Reportage

Au cœur de l’IFMK de Rouen : des études de kiné prises à bras-le-corps

Au cœur de l'IFMK (kiné) Rouen.
Pour Chloé en K1, comme pour ses camarades, il n’y a pas de gêne entre eux lors des TP. En bref, les étudiants prennent leur pied ! © Meyer/Tendance Floue pour l'Etudiant
Par Virginie Bertereau, publié le 05 janvier 2016
1 min

L’IFMK de Rouen accueille des étudiants kinés depuis 1966. Aujourd’hui installés dans un bâtiment moderne, près de la fac de médecine, ces futurs professionnels de santé sont formés à utiliser aussi bien leurs mains que leur tête pour soigner le corps.

À Rouen, le temple des études de santé s'appelle l'ERFPS. L'Espace régional de formation aux professions de santé abrite 13 écoles ou instituts médicaux ou paramédicaux dont un IFMK (institut de formation en masso-kinésithérapie) public. Le bâtiment de 2005, grandes baies vitrées et néons apparents, jouxte la faculté de médecine et le CHU (centre hospitalo-universitaire) Charles-Nicolle.

Le bleu clair et le blanc des couloirs lui donnent une ambiance "hôpital". "Ici, c'est propre, c'est moderne. C'est chez nous !", clame Emmanuelle, 20 ans. Cette "K1" – étudiante en première année – fait partie des 240 élèves de l'IFMK, des 1.500 étudiants de l'ERFPS. "Les locaux sont trop petits. Nous aimerions déménager dans un bâtiment dédié aux métiers de la rééducation", avoue Gilbert Tersin, le directeur de l'institut.

Finie la compétition, place à l'entraide

Pour l'heure, les élèves kinés ont cours au quatrième étage de l'ERFPS, parfois à la faculté de médecine. Question ambiance, le qualificatif qui revient le plus souvent est "familiale". À mi-chemin entre la fac et le lycée. "On essaie de créer une atmosphère posée pour les étudiants. Ils sortent de la PACES (première année commune aux études de santé), où ils ont été mis en compétition. Ils ont perdu le contact avec l'enseignement de proximité. Ici, on favorise l'entraide, le travail d'équipe. Les professeurs ne sont pas des gendarmes mais des accompagnateurs, des 'boîtes à outils'. Nous essayons de leur donner une philosophie du métier de soignant, de les positionner déjà comme des professionnels de santé", explique Frédéric Cosson, cadre formateur et référent des "K2" (étudiants de deuxième année).

Les TP, passage de la 2D à la 3D

Les élèves sont très vite mis dans le bain. Ce matin-là, les TP (travaux pratiques) de morpho-palpation des K1 portent sur la cheville et le pied. Onze étudiants – huit filles et trois garçons, une proportion représentative de la promotion – ont pris possession d'une salle remplie de tables de pratique recouvertes d'alaises blanches. Au mur, une diapo sur le calcanéus (un os du talon). Par terre et sur les étagères, des bouts de squelettes en plastique. Dans un coin, des béquilles. Le lieu est bien chauffé. Et pour cause : les garçons sont en boxer, les filles en culotte ou en mini-short. Pieds nus ou en chaussettes, ils regardent la démonstration de leur professeur sur leur camarade Chloé.

Timothée Gillot, kiné en cabinet libéral mais aussi étudiant en master recherche STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives), leur fait un rappel de points anatomiques, montre plusieurs repères et annonce : "À vous !" Par groupe de deux ou trois, les élèves regagnent leur table de pratique. Emmanuelle cherche le talus d'Élise, 19 ans, étudiante et handballeuse. "Pour le trouver, je trouve cela plus simple par le dessus que par les côtés. Ah, ça craque un peu", sent l'apprentie kiné. Chloé, manipulée par Valentin et Marie, rigole. "Cela me fait des frissons !"

Le toucher, la base de la formation

À moitié nus, les étudiants n'ont pourtant pas l'air mal à l'aise. "En début de première année, c'est un peu la panique. Certains essaient de se cacher. Mais en un mois, on voit une évolution. Avant d'entamer ces études, il faut savoir à quoi s'attendre : toucher, être touché, se déshabiller. Il faut être prêt à soigner ensuite un corps malade, âgé", avertit Sylvie Mareuil, cadre formateur à l'IFMK. "Nous sommes des professionnels de santé qui massent des corps humains. On n'a pas de jugement de valeur à avoir sur les autres", confirment Chloé et Marie avec une certaine maturité pour des jeunes de 20 ans.

