Portrait

Lycéen et handicapé : "Je suis le moteur de la classe"

Lycéen et handicapé // © Sabine Delcour pour l'Etudiant
Interne à l'Institut d'éducation motrice, Alexandre est accompagné en permanence de Vanessa, son auxiliaire de vie scolaire. © Sabine Delcour pour l'Étudiant
Par Propos recueillis par Maria Poblete, publié le 27 octobre 2015
1 min

Cette année, Alexandre est en première L au lycée Victor-Louis à Talence, près de Bordeaux. Interne à l’IEM (Institut d’éducation motrice) à proximité de l’établissement, son handicap ne le freine pas dans ses études.

"Je suis né grand prématuré, à 5 mois et 3 semaines. Je pesais 900 grammes. Résultat de ma naissance mouvementée, je suis IMC (infirme moteur cérébral). J'ai une lésion cérébrale et je suis quadriparésique. Je suis touché aux 4 membres, surtout les jambes et le côté droit. J'ai de la motricité dans les bras, mais pas comme une personne valide."

"Pour marcher, le problème n'est pas de faire les pas. Je n'ai pas d'équilibre. Je me déplace en fauteuil roulant électrique. Il vient des États-Unis. Il est aussi verticalisateur et allongeur. Mon père l'a bricolé, il a ajouté le cale-tête et un système pour accrocher mon portable. D'un point de vue pratique, j'ai besoin de quelqu'un pour tous les gestes du quotidien."

"Sinon, côté intellect, tout va bien ! J'ai toute ma tête. Je dis ça parce que l'une des choses qui m'énervent le plus, c'est qu'on associe handicap moteur et handicap mental."

"Je leur ai expliqué pourquoi j'étais différent"

"J'ai toujours été le seul 'handi' en classe. En général, cela se passait bien. Mon premier jour en maternelle, voyant peut-être que mes camarades me regardaient bizarrement, je leur ai expliqué pourquoi j'étais différent. Moi, j'ai oublié cette anecdote : c'est ma mère qui me l'a racontée. Mais cela ne m'étonne pas de moi. J'aime communiquer. Je suis à l'aise."

"Étant le seul handicapé, j'ai parfois essuyé les plâtres. Mes pires souvenirs remontent aux premières années de collège. Le principal ne voulait pas de moi, il a même essayé de m'exclure du voyage d'intégration, c'est dire ! Avec les auxiliaires de vie scolaire, c'était affreux. J'ai été maltraité psychologiquement. Elles me criaient dessus. Une horreur. Moi qui adorais étudier, je ne voulais plus aller en cours. Puis, nous avons déménagé. Je suis entré dans un super collège. J'ai repris confiance en moi. J'ai terminé avec une très bonne moyenne. J'aime l'école, j'aime travailler et apprendre."

"Mon petit speech est souvent très utile aux professeurs"

Je ne suis pas quelqu'un de timide et je fonce. En arrivant au lycée, j'ai fait comme d'habitude. Je me suis exprimé. Le premier jour, à la première heure avec la professeure principale, j'ai demandé la parole. Je me suis présenté, j'ai expliqué ma situation. Je n'ai pas tout déballé, non, juste les grandes lignes. J'ai parlé aussi du facteur E, 'E' comme 'extérieur'. C'est lié à l'infirmité motrice cérébrale. C'est une réponse exagérée face à un bruit ou à une surprise. Je sursaute et mon cœur s'accélère. C'est dangereux. J'ai expliqué à mes camarades qu'ils doivent parler doucement, me prévenir s'ils vont crier et se trouver dans mon champ de vision avant de s'adresser à moi."

"J'ai conclu enfin en disant que s'ils avaient des questions, qu'ils me les posent à moi, pas à leur voisin. 1 : cela permet de détendre tout le monde parce qu'ils ne sont pas gênés. 2 : on évite l'amalgame handicap moteur égal handicap mental ! Ils voient que j'ai toute ma tête. Je peux les comprendre. Ils ne connaissent pas le handicap. La différence fait peur. Sans vouloir mal agir, ils n'osent pas demander, de peur de déranger. Mon petit speech est souvent aussi très utile aux professeurs... Même si, dans mon lycée, ils ont l'habitude d'accueillir des élèves handicapés."

