Enquête

"Gouffre à temps libre", "l'enfer"... Quand les étudiants taclent leur administration

Pour protester contre l'administration qu'ils jugent trop lente, trop lourde, trop complexe, les étudiants se lâchent sur les réseaux sociaux.
Pour protester contre l'administration qu'ils jugent trop lente, trop lourde, trop complexe, les étudiants se lâchent sur les réseaux sociaux. © Twitter/Captures d'écran
Par Paul Conge, publié le 09 décembre 2016
1 min

De Facebook à SnapChat, les étudiants déballent tout. Les réseaux sociaux sont devenus le miroir grossissant de leurs galères. Épisode 2, les lourdeurs administratives de la fac.

"Cancer", "scandale", "monde parallèle"... Dans la barre de recherche Twitter, il suffit de taper deux mots, "administration fac", pour se heurter à un déluge de commentaires hargneux de la part d'étudiants blasés. À grands renforts de GIF, mèmes et autres avatars célèbres sur le Net, ils blâment quotidiennement les travers de l'administration de l'université : ses lourdeurs bureaucratiques, son côté kafkaïen, la lenteur de ses procédures…

Épisode 1 : Sur les réseaux, la sous-alimentation des étudiants s'exprime sans fard

Plusieurs blogs Tumblr, comme Déboires d'étudiantes, ou Galères étudiantes forte de plus de 43.000 fans sur Facebook, ont fait de cette frustration leur fonds de commerce. Spécialisé dans la dénonciation comique de la condition étudiante, le second surfe sur cette vague avec sarcasme. "Attention ! Voici une secrétaire de l'université en pleine action", publie l'animateur de la page, assorti d'une vidéo d'un… paresseux (le mammifère), tout à fait immobile.

Le paresseux, érigé en animal totem de l'administration, est devenu un running gag. D'où ce tweet d'Eva, étudiante en L3 de droit à la Sorbonne :

Maître-mot, la lenteur

Les procédures d'inscription, qui font office de premier contact avec l'administration, sont souvent les plus visées. "Je vais, pour la troisième fois dans la semaine, demander à l'administration de ma fac s'ils ont réglé mon problème d'inscription, et ils n'ont pas encore traité ma demande", soupire dans un billet Déboires d'étudiantes. En guise d'illustration, un homme déguisé en panda qui jette des feuilles partout dans un bureau. 

À mesure que les tweets s'égrènent, les récriminations augmentent. Les services administratifs sont vus comme un "gouffre à temps libre", ou auraient "deux de tension".

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Manque de réactivité ou incompétence ? La question reste ouverte.

La fac, c'est aussi des erreurs de date.

Notez que du côté des étudiants, la patience fait défaut. 

Les étudiants rudoient surtout la complexité de l'organisation. Jamais le bon document, des justificatifs demandés mais introuvables... Alors certains se sentent perdus. Sur le groupe Facebook Étudiants de Rouen, une étudiante en chimie organique, par ailleurs salariée, témoigne de ses difficultés : "La fac me demande une pièce justificative de mon emploi lors de mon inscription (...) Je leur ai fourni mon contrat de travail, une feuille de paie, tous refusés." Conclusion de l'imbroglio : "Si une personne sait quelle pièce justificative fournir, je suis preneuse." Débonnaire, une dénommée Léa lui conseille de rendre "un papier avec les horaires précis pour attester que tu travailles pendant tes heures de cours". 

Et sur Twitter, la complainte n'est pas si différente. Exemple ce 28 novembre. "La fac, ils ont six numéros [de téléphone] différents pour le bureau des inscriptions, et ils n'arrivent pas à répondre. Je. Déteste. L'administration", gazouille une étudiante. Une scène fameuse des "Douze travaux d'Astérix" vient à l'appui de ce propos pour illustrer le caractère kafkaïen de l'administration :

Des administrations "débordées" et en sous-effectif

Une question reste en suspens : pourquoi les étudiants détestent-ils tant leur administration ? Ces ras-le-bol sont-ils les mêmes que ceux dirigés contre les fonctionnaires en général ? Oui, à en croire Karima Boulhouchat, secrétaire nationale du syndicat SGEN-CFDT. "Délais pour l'obtention des diplômes, difficultés à s'inscrire dans les temps, et donc à avoir accès aux bourses et aux APL... Il y a des délais qui ont une part incompressible, quelle que soit l'administration, car ils sont générés par une réglementation nationale qui se veut assez lourde." 

La syndicaliste, qui a elle-même travaillé dans un service d'orientation à l'université de Haute-Alsace, énumère d'autres raisons. "Les finances des universités se sont passablement dégradées, et une des variables d'ajustement, ce sont les effectifs de scolarité, où la tentation est grande d'y supprimer des postes.

Lire aussi : Loi sur l'enseignement supérieur et la recherche, les points essentiels de la loi Fioraso

Elle pointe que pendant les "périodes sensibles", à l'instar des inscriptions, "les services sont débordés compte tenu des attentes et de la complexité de ce qui leur est demandé. Leur travail est même sous-évalué par leur propre administration, qui méconnaît la charge qu'il représente. Inscrire c'est une chose, il y a ensuite le suivi, de l'accueil à la délivrance de sa carte, ça ne se fait pas d'un clic..." Pour tenter d'y remédier, certaines facultés ont instauré un guichet unique, qui permet de compléter son inscription en une demie-journée. De quoi rendre les étudiants plus compatissants ?

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