Reportage

"Mec marrant", "grande perte"… L’ESSEC regrette son directeur devenu ministre

Sur le campus de l'ESSEC, la plupart des étudiants regrettent le départ de leur directeur.
Sur le campus de l'ESSEC, la plupart des étudiants regrettent le départ de leur directeur. © PC/L'Etudiant
Par Paul Conge, publié le 18 mai 2017
1 min

L'ESSEC n'a plus de directeur depuis le mercredi 17 mai 2017. Jean-Michel Blanquer est parti au gouvernement, nommé ministre de l'Éducation nationale. Les étudiants de l'école de commerce sont ravis pour lui, mais tristes pour leur école. Les critiques envers l'ancien dirigeant sont rares. Reportage.

À Cergy-Pontoise, sur le campus de l'ESSEC, il y a un absent ce 18 mai : Jean-Michel Blanquer. Il en était encore directeur général la veille. Mais depuis, il a été nommé ministre de l'Éducation nationale dans le gouvernement d'Édouard Philippe. Le forçant à laisser les clés de cette grande école de commerce après quatre ans d'exercice. "Quand on a appris la nouvelle hier, on était dans l'amphi, en plein cours, et tout le monde s'est levé en applaudissant, s'emballe Alexandre, 27 ans, étudiant en finances d'entreprise. On est vraiment hyper content pour lui."

Dans le hall d'entrée de l'ESSEC, de grands escaliers blancs semblent sortir du sol en carrelage marron. Adrien, 24 ans, attrape un exemplaire du "Monde" sur le kiosque à journaux planté au milieu, et qui expose aussi le "Wall Street Journal" du jour ainsi que d'autres titres de la presse financière. "J'ai été surpris de sa nomination. Mais elle a immédiatement confirmé l'image qu'on avait de lui à l'ESSEC."

Le fait que Blanquer soit bardé de diplômes lui attire bien des admirateurs au sein de sa communauté étudiante. "Tout le monde croit qu'il a été nommé parce qu'il est à la tête de l'ESSEC, mais il était bien plus que ça. Il a été deux fois recteur d'académie, docteur en droit..." liste Agathe, qui bûche ses cours de droit à l'entrée du K-Lab, un laboratoire expérimental qu'a ouvert l'ancien directeur. À cette liste, on pourrait ajouter son diplôme de Sciences po, sa maîtrise de philosophie à l'université Panthéon-Sorbonne... "Il a un parcours absolument remarquable", renchérit un autre étudiant.

Un directeur "proche de ses élèves"

Jean-Michel Blanquer cultivait l'image d'un directeur accessible. Pas du genre à se calfeutrer dans son bureau, il se joignait aux événements organisés par l'administration ou par le Bureau des étudiants (BDE). Le tout dans un certain esprit corporate. "Il était très proche de ses élèves. C'est un mec marrant. Il était là au gala, il venait en soutien de l'équipe de rugby, il commentait les statuts des élèves sur les réseaux sociaux...", se souvient Miya, 21 ans, inscrite dans le parcours "grande école". Elle sort son téléphone, fait défiler son écran. Puis, sur sa chaise colorée de la cafétéria, montre un statut Facebook posté par une association sportive de l'école, "Je soutiens l'équipe de rugby !", sous lequel le nom de Jean-Michel Blanquer apparaît, avec ce commentaire : "Moi aussi !". Miya sourit. Un autre étudiant tempère pourtant : "Il passait aussi beaucoup de temps à Singapour, où le campus venait d'être refait."

Une "grande perte" ?

À côté du platane de la cour de l'ESSEC, au cœur de l'école, Clément boit son café à petits traits. "Même si on le pressentait pour ce poste, on est très triste. Son départ est une grande perte." Pour sa voisine, Isaure, "unanimement, il a redoré le blason de l'école." "Il a réussi à instaurer des doubles diplômes, des chaires supplémentaires et à faire remonter l'école dans le classement du 'Financial Times'", appuie Alexandre, étudiant en finances. Tombée à la huitième place en 2013, l'ESSEC est aujourd'hui en deuxième position du célèbre palmarès du quotidien britannique. Un motif de fierté pour beaucoup.

Adrien, depuis six mois en Mastère Spécialisé en entrepreneuriat, est convaincu que ce bon résultat est le fruit de la politique qu'il a menée à la tête de l'école : "Il est à l'origine de la stratégie d'expansion, avec l'ouverture des campus à Singapour, Rabat, et bientôt à l'île Maurice ! Il a vraiment une très bonne vision de ce que doit être une grande école internationale".

Des frais d'inscriptions en hausse

Dans la cour, cigarette à la main, Cassandra est plus sceptique. "Depuis quelques années, les frais de scolarité ont beaucoup augmenté. [Ils sont en moyenne de 13.500 € par an, NDLR] Difficile à dire si Jean-Michel Blanquer fera maintenant un bon ministre. On peut aussi se demander si on ne va pas aller vers plus de privatisation de l'enseignement, et plus d'inégalités sociales."

Lire aussi : Frais de scolarité : les écoles de commerce toujours plus haut 

Aux yeux d'Estefania Santacreu-Vasut, une professeure de macroéconomie croisée à la cafétéria, "il a côtoyé beaucoup d'étudiants en fin de parcours et sait où il veut les mener. L'une de ses marques à l'ESSEC, c'était l'innovation pédagogique. Il a mis en place des classes inversées, des parcours qu'on appelle des "projets", où l'on suit en parallèle des cours et des ateliers, comme notre atelier "genre et finances"".

Elle regrette les "raccourcis" qu'elle estime être faits vis-à-vis de ce directeur d'école de commerce, "perçu comme élitiste". Il est en effet souvent épinglé, et ce encore récemment, par des spécialistes de l'éducation. L'enseignante réplique en citant les partenariats public-privé qui existent entre l'ESSEC et l'université de Cergy, que Jean-Michel Blanquer a contribué à construire. Personne, pour l'heure, n'est pressenti pour le remplacer à la tête de l'école de commmerce. 

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