Témoignage

“Je porte le voile à l’université” : des étudiantes témoignent

Le voile à l'université : un sujet qui fait débat... ou pas.
Le voile à l'université : un sujet qui fait débat... ou pas. © Ian Hanning / R.E.A
Par Aurore Abdoul-Maninroudine, publié le 26 avril 2016
1 min

Yasmine, Meriem et Léna* étudient à la fac et portent le voile. Alors que le Premier ministre, Manuel Valls, a relancé le débat sur l’opportunité d’une loi l’interdisant à l’université, les trois jeunes femmes racontent leur quotidien d’étudiantes voilées.

"Je n'ai jamais eu de soucis ni avec des professeurs, ni avec des étudiants. Le fait de porter le voile n'a pas d'impact sur mon expérience d'étudiante", assure Meriem, inscrite en première année de master de psychologie à l'université Jean-Jaurès, à Toulouse. D'ailleurs, argumente-t-elle, le succès du hashtag #VraisProblèmesUniversité en est la preuve. Alors que le Premier ministre Manuel Valls s'est prononcé en faveur d'une interdiction du voile à l'université, les étudiants ont dénoncé via ce hashtag les problèmes concrets auxquels ils sont confrontés : amphithéâtre surchargés, salles insalubres, manque d'enseignants...

Engagée dans la vie de son université à travers l'association EMF (Étudiants musulmans de France), ancienne élue au Cévu (Conseil des études et de la vie universitaire) à l'université Lille 3, Meriem trouve cette réaction des étudiants "rassurante". "Mais c'est sûr qu'à force de vouloir faire du voile un objet politique, le risque de marginaliser les étudiantes qui le portent existe", s'inquiète-t-elle tout de même.

"L'université est encore un espace protégé"

Pour Meriem, l'université est donc encore "un espace protégé, ouvert au dialogue et à la diversité". Alors que, dans la rue, elle dit ressentir les tensions liées au débat politique – elle se fait régulièrement dévisager de haut en bas, parfois apostrophée –, l'ambiance à la fac lui semble "plus légère". Bien sûr, il arrive que des étudiants la questionnent sur son choix de porter le voile ou sur l'islam, mais "cela ne [la] dérange pas et, en fait, c'est plutôt rare", insiste-t-elle.

Yasmine, elle, est en PACES (première année commune aux études de santé) à l'université Paris-Diderot et veut devenir médecin. Interrogée sur ses relations avec les étudiants, elle fait part de sa "bonne surprise". "Honnêtement, j'appréhendais un peu, je m'attendais à plus d'intolérance. Certains étudiants désapprouvent peut-être mon choix de porter le voile, mais en tous cas, devant moi, ils sont sympas et accueillants. Je crois aussi qu'ils sont surpris : je suis inscrite en médecine, j'ai des ambitions et j'affiche ouvertement mon envie de réussir. En cela, je ne corresponds pas à la représentation que se font certains d'une femme voilée."

"Des débats très loin de nos préoccupations"

Selon l'étudiante, tout est peut-être "une question d'attitude". "Quand on porte le voile, explique-t-elle, on a tendance à anticiper des réactions négatives et à se mettre de côté, à s'autocensurer. Moi, je fais la démarche inverse, je vais toujours vers les autres."

Le rythme de travail exigé des étudiants en PACES explique aussi, suggère Yasmine, l'absence de débats ou de réactions sur le voile. "Je n'étais même pas au courant de la polémique autour des propos de Manuel Valls, avoue-t-elle, un peu gênée. Entre étudiants, on ne parle jamais de ça. Le concours approche, on travaille beaucoup. Tous ces débats sont très éloignés de nos préoccupations."

De son côté, Léna*, étudiante en M1 de communication à l'université d'Aix-en-Provence et membre de l'Association des étudiants musulmans d'Aix-en-Provence, fait part d'une expérience plus nuancée. "Bien sûr, il arrive qu'on ait des petites remarques des enseignants ou du personnel administratif, que l'on se fasse dévisager de manière ostentatoire. Mais heureusement ces moments désagréables ne sont pas fréquents."

"On discute de tout, rien n'est tabou"

L'expérience du port du voile est également très différente selon la filière, précise Léna. "Chaque UFR a sa réputation. En droit, par exemple, les professeurs sont connus pour être peu conciliants quand on porte le foulard." À l'inverse, au sein de la faculté de lettres, l'atmosphère est "plutôt saine grâce à l'action du doyen". "Alors qu'un enseignant avait recalé des étudiantes voilées arrivées en retard en amphi – ce qui arrive souvent à d'autres sans que cela soit un problème – le doyen a soutenu les étudiantes", raconte-t-elle.

Les débats sont nombreux mais Léna y voit un point positif : "C'est un territoire d'étudiants plutôt à gauche. La plupart ont grandi dans un environnement où la religion est vaguement présente, en arrière-plan. Le foulard suscite des questions, mais cela ne m'a jamais gênée. Parfois, les échanges sont vifs, mais c'est normal. Au moins, on discute de tout, de manière très libre. Rien n'est tabou."

* Le prénom a été changé à la demande du témoin.

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