovation institutionnelle et performance publique obligeait l'université à construire ce nouveau mode de gouvernance. Il faut donc vraiment se féliciter que ce soit par un consensus, et grâce à l'intervention de l'ensemble des élus des deux régions que ce grand chantier de refondation universitaire s'achève enfin par la mise en place légale et historique de l'autonomie des pôles dans le cadre d'une université unique et fédérale. Une innovation de plus dans le droit public français que l'on doit aux Outre mers et à leurs universitaires."

Didier Destouches, de l'université des Antilles, président du conseil de Pôle de la Guadeloupe.

La loi qui crée l'université des Antilles est parue au Journal officiel du 27 juin 2015.

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