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La méditation, un cours en vogue dans les écoles de commerce

GEM est l'une des seules écoles à proposer un enseignement autour de la pratique de pleine-conscience. Ici des étudiants expriment leur ressenti, à travers l'expression corporelle.
Un cours de pleine conscience à Grenoble école de management. © GEM
Par Cécile Peltier, publié le 04 avril 2018
9 min

La pratique de la méditation, depuis longtemps adoptée dans les universités anglo-saxonnes, gagne la France. Des écoles de management s'intéressent de près au sujet pour améliorer la concentration des étudiants, les aider à prendre du recul mais aussi être à l'écoute d'eux-mêmes et des autres. Des qualités indispensables pour de futurs managers.

Des étudiants assis bien droit sur leur chaise, les yeux mi-clos, les bras le long du corps, concentrés sur leur respiration en pleine méditation… Vous n'êtes ni dans un monastère ni dans un ashram, mais à Angers, dans un cours de macroéconomie du programme grande école de l’ESSCA, une école de management postbac.

Lassé de voir ses étudiants déconcentrés par les alertes de leur smartphone ou l’arrivée d’une nouvelle notification Facebook sur l’écran de leur ordinateur, Stéphane Justeau, professeur d'économie et directeur de l'Institut de pédagogie avancée de l'école, s'est demandé comment améliorer leur concentration. Et a eu l’idée de leur proposer des exercices de "pleine conscience". Une pratique méditative laïque héritée du bouddhisme qui a fait ses preuves sur le plan scientifique.

“À la fin des années 1970, Jon Kabat-Zinn, médecin et professeur à l’université du Massachusetts, a montré l’impact de la pratique de cette méditation sur les processus mentaux, l’attention, la régulation des émotions, énumère le professeur. Aujourd’hui, pas moins de 450 articles ont été publiés sur ce sujet."

Harvard, Stanford, MIT, Université de Warwick… De nombreuses universités anglo-saxonnes ont intégré la pleine conscience et les techniques de méditation à leurs enseignements. En France, la pratique est émergente. Les facultés et les établissements de formation de santé commencent à proposer des ateliers à leurs étudiants. Quelques écoles de management, qui font du développement personnel une partie intégrante de la formation du futur manager, se lancent elles aussi.

Méditer pour muscler son attention

Pour autant, la méditation conserve une image un peu ésotérique, et pour éviter de braquer les étudiants le professeur a d’abord placé l’exercice – appelé pudiquement "entraînement attentionnel" –, en fin de cours. De manière à permettre à ceux qui le souhaitaient de quitter la salle. Surprise : "Non seulement, les élèves sont restés, mais lors de la troisième séance, ils ont demandé à faire l’exercice, en début de cours", s'amuse-t-il.

Au programme : sept à huit minutes d'exercices de respiration. “Monsieur Justeau nous demandait d’écouter notre respiration, et de rester concentré sur elle. L’objectif étant, lorsqu'on se déconcentre, d’en prendre conscience afin de retourner à l’objet initial”, témoigne Nivenn, étudiant de quatrième année, qui fait partie de la vingtaine d'étudiants à avoir participé à l'expérience.

"Quand une pensée est sur le point d' émerger, on va l'accueillir et la laisser passer comme une coquille de noix sur un cours d'eau pour revenir à notre respiration…”, ajoute le professeur. Et “ça fonctionne", assure Nivenn. Son professeur confirme : “L’exercice a l'énorme mérite de poser les étudiants, de les mettre dans le contexte de l'enseignement qu’on va leur dispenser et de les rendre plus attentifs."

“S’offrir une vraie pause”

À Kedge (Bordeaux, Marseille), la pratique de la méditation a fait son entrée à l’école en 2014 à l’occasion de la “quinzaine du bien-être”. Depuis, les étudiants se pressent chaque année, en novembre, à l’atelier d’une dizaine d’heures de respiration et de méditation, dispensé par Amanda Schmitt, la responsable du centre Art de Vivre, une école située à Marseille. “On travaille sur des techniques de respiration, qui vont nous permettre de faire circuler les énergies. C’est assez surprenant au début, mais c’est une vraie pause et cela nous aide à prendre conscience de notre corps. Mais aussi à relativiser, d’être moins prisonnière de nos émotions, la colère peut passer plus vite, par exemple”, témoigne Léa.

