Reportage

Une année à l’école des profs : "On est débordé"

Les enseignants-stagiaires réfléchissent à la construction d'un cours.
Les enseignants-stagiaires réfléchissent à la construction d'un cours. © erwin canard
Par Erwin Canard, publié le 21 novembre 2017
5 min

IMMERSION À L'ESPÉ. Épisode 3. Les enseignants-stagiaires du groupe lycée de l'Espé de Paris assistent à un cours de didactique. Problème : ils sont "débordés" par la préparation de leurs cours et souhaiteraient davantage s'atteler à ce travail plutôt que d'être en classe.

"Comment faites-vous pour enseigner l'histoire littéraire ?", demande, dès les premières minutes du cours de didactique, la formatrice Geneviève Di Rosa. Ce mercredi 15 novembre, dans la salle A119 du campus de Molitor (Paris, XVIe arrondissement), la moitié du groupe d'enseignants-stagiaires de l'Espé de Paris affectés en lycée suivent un cours intitulé "Enseigner l'histoire littéraire par le texte et l'image". La didactique, c'est "réfléchir à comment s'y prendre pour transmettre le savoir, impliquer et intéresser les élèves", explique l'enseignante. Les stagiaires de l'Espé de Paris suivront 18 séances de didactique durant leur deuxième année de master.

Le cinquième cours, en cette moitié du mois de novembre, a donc pour objet, notamment, l'enseignement par l'image. "On sait que c'est efficace avec les lycéens", assure Geneviève Di Rosa. La formatrice propose des images de tableaux : "Comment pourriez-vous travailler cela avec vos élèves ?" Et les enseignants-stagiaires, tour à tour, de décrire un cours qu'ils donneraient à partir du document. Les interactions entre eux et avec la formatrice sont nombreuses. Plus tard, ils réfléchiront, par groupe de quatre, à une séance complète.

"Je suis assez sceptique sur l'utilité de ce cours"

Malgré ce format de cours davantage participatif que magistral, les enseignants-stagiaires ne sont pas convaincus de l'utilité des cours de didactique. "Je suis assez sceptique, lance Mathilde. Un jour, on nous a demandé de faire une écriture d'invention... ce qu'on demande à des lycéens !" "Il n'y a pas assez de rapport avec ce qu'on fait en cours", renchérit une autre stagiaire. Le terme "infantilisant" revient ainsi dans la bouche de plusieurs d'entre eux. Une difficulté dont Geneviève Di Rosa semble être consciente. "Il ne s'agit pas de vous mettre dans une position d'élève", leur dira-t-elle pendant le cours.

"On est débordé..."

Les néo-enseignants estiment "apprendre davantage en observant le tuteur établissement ou en discutant entre collègues", selon une stagiaire. "Les cours sont trop théoriques, ils n'entrent pas assez dans le concret", indique une autre. Une théorisation pourtant nécessaire, selon Geneviève Di Rosa : "Ce que nous proposons peut venir bousculer leurs représentations du métier et n’est pas toujours facilement assimilable. En tant que professeurs, ils doivent souvent apprendre à faire l’inverse de ce qu’ils ont appris en tant qu’étudiants : penser un cours à partir du point de vue des élèves n’est pas facile. Ils ne sont pas tous mûrs pour cela à ce moment de l'année."

Pour Avril, si "beaucoup de choses intéressantes sont dites dans ces cours, le problème est que cela nous prend énormément de temps. Or, on est débordé…" La perception globalement négative des cours de didactique par les stagiaires serait-elle la conséquence, en fin de compte, de ce sentiment de ne pas avoir du temps à consacrer à ces enseignements ? "Le problème est le timing", confirme une stagiaire.

Même Geneviève Di Rosa, convaincue pourtant de l'importance des cours de didactique pour que les stagiaires "aient conscience de la nécessité de réfléchir à son enseignement", le concède : "Cette formation est indispensable même si elle constitue une charge de travail lourde et qu’elle implique un temps de maturation qui n’est pas toujours donné aux stagiaires puisqu’ils doivent tout régler dans l’urgence." "Cela nous prend du temps que nous n'avons pas", assure Mathilde.

"Nous dire comment réagir quand un élève se rebelle"

Pour que les cours de didactique soient davantage efficaces, Geneviève Di Rosa estime qu'il "en faudrait plus". "Mais dans la maquette de cours actuelle, ce n'est pas possible, regrette-t-elle. Ils ont déjà trop de cours. Le problème est que le mi-temps en stage, cela équivaut, pour un stagiaire, a davantage de travail qu'un temps complet. Ce serait préférable que le stage se déroule sur un tiers du temps. Actuellement, il se fait au détriment de la qualité de la formation."

Pour l'heure, ce que souhaiteraient les enseignants-stagiaires paraît en effet éloigné de l'histoire littéraire, comme l'énumère une stagiaire : "Nous dire comment réagir quand un élève se rebelle, quand il n'apporte jamais ses affaires, quand il ne veut pas s'asseoir, quand il déchire un énoncé…"

L'Etudiant en immersion à l'Espé

Comment les enseignants-stagiaires appréhendent-ils leur première année devant des élèves ? Comment vivent-ils cette année de M2 MEEF réputée lourde et difficile ?

Toute cette année scolaire 2017–2018, l'Etudiant vous amène au cœur de la promotion 2018 du M2 MEEF option lettres modernes de l'Espé (École supérieure du professorat et de l'éducation) de Paris (75), sur le campus Molitor (XVIe arrondissement). Vous suivrez les péripéties de la trentaine d'enseignants-stagiaires affectés en lycée, des cours qu'ils suivent… à ceux qu'ils donnent.

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