Décryptage

Université : que vaudront les diplômes du crû 2009 ?

Par Camille Stromboni, publié le 09 juin 2009
1 min

« Je me suis battue pour que le rattrapage des cours soit solide, afin que cette année universitaire ne soit pas une année gâchée avec des diplômes au rabais », affirmait rassurante Valérie Pécresse dans Le Monde du 2 juin 2009. Des diplômes au rabais ? L’inquiétude des étudiants porte en effet désormais sur la valeur de ce sésame pour rejoindre un marché du travail en crise. Nous avons pris le pouls auprès d’acteurs plaçant ou recrutant des jeunes diplômés d’université.

Quatre mois de blocage pour certaines universités… Un mois seulement pour rattraper les cours d’un semestre… Les étudiants ont quelques raisons de s’inquiéter. L’UNI (Union nationale interuniversitaire) déplore déjà le « coup de frein » porté par cette crise universitaire à deux ans de travail de rapprochement entre l’université et l’entreprise.

« Les premiers échos des chefs d’entreprise, de manière générale, c’est une grande interrogation sur l’utilité de faire des études à l’université, raconte Olivier Vial, délégué national du syndicat de droite. Sachant que la majorité des grands groupes mène déjà une politique qui exclut ceux qui viennent de l’université… On a peur que ça empire, avec une image dégradée des établissements ».
 

« Cela n’inquiète pas les entreprises »

 
Une angoisse partagée par les recruteurs ? Pas vraiment. Ces derniers semblent, une fois encore, plus sereins que les étudiants.

Coordinateur de l’opération Phoenix, qui fait le lien entre les étudiants de filières littéraires - les plus touchées par le récent mouvement de contestation - et de grandes entreprises, Bernard Deforge estime ainsi que même « si cette crise n’est pas faite pour arranger les choses, il n’y aura pas de conséquences immédiates ». L’ancien doyen de la faculté de Caen s’explique : « Cela n’inquiète pas les chefs d’entreprise. Il existe en effet un processus de recrutement qui leur permet toujours de vérifier les aptitudes des candidats, quelle que soit leur fac d’origine. Il y eut des époques anciennes [mai 68 ndlr] où les étudiants n’allaient pas en cours et cela ne les a pas empêchés de réussir, ajoute-t-il avec un brin d’ironie. Il y a beaucoup de travail personnel à l’université. »
 

« Il n’y pas de hit parade des universités les plus touchées »

 
Même son de cloche chez Thierry Laffond, responsable de la Banque de stages en entreprises pour étudiants du pôle universitaire européen du Languedoc-Roussillon : « il n’y a pas un hit parade des universités les plus touchées. Les interrogations des chefs d’entreprises portent peut-être sur les dégradations dans les facs, mais pas sur la qualité des diplômes ».

Les chiffres qu’il avance confirment son propos. « Pour la période de mai à septembre : à ce jour, nous avons 463 offres. Par rapport aux années précédentes, ce sont des chiffres classiques », décrit-il. Il ajoute néanmoins que « l’étudiant diplômé en 2009 indiquera peut-être que son université n’était pas en grève », tout en précisant que sa structure s’occupe d’abord des stages : un statut où le « challenge [du recrutement] est négociable. L’enjeu est peut-être différent pour un emploi ».
 

Une crise dangereuse si elle se répétait

 
Si Bernard Deforge ne pressent pas de bouleversement d’attitude chez les recruteurs vis-à-vis des diplômés 2009 de l’université, c’est aussi en raison du caractère ponctuel du mouvement de contestation. « Si ces longs blocages se répétaient tous les ans, les entreprises renonceraient peut-être à l’université ».

Et côté entreprises justement ? Membre de l’opération Phoenix, Axa embauche dans ce cadre chaque année près de 10 candidats venant de l’université (filières SHS). La société d’assurances ne se limite pas pour autant à cette opération, pour recruter dans les filières universitaires. En effet, au niveau bac + 5, parmi les 200 à 300 collaborateurs embauchés (en CDI) chaque année dans les métiers de la finance, de l’audit, du juridique, de la souscription de contrats d’assurance, de l’actuariat, du marketing, etc. la moitié est issue des écoles d’ingénieurs et de commerce, l’autre de l’université, selon Serge Morelli, directeur des ressources humaines Axa France.
 

Embaucher des étudiants de fac pour diversifier les profils

 
Pourquoi l’entreprise s’intéresse-t-elle tant aux profils universitaires ? « Cela s’inscrit dans une volonté de diversifier nos sources de recrutement, explique le DRH, nous pensons en effet que le développement de l’innovation dans une entreprise vient de la diversité des profils recrutés. »

Cette vision sera-t-elle entachée par quatre mois de crise et de blocages dans les établissements ? Pas du tout, selon lui. « Cela ne rentre absolument pas en ligne de compte, affirme-il, je fais confiance aux universités concernant la valeur des diplômes ». C’est maintenant à l’université d’honorer ce contrat.

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