Les alumni dans le paysage académique français

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Les alumni dans le paysage académique français
Pour Bernard Belloc, il est essentiel de créer des ponts entre anciennes et nouvelles générations d'étudiants. // ©  Camille Stromboni
À l'occasion de la conférence EducPros du 28 septembre 2017 consacrée au fundraising, Bernard Belloc, président honoraire de l’université Toulouse 1 Capitole, incite les universités françaises à impliquer davantage leurs étudiants, présents et passés, dans leurs projets pour susciter leur mobilisation, notamment sur le plan financier.

Bernard BellocLa création en 2007 des fondations universitaires et des fondations partenariales par la loi LRU [relative aux libertés et responsabilités des universités] a suscité beaucoup d'espoirs de diversification des ressources des universités françaises. Force est de constater que le bilan est très mitigé. La plupart des universités ont créé des fondations, mais le niveau des levées de fonds reste très modeste : ceux recueillis en France chaque année sont inférieurs à ceux récoltés annuellement, par exemple, par la seule université du Wisconsin à Madison.

L'explication habituelle est qu'il existe une spécificité culturelle anglo-saxonne. N'y aurait-il pas d'autres raisons expliquant cette difficulté des universités françaises à susciter la générosité de leurs anciens étudiants ?

Des universités manquant de personnalité

Une première raison pourrait être l'absence quasi totale d'"affectio societatis" des alumni français pour leurs universités. Ils n'ont ainsi aucune motivation pour soutenir celles-ci dès qu'ils en sortent diplômés. Un grand isolement, un accueil souvent médiocre, une absence de suivi personnalisé caractérisent trop souvent leur vie étudiante.

Le manque chronique de moyens a sa part dans cette situation. Mais les universités françaises ressemblent encore aujourd'hui plus souvent à des services déconcentrés de l'État qu'à des établissements réellement autonomes, ayant chacun une personnalité propre de nature à susciter de la solidarité entre leurs diplômés d'une part, et entre eux et leurs diplômés d'autre part.

Les universités françaises ressemblent encore aujourd'hui plus souvent à des services déconcentrés de l'État qu'à des établissements réellement autonomes.

Et leur faible autonomie a eu historiquement une conséquence très négative : toute différence entre universités a longtemps été niée par l'État-tutelle au nom d'une vision obsolète et contre-productive du service public. Comment provoquer la moindre "affectio societatis" chez des étudiants quand ils sont traités depuis des décennies comme des usagers d'un service public organisé de façon uniforme sur tout le territoire de telle sorte qu'aucune structure ne puisse construire sa propre personnalité et développer ses caractéristiques spécifiques ?

Les choses évoluent mais il faudra du temps. Et cette situation décourage l'implication des étudiants dans la vie des universités françaises. Ils y sont encore très souvent vus comme des empêcheurs de tourner en rond, et pas comme des parties prenantes responsables de la vie et des projets des établissements. Et les actions impliquant les alumni restent ainsi très limitées.

Des fondations impliquant trop peu les partenaires

Une seconde raison, plus institutionnelle, pourrait expliquer que les fondations autorisées par la loi LRU n'ont pas vraiment suscité d'enthousiasme et d'élan chez les alumni et les partenaires potentiels des universités. La loi de 2007 permet à celles-ci de créer des fondations universitaires et des fondations partenariales.

Les premières n'ont pas la personnalité morale. Les universités agissent pour ces fondations comme des tuteurs et ce sont leurs conseils d'administration qui en exercent tout le pouvoir budgétaire. Autant dire que les fondations universitaires n'ont de fondations que le nom. Elles apparaissent de facto comme un service interne de l'université, les alumni et les partenaires ne participant à aucune décision importante. C'est une situation peu motivante pour eux, alors qu'on leur demande de s'engager financièrement ou par des actions en nature.

Les fondations partenariales sont, elles, dotées de la personnalité morale. Elles sont formellement autonomes. Mais les ajouts de réglementation et les pratiques ont affaibli cette autonomie, et les fondations partenariales, dans leur très grande majorité, sont très contrôlées par les universités qui les ont créées, ne laissant là aussi qu'un rôle mineur aux partenaires et aux alumni. Il faudrait songer à faire évoluer sinon les statuts de ces fondations, du moins les pratiques.

Associer les anciens à la vie de l'établissement

Chaque université devrait organiser systématiquement le suivi de ses diplômés. Les fichiers d'anciens existent pour la plupart des filières professionnalisées et il n'est pas très compliqué de les reconstituer pour les docteurs. Il faut remonter le plus loin possible dans le temps, contacter tous les anciens, créer des newsletters pour les informer de ce que fait leur université aujourd'hui, les rassembler et surtout les associer à la vie de l'établissement, y compris en les faisant siéger dans les conseils, ainsi que leur faire une plus grande place dans la gouvernance des fondations.

L'enjeu est considérable pour les universités françaises, pour la diversification de leurs ressources et l'insertion professionnelle de leurs étudiants.

Il faut se fixer pour objectifs de créer des ponts entre anciennes et nouvelles générations, et de donner à tous une motivation pour valoriser leur lien avec leur université. On ne peut espérer créer l'"affectio societatis" qui fait tant défaut si on n'associe pas les étudiants, présents et passés, à la vie et aux grands projets de leur établissement.

Peut-être que cela ne suffira pas, mais une telle mobilisation n'a jamais été vraiment tentée jusqu'à présent. C'est un enjeu considérable pour les universités françaises, pour la diversification de leurs ressources et l'insertion professionnelle de leurs étudiants. C'est un enjeu majeur pour l'ensemble du système universitaire français s'il veut rompre avec une organisation du service public piloté jusqu'à présent de façon descendante par la tutelle ministérielle, très peu incitative pour l'engagement étudiant.

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- Lire la biographie EducPros de Bernard Belloc
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