Dans le groupe, beaucoup se souviennent néanmoins de leur "première fois". "En TP de palpation, on a commencé par le sacrum (un os du bassin). Pour une première prise de contact, cela a été efficace ! Au départ, on s'est regardé puis... plus rien. Il n'y a plus de gêne entre nous", assure Valentin.

Pour devenir kiné, il faut des aptitudes manuelles, mais aussi une "tête". "Les études requièrent une grande capacité de mémoire, d'apprentissage pour acquérir les connaissances nécessaires", prévient Benoît, 38 ans, diplômé en 2015 et basketteur professionnel reconverti. Pour intégrer l'IFMK (après trois essais, les places étant chères), il a bénéficié de son statut de sportif de haut niveau. Mais la plupart des élèves sont recrutés via la PACES, où les maths, la physique-chimie et la biologie sont reines. "Il faut un esprit scientifique mais certains n'ont pas de bac S et s'en sortent bien. C'est une question de motivation et de caractère. On a besoin d'étudiants tournés vers les autres, à l'écoute", insiste Valérie Martel, cadre formateur, référente des K1.

"C'est physique !"

À Rouen, l'IFMK offre 45 places par an. "Les étudiants qui intègrent ont entre 11 et 13,5 de moyenne en PACES", révèle Valérie Martel. En 2015, les admis les plus éloignés dans le classement médecine-kiné étaient arrivés dans les 280es sur 1.600 candidats. La suite des études est-elle plus tranquille ? Pas vraiment... "Les journées s'étalent de 9h à 18h et il faut travailler le soir", témoigne Marie, 21 ans, une K2. Maxime, 23 ans, confirme : "Quand on aborde la pathologie, cela devient plus dur. Et les stages ne sont pas reposants. On fait de grosses journées, durant lesquelles on s'investit beaucoup. C'est physique."

Au total, les étudiants doivent effectuer 42 semaines de stages durant leur cursus. "C'est ce que je préfère dans la formation. C'est en stage qu'on progresse le plus", assure Angèle, 22 ans, une K3 (troisième année) en amphi.

Kiné du sport : le Graal des étudiants

Cet après-midi-là, le cours théorique porte sur les maladies neuromusculaires. Toute la promo de troisième année est réunie. La professeure aborde les myopathies dans un amphi silencieux. "On est confronté à la maladie. Ce n'est pas déprimant, c'est comme cela", chuchote Angèle, qui a "toujours voulu être kiné". Idem pour son amie Clémence. "Je veux soigner par les mains, pas par les médicaments", lance cette dernière. D'autres cherchent un métier "de contact", "où l'on traite de nombreuses pathologies, de nombreux patients" et "qui évolue".

La plupart veulent devenir kiné du sport, un milieu pourtant très fermé auquel on accède avec de la formation continue, une expertise acquise sur le terrain... et un bon réseau. "80 % des kinés exercent en libéral, 20 % en salariat. La profession ne connaît pas le chômage. Les étudiants ne savent souvent pas se vendre. On leur apprend donc aussi à chercher un emploi", indique Véronique Hancart-Lagache, responsable pédagogique des stages et des K3.

"La vie étudiante : une tuerie !"

À l'IFMK, la fin d'après-midi sonne la fin des cours. Les étudiants logent en résidence universitaire, chez leurs parents, en colocation... Le centre-ville de Rouen n'est qu'à quinze minutes. Ils peuvent aussi se retrouver dans les cafés de la place Saint-Marc, toute proche. "Après la PACES où l'on n'a aucune vie sociale, la vie étudiante en kiné, c'est une tuerie !", lance Marie, en K1.

Se former à l’IFMK de Rouen
Depuis la rentrée 2015, à Rouen comme partout en France, les études sont passées de trois à quatre ans. Elles sont divisées en deux cycles. La nouvelle maquette inclut de la sociologie, de la philosophie, des sciences de l’éducation, une unité d’enseignement autour de la recherche.

Quarante-deux semaines de stages à prévoir dont un long de trois mois en fin de quatrième année, avec la possibilité de l’effectuer à l’étranger.

Les élèves de l’IFMK à Rouen, financé à 80 % par la région Haute-Normandie, paient des frais de scolarité de 184 € par an sans mutuelle. Des allocations d’études (10.000 € par an) sont versées à ceux et celles qui s’engagent à servir la fonction publique une fois diplômés.

Le diplôme d’État n’est pas (encore) reconnu au grade de master.

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