"Vincent Peillon : une rentrée sur le fil du rasoir", la chronique d'Emmanuel Davidenkoff

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Entre réforme des rythmes scolaires et mise en place balbutiante de la nouvelle formation des enseignants, la première vraie rentrée de Vincent Peillon se joue sur le fil du rasoir. Les suivantes s’annoncent pourtant plus difficiles… Cette chronique a été publiée dans l'Écho républicain.

Qu'elle est ambiguë, cette première véritable rentrée de l'ère Peillon – la précédente ayant largement été préparée par le gouvernement sortant.

La réforme des rythmes scolaires, d'abord, finalement étalée sur deux ans. Elle était censée placer l'enfant au centre des attentions non seulement du système éducatif mais aussi de toutes les institutions qui concourent à son éducation, au sens large. Pourtant, au bout d'un an de discussions entre partenaires, les avancées apparaissent bien modestes, et les antagonismes institutionnels peinent à se taire au profit de l'intérêt réputé supérieur des enfants.

La "refondation" de l'école ensuite, soutenue cette année par 7.500 créations de postes d'enseignants et une loi d'orientation. Elle tardera par définition à montrer ses effets puisqu'elle ne touche pour l'heure que le primaire, et prétend en outre affecter la qualité de la pédagogie, ce qui ne va pas de soi. Un élève entrant cette année en CP sera en CM1 en 2017, à l'heure des comptes électoraux, autant dire qu'il sera prématuré de tirer un bilan définitif des effets de la réforme.

La formation des enseignants enfin, soutenue par la création d'Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPÉ) à la place des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). Elle a été rétablie sous des formes plus classiques, la gauche ne croyant pas aux vertus du compagnonnage prôné par Xavier Darcos et Luc Chatel. Mais cette fois c'est l'institution elle-même qui semble douter : plusieurs de ces ESPÉ n'ont obtenu qu'une habilitation d'un an de la part des autorités, ce qui n'est guère rassurant. Quant à la formation continue, elle demeure le parent pauvre du système, alors qu'elle seule pourrait permettre une accélération du changement, en s'adressant aux enseignants en exercice et pas seulement aux enseignants en devenir.

Plus que jamais, la distorsion des temps éducatif et politique pèse sur les ambitions du gouvernement. Comme le rappelle la journaliste du Monde Maryline Baumard dans l'essai précis et documenté qu'elle publie en cette rentrée (1), "il faut dix ans pour reconstruire une école". De s'interroger sur la méthode retenue : "La loi d'orientation a fait perdre un temps précieux, la réforme des rythmes scolaires a fait s'évaporer beaucoup d'énergie". Il reste quatre ans à la gauche pour transformer l'essai. Ils ne seront pas de trop pour s'attaquer aux priorités que Vincent Peillon a définies en cette rentrée : le collège d'abord, dont la réforme fait figure de serpent de mer, mais aussi l'éducation prioritaire, le lycée, les programmes, le métier d'enseignant... Autant de dossiers tous plus piégés les uns que les autres, qui feront peut-être apparaître les chantiers ouverts l'an passé comme d'aimables promenades de santé.

(1) L'école : le défi de la gauche. Plon, 2013.

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