Interview

Laurent Wauquiez : "Pour développer l'alternance, il faut secouer la poussière à l'Education nationale"

Par Propos recueillis par Sandrine Chesnel, publié le 20 mai 2010
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Quinze jours après le rapport des Ateliers de l'apprentissage et de l'alternance qu'il avait initiés, Laurent Wauquiez a annoncé jeudi 20 mai le lancement du Portail de l'alternance, destiné aux jeunes à la recherche d'un contrat d'apprentissage ou de professionalisation. Le secrétaire d'Etat à l'Emploi a reçu l'Etudiant à cette occasion. Interview.

laurent WauquiezVous venez d’annoncer le lancement du Portail de l’alternance.  À quoi va-t-il servir ?

Notre objectif est de faire en sorte que plus de jeunes puissent plus facilement accéder à une formation en alternance. Jusque là, pour trouver un contrat, ils devaient souvent se contenter du bouche-à-oreille. Avec ce portail, nous leur proposons un lieu unique, pour faciliter leur recherche. Dans un premier temps, notre but est donc d’avoir un maximum d’offres en ligne – il y en a déjà plus de 20 000. Dans un deuxième temps, je veux que ce portail devienne un "Meetic" de l’alternance, qui permettra aux jeunes de déposer leur CV et aux entreprises de faire un certain nombre de démarches en ligne, comme les déclarations aux chambres consulaires ou aux OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés).

Le rapport des Ateliers de l’apprentissage et de l’alternance compte une quarantaine de propositions. Quelles sont celles qui ont le plus de chances d’être retenues ?

Je suis très attaché à toutes les propositions qui abordent le problème de l’orientation. Nous allons travailler là-dessus avec Luc Chatel, pour que les services d’orientation recommandent davantage l’alternance, qui a un taux d’intégration dans l’emploi quasiment deux fois plus élevé que les formations « classiques ».
Toutes les propositions qui visent à simplifier les démarches de recherche et d’enregistrement de contrat sont aussi intéressantes. Tout comme la définition d’un cadre de référence de l’alternance qui pourrait permettre de rendre plus lisibles les formations à l’échelle européenne, et contribuer à développer les échanges avec les autres pays.
En revanche, je m’interroge davantage sur l’élargissement du quota d’alternants aux TPE [très petites entreprises], et sur la création d’une nouvelle voie de l’alternance, avec les stages alternants. Sur ce dernier point, je suis favorable à des expérimentations sans affaiblir pour autant les contrats d’apprentissage et de professionnalisation. Mais le débat est ouvert.

En 2009, les primes à l’embauche d’un apprenti et le soutien apporté par l’Etat au déploiement des "développeurs de l’apprentissage" semblent avoir bien fonctionné pour amortir les effets de la crise. Mais depuis début 2010, les recrutements en alternance baissent à nouveau. N’y a t-il pas urgence à agir ? Quel est votre calendrier ?

Lors du sommet social du 10 mai, le président de la République a confirmé ma proposition de relancer l’alternance sur le long terme. Nous allons donc rencontrer les partenaires sociaux et les régions et négocier avec eux sur la base du rapport des Ateliers. J’espère que cette concertation aboutira à des annonces avant l’été ou juste après. Mais je suis lucide, notre dispositif ne sera pas opérationnel pour la prochaine rentrée. Par ailleurs, puisque la situation reste fragile, il a déjà été décidé de prolonger les primes à l’embauche et le soutien aux développeurs de l’apprentissage jusqu’en décembre 2010.

Lors des rencontres sénatoriales de l’apprentissage, le 11 mai 2010, vous avez dit que vouloir "secouer la poussière" à l’Éducation nationale. Qu’entendiez-vous par là ?

On ne fait pas assez la promotion de l’alternance. C’est une réalité. Il est essentiel que les services d’orientation recommandent davantage l’alternance, une voie qui permet de payer ses études, un vrai outil d’intégration et d’ascension sociale, qui permet d’aller jusqu’au niveau bac+5 ! Et pour paraphraser Lagardère, je pense que si l’Education nationale ne vient pas à l’alternance, c’est à l’alternance d’aller à elle. Organiser des journées d’informations sur l’alternance dans les collèges et les lycées peut contribuer à faire passer l’information.

Les jeunes apprentis souffrent parfois d’un manque de reconnaissance. Que leur proposez-vous ?

Parmi les propositions des Ateliers de l’apprentissage, il est prévu de permettre à tous les apprentis de bénéficier des mêmes avantages que les étudiants en terme de transports, de logement, de loisirs, etc. C’est une façon de montrer concrètement, dans les faits, qu’on croit à ces formations. J’ajoute que, dans le cadre du grand emprunt, nous allons aussi consacrer un budget de 250 millions d’euros à la rénovation des CFA (centres de formation des apprentis) et 250 millions pour le logement.

Beaucoup de jeunes en réorientation ou au chômage qui souhaiteraient se former en alternance au niveau bac ou infra bac rencontrent des difficultés quand ils ont plus de 21 ans : les entreprises leurs préfèrent des apprentis plus jeunes, qui leur coûtent moins cher. Comment lever cet obstacle ?

C’est un problème difficile. La plupart des jeunes qui sont dans ce cas postulent pour des contrats de professionnalisation, des contrats qui coûtent effectivement un peu plus cher aux entreprises que les contrats d’apprentissage. Nous allons donc chercher un moyen d’harmoniser le coût de ces deux contrats.

Pourquoi ne pas fusionner les deux dispositifs pour plus de lisibilité et d’efficacité ?

Je suis très réservé sur cette idée. Ces contrats ne s’adressent pas aux mêmes publics et n’ont pas les mêmes objectifs. Il faut les conserver tous les deux.

Quid du développement de l’alternance dans la fonction publique ? Le rapport de vos Ateliers fait bien des propositions pour développer l’alternance dans la "territoriale" mais ne dit rien sur la fonction publique d’État. Pourquoi ?

Ce qui est certain, c’est que dans nos propositions pour relancer l’alternance il y aura un volet sur la fonction publique. Le dispositif du PACTE [Parcours d’accès aux carrières de la fonction publique territoriale] est trop étroit et ne fonctionne qu’avec un public très ciblé. Pour développer l’alternance dans la fonction publique, il faut repenser l’articulation avec les modalités de recrutement, qui suppose la réussite à un concours. Dans tous les cas, le jeune pourra mettre en avant l’acquisition d’une formation et une première expérience professionnelle. C’est une piste de réflexion.

Un portail de l’alternance pour les jeunes en recherche de contrat
C’était l’une des propositions du rapport des Ateliers de l’apprentissage et de l’alternance : la création d’un portail de l’alternance pour aider les jeunes et les chômeurs dans leur recherche d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Au compteur du site inauguré jeudi 20 mai, déjà plus de 20 000 offres de contrats. Les annonces mises en ligne sont collectées auprès des différents partenaires du portail : les chambres de commerce et d’industrie, les chambres des métiers et de l’artisanat, le MEDEF, la Confédération générale des PME (petites et moyennes entreprises), l’Union professionnelle artisanale, Pôle emploi et le Centre Inffo.
À terme, Laurent Wauquiez prévoit de développer d’autres fonctionnalités comme la possibilité pour les entreprises de déclarer en ligne les embauches d’apprentis, et, pour les jeunes, de déposer leur CV à l’attention des recruteurs.

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