Décryptage

Redoubler sa seconde : cela en vaut-il la peine ?

Réflexion
Réflexion © Shutterstock
Par Isabelle Dautresme, publié le 13 avril 2014
1 min

Chaque année, des élèves de seconde se voient refuser le passage dans la classe de 1re de leur choix. Faut-il redoubler ou contester la décision ?

La France se situe parmi les pays de l'OCDE qui font le plus redoubler leurs élèves. En 2012, le taux de redoublement en seconde était de 13,7 %. Pourtant, en France, faire deux fois la même classe se voit de moins en moins, même au lycée ! Depuis cinq ans, la proportion d'élèves ayant suivi deux classes de seconde a baissé de 4,5 points. Les détracteurs du redoublement le jugent très onéreux et peu efficace, quand d'autres y voient l'occasion de faire une pause et de repartir sur de meilleures bases.
  

Redoubler, ça vaut le coup ?

Selon Thierry Verger, proviseur du lycée Thiers, à Marseille (13), “pour qu'un redoublement de la seconde soit efficace, il faut que l'élève soit sérieux, qu'il ait un vrai projet professionnel et conscience des enjeux de la classe de première”. Au final, peu d'élèves remplissent ces conditions. Seulement 6 ou 7 sur les 310 élèves de seconde que compte le lycée marseillais.

Ils sont encore moins nombreux au lycée Jean-Baptiste-Corot, à Savigny-sur-Orge (91), où le taux de redoublement en seconde est d'à peine 1 %. “Le redoublement en fin de seconde est réservé aux élèves travailleurs, mais dont les résultats sont trop fragiles pour aller en première”, résume Stéphane Ducrest, le proviseur. Pauline peut en témoigner. Élève moyenne au collège, elle arrive confiante en seconde à Jean-Baptiste-Corot, mais les résultats ne suivent pas. “J'avais beau passer du temps à travailler, je n'étais pas efficace et on m'a proposé de redoubler. Durant ma deuxième seconde, j'ai pu reprendre mon souffle”, analyse la jeune fille, qui est aujourd'hui en 1re S et se verrait bien ingénieur.
  

Une année perdue…

Si le redoublement peut se révéler positif pour des élèves travailleurs, il semble l'être moins pour les autres. À en croire Stéphane Ducrest : “Il ne sert à rien de faire redoubler des élèves qui ont montré peu d'intérêt pour le programme de seconde. Il n'y a aucune raison que cela change l'année suivante !” Un avis que partage Thierry Verger : “90 % des élèves qui redoublent la seconde contre l'avis du conseil de classe se retrouvent, à l'issue de leur deuxième tentative, avec des résultats proches de ceux de l'année précédente. Au final... ils ont perdu un an !”

C'est ce qui est arrivé à Marie, aujourd'hui en terminale STMG (sciences et technologies du management et de la gestion). Passée en seconde “de justesse”, elle s'est “amusée toute l'année”. En juin, elle a choisi de poursuivre en 1re ES, mais le conseil de classe a refusé et lui a proposé une 1re STMG. Elle a préféré redoubler, mais en deuxième année de seconde, “les cours lui semblaient toujours aussi longs et ennuyeux, et les bonnes notes n'ont pas été au rendez-vous”.

Édouard, aujourd'hui en première année de licence d'histoire, a connu un parcours identique : “Si je compare les résultats de mes deux années de seconde, je ne vois guère de différences. Ce n'est qu'en fin de 1re, à la perspective du bac de français, que j'ai compris qu'il fallait que je me mette vraiment au travail !”
  

... ou une année pour mûrir ?

Est-ce à dire que le redoublement de la seconde pour des élèves peu travailleurs est nécessairement inefficace ? Enzo, en terminale ES, ne partage pas cet avis : “C'est en redoublant que j'ai commencé à réaliser qu'il fallait que je travaille plus sérieusement. Ma deuxième seconde a d'ailleurs été nettement meilleure que la première”, positive le jeune homme, qui se prépare à passer des concours d'entrée en écoles de commerce.

Pourtant, à en croire Éric Billot, proviseur du lycée Albert-Camus de Lyon-Firminy (69), si le redoublement d'Enzo a été efficace, “c'est surtout parce qu'il a mûri”. “Rien ne dit que s'il était passé dans la classe supérieure à la fin de sa première seconde, ses résultats auraient été moins bons”, note le proviseur, un brin dubitatif.
  