"J'ai parfois des journées de 10 heures au lycée"

"Au début, j'étais réticent à aller à l'internat. J'appréhendais parce que j'ai toujours vécu dans un monde de valides. J'avais peur d'être 'ghettoïsé' et infantilisé par l'institution. Heureusement, cela ne s'est pas passé ainsi. À l'IEM [Institut d'éducation motrice, de l'APF – Association des paralysés de France], chacun est responsable de son programme et est autonome. C'est très pratique. J'y vais à 'pied' si je puis dire, c'est à 10 minutes du lycée. On a tout sous la main, que ce soit en termes de personnel paramédical ou de matériel."

"En fonction de mon emploi du temps, je m'organise. Je prévois les heures de lever et de coucher, les douches, les repas, ainsi que mes 3 séances de kiné par semaine, mon rendez-vous avec l'ergothérapeute avec lequel je vois toutes les questions pratiques : informatique, matériel.

Mes semaines sont chargées. J'ai parfois des journées de 10 heures de présence au lycée. Imaginez quand, en plus, j'ajoute les soins et le reste, je suis harassé. Au dernier trimestre de seconde, j'ai eu une bonne dizaine d'absences."

"Je bénéficie d'aménagements"

"Dans le cadre de mon programme personnalisé, je bénéficie d'aides pour me faciliter la vie. J'ai toujours une auxiliaire de vie scolaire, c'est la même depuis la seconde. Vanessa est avec moi en classe, à la cantine, en permanence. On s'entend bien. J'ai un ordinateur que je trimbale partout. Je tape avec un doigt. Les professeurs parlent vite, alors Vanessa prend des notes pour moi. Dans mon lycée, tout est aménagé, avec des rampes et des ascenseurs adaptés aux élèves handicapés. Il y a même une section pour sportifs de haut niveau handicapés."

"C'est notre professeur de lettres, mandaté par l'Éducation nationale, qui s'occupe de la coordination, c'est pratique. Pour les contrôles, on a des salles où on peut s'isoler. Parce que en général, je dicte les réponses à Vanessa. Au niveau scolaire, je m'en sors plutôt bien. J'ai eu quelques soucis en maths, mais j'ai bénéficié de cours particuliers et maintenant cela va beaucoup mieux."

"J'aime étudier, jouer et rapper"

"Les professeurs disent souvent de moi que je suis le moteur de la classe. Ce qui est drôle pour un 'handi', vous ne trouvez pas ? En fait, j'adore apprendre, je suis curieux. J'aime les langues anciennes, que j'étudie à fond en première. Je travaille beaucoup, mais cette année, j'ai décidé de garder des devoirs pour le week-end. Je rentre à la maison le vendredi soir et je retourne à l'internat le dimanche."

"Mon principal loisir est la musique : je suis rappeur. J'écris les textes et j'enregistre tous les samedis matin avec Olivier. On a monté un groupe qui s'appelle 'Rimeur en série'. J'adore la scène pour les échanges avec le public. J'aime jouer avec ma petite sœur Mathilde. Je suis un garçon normal. Dans ma tête, je ne suis pas vraiment 'handi'."

Les aides à la scolarité
Les lycéens handicapés peuvent étudier dans des établissements ordinaires. En fin de troisième, l'équipe de suivi et l'enseignant référent actualisent le PPS (projet personnalisé de scolarisation). Si le handicap survient en cours de scolarisation, il faut s'adresser à la MDPH (Maison des personnes handicapées du département) pour élaborer un dossier. Le PPS prévoit de faciliter la scolarité.

Le lycéen handicapé bénéficie d'aides humaines (accompagnant des élèves handicapés, interprète en langue des signes), techniques (ordinateur avec synthèse vocale), de séances de rééducation, d'aménagements pour les contrôles. De plus, il peut être dispensé de certains cours ou recevoir des enseignements adaptés.
Nouveauté : les conditions du passage du bac sont améliorées.

Aide Handicap École est une cellule de conseil et d'écoute du ministère de l'Éducation nationale. Tél. : 08.10.55.55.00, de 9 h à 12 h et de 13 h 30 à 17 h (sauf week-end).

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