La Silicon Valley vue par... Emmanuel Mahé

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Du 9 au 15 mars 2013, EducPros a organisé un voyage d'étude dans la Silicon Valley en Californie, qui a réuni une quinzaine de participants, représentants de grandes écoles d'universités et du ministère de l'Enseignement supérieur. Cette excursion transatlantique a été l'occasion de visiter les universités de Berkeley et Stanford, de découvrir les fondateurs de MOOC (Khan Academy, Coursera) et d'échanger avec des représentants d'entreprises emblématiques du secteur (Mozilla, Linkedin). Que retenir de cette plongée au coeur de l'innovation ? Le point de vue d'Emmanuel Mahé, directeur de la recherche de l'ENSAD (Ecole nationale supérieur des arts décoratifs)

Emmanuel Mahé - ENSAD"Une culture très spécifique de l’innovation et du business (pardon, une culture des innovateurs et des révolutions) baigne ces différents lieux californiens qui, chacun à leur manière et parfois de manières opposées, créent des modèles d’usages et économiques très diversifiés. Si Berkeley la "rebelle" se distingue de Stanford la financière, toutes deux sont dotées du même carburateur : la foi en l’individu qui peut (se doit de) changer le monde, pas seulement le sien (en devenant riche et célèbre) mais bien celui de la planète toute entière.

Les égos d’apparence assez monstrueuse ne le sont plus vraiment lorsqu’on comprend que la dynamique individuelle en est la force motrice : en France nous parlons souvent de « l’innovation » alors qu’ils parlent d’innovateurs. Nous sommes encore dans une vision très abstraite et souvent verticale de l’innovation alors que la dimension plus horizontale américaine donne plus de valeur aux innovateurs : des scientifiques de haut niveau aux utilisateurs ingénieux. La figure du petit génie dans son garage est une construction bien sûr, un mythe nécessaire à la grande machine à rêver. Mais c’est pourtant aussi une réalité. Mais ce n’est qu’une des facettes d’une réalité plus complexe.

Prenons un autre exemple que celle de la figure du self made man pour illustrer la valorisation du travail de l’individu innovateur : la figure modeste du chercheur inconnu. De plus en plus d’établissements publics américains (notamment les musées scientifiques comme celui qu’on a pu visiter à San Francisco) mettent en scène leurs ingénieurs de recherche, leurs doctorants ou leurs scientifiques en ouvrant une partie des laboratoires au public, et parfois même en remplaçant leurs murs opaques par des vitrines pour les exposer à la vue de tous. Le public peut ainsi voir les chercheurs en train de travailler, de « maniper ».

Les dispositifs architecturaux participent donc eux aussi à une forme de scénarisation de la recherche. C’est une manière d’ouvrir la "boite noire" des recherches scientifiques. C’est aussi une manière de former les jeunes chercheurs en les obligeant (mais sans être vécue comme une obligation) à expliciter de manière simple leurs recherches. Ces deux exemples, d’un coté l’entrepreneur starifié et de l’autre la jeune étudiante travaillant son doctorat "en public", sont les deux les pôles de ce même monde dans lequel l’individu est le point nodal du système."

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