L’étudiante de M2 fait aussi partie depuis quelques mois des habitués de l’atelier proposé tous les jeudis midi aux personnels et aux étudiants sur le campus de Marseille. “C’est un beau cadeau pour ces jeunes qui vont bientôt entrer dans la vie professionnelle”, se félicite Amanda Schmitt. "En tant que futurs managers, il est important que nos étudiants soient à l'aise avec ces notions", ajoute Alexandra Montaleytang, responsable du programme Wellness à l'école.

Former les futurs managers à l'écoute de soi...

"Beaucoup de difficultés en entreprise sont liées au fait que les différents collaborateurs ont du mal à entendre les signaux envoyés par leur corps",

observe Christelle Tornikoski, professeure de management à GEM. Une difficulté que la "pleine conscience" peut aider à résoudre.

La business school grenobloise a été l'une des premières à s’intéresser, il y a vingt ans, à la pleine conscience. Et la seule sans doute à proposer à ses étudiants du programme grande école une spécialisation de 27 heures centrée sur le sujet, alliant connaissances du domaine de la santé et du monde de l'entreprise, et pratiques de la pleine conscience et de l’intelligence collective. Nom de code : “La force du manager de demain : réflexivité et cœur à l’œuvre”.

Le centre de développement personnel et managérial de GEM propose à l’ensemble de ses étudiants des ateliers "pleine conscience".
Le centre de développement personnel et managérial de GEM propose à l’ensemble de ses étudiants des ateliers "pleine conscience". © GEM

Pas de table ni de chaise, pas plus que de portable et d’ordinateur. Étudiants, armés d’un crayon et d’un blocs-notes, sont assis en cercle à même le sol, au côté des enseignants, Christelle Tornikoski et Sébastien Didelot, kiné de formation et spécialiste du corps, qui dispensent le cours en tandem à "90 % expérientiel".

... et des autres

Au programme : 1 heure 30 autour du “rapport à soi”, fondée sur une séance pratique de pleine conscience, suivie d’un “approfondissement philosophique ou scientifique” ; puis 1 heure 30 pour dépasser la simple discussion et "entrer en dialogue" entre étudiants. Parmi les exercices proposés : chacun doit présenter pendant 10 minutes, à tour de rôle, et en sous-groupes, leur œuvre préférée.

Des règles très précises avaient été édictées afin d'éviter que celui qui parle ne soit interrompu. Chacun a ensuite pu exprimer ce qu’il avait ressenti. Un moment fort : “Un étudiant, les larmes aux yeux, nous a dit qu’il avait eu le sentiment d’avoir été écouté pour la première fois de sa vie”, se souvient Christelle Tornikoski.

D’abord un peu circonspect, Maxime, a été convaincu : “Au début, quand on voit l'intitulé du cours, on peut avoir pas mal d’a priori, mais en lisant le syllabus, on se rend compte que c’est vraiment complet. Et une fois sorti, on se sent tellement mieux. On entre dans un endroit où le temps s’arrête et où l’on peut vraiment être soi-même”.

Une préparation à leurs futures fonctions de managers : “L’idée du cours est de faire comprendre aux élèves que dans le monde du travail, l’essentiel, ce n’est pas seulement la tâche à accomplir, c'est aussi le fait d’être capable d’y associer l’écoute de soi, de l’autre, la compréhension du contexte, afin de construire une relation de qualité avec l’autre, qu’il s’agisse d’un collègue, d’un sous-traitant, d’un client”, souligne l’enseignante.

En stage dans une agence de conseil et de communication dans le cadre de son année de césure, Maxime en mesure les bienfaits au quotidien : “Grâce à ce cours, j'ai appris à me faire confiance, mais aussi à prendre du recul. On prend conscience du fait que tout le monde a ses cadres, ses névroses. Cela rend plus tolérant et donc plus efficace dans le travail de groupe. À méditer...

Et si vous montiez votre propre atelier ?

En arrivant à Sciences po Paris dont il est aujourd’hui jeune diplômé, Pierre, 22 ans, a cherché une association de "pleine conscience". N'en trouvant pas, il a créé sa propre structure : “Mind the Gap”. Et fort de ces années de pratique au sein de l’École de méditation occidentale a pris la direction des opérations.
Au programme : une heure hebdomadaire, composée d’un temps de pratique, suivi d’une discussion sur la manière dont la méditation peut guider la vie d’un étudiant.

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