Décryptage

La BD "Sup de cons", une satire au vitriol du monde des écoles de commerce

Extrait de la BD "Sup de cons" de Zeil.
Extrait de la BD "Sup de cons" de Zeil. © Zeil
Par Cécile Peltier, publié le 19 avril 2017
1 min

Amoureux de BD, vous ne vous précipiterez pas sur "Sup de cons" pour la beauté de ses dessins ou la finesse de son scénario. En revanche, si vous sortez d'école de commerce ou envisagez d'en rejoindre une, cette satire du milieu, à paraître le 4 mai 2017, devrait vous amuser et vous alerter sur certaines pratiques.

Locaux pleins à craquer, cours de piètre qualité, étudiants étrangers – qui n'ont pas le niveau en français ou en anglais – recrutés pour faire du chiffre, partenaires à l'étranger médiocres... Zeil, l'auteur de "Sup de cons" (en référence aux "sup de co", l'ancien surnom des écoles de management), un universitaire franco-canadien, passé par l'équipe de direction d'une école de commerce hexagonale, dresse un portrait au vitriol d'une partie du milieu.

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Sa cible ? Certaines "écoles au-dessous du top 10" et qui, concurrence oblige, affichent les atours des grandes (enseignants-chercheurs étrangers, parcours en anglais, partenaires étrangers, etc.) sur leurs plaquettes, sans toujours avoir les moyens de transformer l'essai. 

Les héros de la BD, '"Gaëtan" et sa copine Gaëlle, jeunes diplômés de "Sup de co Mercure", nous dévoilent les dessous pas toujours très chics de l'établissement, situé à Mercure-sur-Mer. Une petite école consulaire qui dépense des fortunes pour vendre une expérience de calibre international à des élèves qui passeront une bonne partie de leur scolarité à boire ou à mener des projets associatifs socialement peu responsables. Tout cela pour se retrouver à la sortie "chef de rayon de supermarché". Le tout moyennant, baisse des ressources des écoles oblige, des frais de scolarité, eux, plutôt au top.

Des critères de sélection, un peu – voire franchement "light" –, aux partenaires à l'étranger et aux cours (parfois) de qualité discutable, en passant par les enseignants pas toujours très concernés par l'enseignement, les innovations pédagogiques cosmétiques, les stages-photocopies, la diversité sociale et culturelle de façade ou les missions humanitaires en mode "greenwashing" : tout y passe, et cela saigne comme dans les films gore.

Une satire qui dénonce les effets de la concurrence

Couleurs flashy, humour potache, successions de gags... "Sup de cons" est une satire. Dans une vraie école, difficile d'imaginer un trophée du meilleur stage de "garbagement" – pastiche des missions humanitaires – remis à un étudiant "pour avoir ingénieusement recyclé des préservatifs usagés d'Érythrée en flotteurs pour bateaux de migrants"

Vus aussi : un étudiant envoyé en échange académique à Shanghai dans une "école de ballet pour jeunes filles prépubères" ou une candidate qui explique au jury, à l'oral d'entrée : "Je veux intégrer votre sup de co car on part en stage à l'étranger dès la première année, et on y revient seulement en dernière année, pour la remise du diplôme".

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Sous la caricature, la BD décrypte les grandes tendances d'un marché devenu ultra-concurrentiel, où les plus petites des grandes écoles "ont une pression énorme pour rivaliser avec les meilleures, alors qu'elles n'en ont pas toujours les moyens", explique Zeil. Quitte "à vendre quelque chose aux étudiants, qui n'est pas toujours conforme à la marchandise. Par exemple, je n'ai jamais entendu parler d'étudiant qui mourrait dans la jungle du Mexique parce qu'il avait perdu le contact avec son université d'accueil, comme je l'ai dessiné. Mais je sais que parmi tous nos partenaires étrangers, certains étaient d'un piètre niveau", confie-t-il.

Des profs pas toujours disponibles

De la même manière, les bénéfices de la recherche, dans laquelle les écoles ont massivement investi ces dernières années pour satisfaire les critères internationaux, ne sont pas les mêmes partout. "Les meilleures écoles peuvent se permettre d'avoir un enseignant-chercheur qui donne des cours dans son domaine de spécialité, et rien d'autre. C'est alors une expérience académique très riche pour les étudiants. Dans les écoles plus petites, chacun doit enseigner un peu à droite et à gauche", assure l'auteur. Une réflexion qui a inspiré le personnage de M. Picandut, professeur de marketing, qui se retrouve à enseigner la négociation....

Idem pour les enseignants obligés d'enseigner en anglais, alors qu'ils n'ont pas forcément le niveau. "Les parcours anglophones, devenus quasi-obligatoires pour attirer le chaland, sont très souvent décevants", assure Zeil.

Quant au dessin du professeur qui s'enferme dans son bureau pour ne pas être dérangé par les étudiants, Zeil le justifie ainsi : "Ce qui enrichit le CV d'un enseignant-chercheur, c'est sa recherche, pas son enseignement. En conséquence, les professeurs ne sont pas forcément disponibles pour les étudiants".

Les anciens élèves : de bonnes sources d'info

À côté des conseils un peu téléphonés distillés sur un ton comique au fil des 50 pages – comme pas de piercing le jour de l'oral et lecture du "Figaro" obligatoire –, "Sup de cons" invite les candidats à ne pas se laisser berner par "les belles promesses de certaines plaquettes". Comment ? En se rendant par exemple aux journées portes ouvertes des écoles les "yeux grands ouverts" pour poser les bonnes questions. Reste-t-il des professeurs une heure après la conférence de présentation des programmes pour parler aux potentiels étudiants ? Le tout nouveau "super partenariat" avec une université étrangère est-il signé ? etc. Ou en contactant les anciens élèves pour se faire sa propre idée sur une formation.

Une fois sur place, il faut savoir profiter à fond des expériences de vie, "des amitiés, des voyages à l'étranger [...] et même quelques profs passionnés", qu"'en bons pros de la com', les sup de co vous offriront"... Un "livre noir" à prendre avec beaucoup de dérision et pas mal de recul !

"Sup de cons", le livre noir des écoles de commerce, de Zeil. Sortie le 4 mai 2017, aux éditions La Différence. 48 pages, 15 €.

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