Et s'il suffisait de se mettre au travail ?

Au redoublement, Stéphane Ducrest dit, lui aussi, préférer un passage en 1re, mais assorti de contreparties. “Lors du conseil de classe du troisième trimestre, on cherche à voir si un élève a des capacités qu'il n'aurait pas révélées par manque de travail. Si tel est le cas, on le jette à l'eau et on lui apprend à nager directement en 1re”, explique le proviseur. Au programme et en guise de bouées : deux stages de remise à niveau (français, anglais et maths) de dix jours chacun durant l'été précédant l'entrée en 1re et les vacances scolaires. Et ça marche ! Pour preuve : “Notre taux de réussite au bac a progressé au même rythme que le taux de redoublement en seconde baissait”, souligne Stéphane Ducrest.

En atteste le parcours de Justin, en première ES : “Je suis arrivé au lycée dans le même état d'esprit que celui que j'avais quand j'ai quitté le collège : prendre du bon temps et profiter de la liberté qui m'était accordée. Travailler... le moins possible.” Sans surprise, ses résultats en fin de seconde sont trop justes. Pour autant, ses professeurs prononcent le passage dans la classe supérieure. “Mais c'était sous réserve qu'à la fin du premier trimestre, mon bulletin soit satisfaisant. Dans le cas contraire, je devais me préparer à rétrograder en seconde. J'ai profité de tout ce que m'offrait le lycée pour me remettre à niveau : stages passerelles, soutien le soir”, explique le jeune homme, qui a reçu des compliments au premier trimestre.
  

Faire appel ou pas ?

À écouter les chefs d'établissement, les équipes pédagogiques sont les mieux placées pour savoir ce qui est souhaitable pour l'élève. “Quand nous proposons à un jeune de redoubler ou d'envisager une autre orientation, c'est que l'on sait qu'il aura du mal à suivre en première générale”, explique Thierry Verger.

Pierre, en 1re ES, en a fait l'expérience. En fin de seconde, le conseil de classe lui conseille une 1re STMG. Il refuse, fait appel et obtient gain de cause. Trois mois après la rentrée, il se dit “largué”. “Je vais demander à redoubler ma 1re et à m'orienter en STMG.” Un discours qu'il n'aurait pas imaginé tenir un an plus tôt ! 

Quel recours ?

En fin de seconde, le redoublement est prononcé par le conseil de classe, mais les familles ont le droit de s'y opposer. Elles sont alors reçues par le chef d'établissement qui décide de revenir ou non sur l'avis du conseil. S'il confirme le redoublement, mais que la famille n'est toujours pas d'accord, celle-ci peut faire appel dans un délai de trois jours. Le redoublement, quant à lui, est de droit.

Valentine, 18 ans, en terminale ES au lycée Rabelais, à Meudon : “Si je n'avais pas redoublé ma seconde, j'aurais redoublé ma première”
Arrivée au lycée avec un bon niveau – qu'atteste une mention bien au DNB (diplôme national du brevet) –, Valentine perd très vite pied en seconde : “En classe, je n'écoutais rien, je passais mon temps à bavarder.” Quant au travail à la maison, il était “quasi inexistant”. À la fin de l'année, le couperet tombe : redoublement. “On m'avait prévenue, mais je n'y croyais pas. J'étais totalement insouciante.”

Échaudés par l'exemple de sa sœur, qui a redoublé sa seconde pour rien, car “elle avait toujours autant de difficultés la deuxième année”, selon ses parents, ceux-ci décident de faire appel de la décision du conseil de classe. Ils n'obtiennent cependant pas gain de cause. Valentine redouble. “Ça a été une véritable claque. J'ai passé tout l'été à ruminer, je ne parvenais pas à digérer mon redoublement. J'étais persuadée que l'année se passerait tout aussi mal.”

À la rentrée, elle change néanmoins d'état d'esprit et adopte une attitude plus positive : “Ce n'est pas tellement que je travaillais davantage, mais j'étais plus méthodique et, pour la première fois, j'étais attentive en classe.” Ses notes font un bond : “Je suis passée de 9 de moyenne à 14/15” et... elle aligne compliments et félicitations. Aujourd'hui, en terminale ES, la jeune fille se situe parmi les trois meilleurs élèves de sa classe.

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