Reportage

Cours de rentrée à Sciences po Paris : comment prendre la parole en public ?

Par Camille Stromboni, publié le 06 septembre 2010
1 min

A quoi pourrait ressembler votre premier cours à Sciences po Paris ? Illustration avec une leçon bien particulière, donnée aux étudiants de première année de l'IEP lors de leur semaine de rentrée 2010, intitulée : "Prendre la parole en public".

"Quelqu'un sait ce qu'on est censé faire ici ? " Il est 9h00, salle 305, à l'IEP (institut d'études politiques) parisien un samedi matin de septembre. C'est la semaine de rentrée pour les 15 étudiants présents. Au programme : "Prendre la parole en public". Mystérieux. Un par un, chacun inscrit son prénom sur une petite étiquette autocollante. Thomas Hervé, le professeur, ancien animateur de Culture pub, chroniqueur sur la matinale de France 2 et sur Paris Première, oriente la classe encore endormie d'un ton clair et entraînant.

Premier secret : toujours soigner l’attaque

Une petite histoire pour commencer. Celle de Darren Lacroix, gagnant du championnat américain des "speakers" (The world champion of public speaking). Quel est son secret ? Il en a quatre et Thomas Hervé va nous les livrer. Suspens. Le premier ? Il vient de l'illustrer, c'est l'attaque ! Rien de telle qu'une histoire pour capter l'attention de l’auditoire.

"Le truc, ce n'est pas de vous donner des techniques pour dire tout et son contraire !"


"La prise de notes n'est pas nécessaire, nous allons essayer de vivre ces fondamentaux et de s'en rappeler", indique l'enseignant. Pratique ! Deuxième secret : le corps est un outil, comme le stylo pour l'écrit. "Vous mettez combien de temps à apprendre à écrire ?" Après un petit sondage, verdict : 10 ans. "Apprendre à parler avec son corps, en revanche, c'est curieux mais il n'y a pas du tout de cours !". Une anomalie à rattraper. Troisième règle : la passion est contagieuse. Et le fond, ça compte. "Le truc, ce n'est pas de vous donner des techniques pour dire tout et son contraire ! Mais des techniques pour vous permettre d'exprimer vos valeurs. Vous voulez peut-être changer le monde, non ?".

Se présenter en une minute devant la caméra

Dernier secret : la pratique ! Incontournable et ça débute maintenant. Grâce à la caméra et à l'écran placés dans le coin de la petite salle rectangulaire haute en plafond avec deux grandes fenêtres. Plus moyen de se défiler. Premier exercice : se présenter en une minute. "L'horreur", susurre ma voisine. Avant de se lancer, Thomas Hervé lance une petite astuce. "Pour éviter le "bonjour, je m'appelle Marc, j'ai 17 ans, j'ai fait un bac S dans le lycée Saint-Jacques à Marseille", fixez-vous un cadre, un angle, une piste qui va captiver notre attention". Exemple : parler de soi au travers d'une passion, d'un trait de caractère ou d'un événement marquant".

"Je n'ai aucune idée, je vais faire bateau"


Premier challenger : Vincent. Dur, dur... "Je n'ai aucune idée, je vais faire bateau", lance-t-il d'entrée. La caméra tourne, l'enseignant encourage la parole, chacun se lève tour à tour. Pour Justine, lilloise, c'est son investissement dès toute petite dans les conseils communaux pour enfants qu'elle souhaite partager. "Ne regardez pas seulement la caméra mais aussi votre public". Les conseils sont distillés au fur et à mesure par Hervé Thomas. "Vous allez croire que je suis prétentieux", débute Renaud, d'une famille partagée entre des polytechniciens ou majors d'Harvard du côté de sa mère et des paysans du côté de son père, milieu dans lequel le le plus haut diplôme obtenu est le brevet des collèges. Une situation qui le fascine.

Josépha, elle, a choisi d'évoquer sa croyance en Dieu depuis ses 8 ans. "Dès qu'on parle de religion, au lycée ou au collège, il y a un blocage. J'ai envie de libérer ce blocage, donc je vous en parle". Quelle chute ! Pour sa part; Marine a vaincu sa peur du vide avec l'alpinisme. Originaire du Nord-Pas-de-Calais, Pierre ose le trait d'humour - "je ne suis pas consanguin" [rires] - sans oublier de rappeler que la braderie de Lille, c'est ce week-end !

Attention au tract paralysant

Attention, c'est l'heure de traverser le miroir. C'est-à-dire... de se regarder à la télé et de commenter, le tout dans la "bienveillance", prévient Hervé Thomas. "On détermine tout de suite le point positif. Ensuite, on voit les points sur lesquels il faudrait travailler".

Vincent a un très beau sourire. Une vraie arme. Mais attention au tract paralysant, il faut travailler pour en faire un tract galvanisant. La vidéo continue à tourner. Gare aux hésitations, mieux vaut dans ce cas un silence. Celui-ci a "de la présence", souligne une camarade. Un atout de taille signifiant qu'il dispose d'une bonne verticalité, celle de l'orateur, qui lui permet d'avoir une voix totalement alimentée en air. "C'est fluide". "Il parle trop vite". Les commentaires s'enchainent. "Quand je dis, "c'est à vous Martin", et que vous commencez en disant "bonjour, je m'appelle Martin", cela ne sert à rien. Mais même de grands PDG font cette erreur", rassure l'enseignant. C'est l'heure de la pause.

Exemple à suivre : Barack Obama

Il reste encore trois heures pour apprendre à placer sa voix, choisir le bon ton, trouver la position adéquate pour faire passer son discours. Sans oublier l'importance de l’entrée sur scène. Avec de petits exercices pratiques, en rond ou en utilisant l'espace vide entouré de chaises. Vidéos à l'appui également : Barack Obama arrive en dansant dans un talk-show américain, avec une aisance remarquable. Un modèle difficile à atteindre, mais c'est en tout cas en bonne voie.

Le test "grandeur nature" : un débat avec tous les étudiants
Après le petit échauffement au sein de ce cours (8 heures au total), le passage à la mise en pratique est immédiat. 1.500 étudiants - 950 de première année et les étudiants internationaux du Welcome program qui ont également suivi ce cours - vont débattre ensemble, le 11 septembre 2010, au sein d'amphis réunissant entre 100 et 150 d'entre eux.Au programme trois thèmes : "La démocratie est-elle bonne partout ?", "Faut-il généraliser la vidéosurveillance ?", Faut-il expulser les Roms ?". Egalement des thèmes non préparés, pour tester l'improvisation.Deux équipes de trois - l'une pour, l'autre contre - s'opposeront sur scène, avec au centre un animateur. Le vote du public interviendra avant et après les discussions, afin de mesurer l'impact des arguments de chacun. Ça promet !


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